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Episode 8.14 - Ascension et Chute
Par: Zeke (qbertman@hotmail.com)

Version française: Laurent (stvoyager@free.fr)

Note: Star Trek: Voyager, personnages et autres produits dérivés sont des marques déposées de Paramount Pictures. Aucune infraction aux droits d'auteurs de Paramount voulue. La Saison 8 virtuelle de Voyager (Voyager Virtual Season 8, VS8) est une entreprise à but non lucrative. L'histoire est propriété de son auteur. Pas de reproduction sans sa permission.

 

"Le Voyager a finalement réussi à rentrer à la maison... Mais toutes ses décisions vont-elles revenir hanter Janeway ?"

La majeure partie de l'Espace n'est composée que de cela. Entre les systèmes solaires et les corps célestes s'étend le vide spatial, couvrant les vastes distances qui les séparent à l'intérieur de la Voie Lactée. Dans cette étendue, mises à part les occasionnelles paires de particules créées et désintégrées aussitôt, tout n'est que vide parfait. Le vide de l'Espace, d'un froid et d'un silence à vous glacer l'âme.
Le secteur 47531C du Quadrant Gamma correspond à cette définition tout aussi bien qu'un autre. Loin à l'intérieur des frontières de l'Espace Dominion, il attend dans le silence et l'inconnue. Contrairement à la Fédération, le Collectif Borg ne voyait aucune raison de le répertorier. Le vide spatial était sans intérêt, et dépenser son énergie à le cataloguer était inefficace. Le secteur 47531C n'avait rien à proposer, rien à découvrir. Le gigantesque empire des deux Quadrants n'y changeait rien. Il ne connaissait que le silence et le froid.
Près du centre du secteur, un changement était en train de s'amorcer. Des forces quantiques faisaient sentir leur action subtile, tirant, pétrissant et tordant le matériau sous-jacent de l'Univers. Le chaos se nourrit de lui-même et grossit jusqu'à l'échelle macroscopique. Un vortex s'extirpa du vide tandis que les lois de la nature hurlaient de protestation. Y aurait-il eu une quelconque conscience vivante dans le secteur 47531C pour observer l'avènement, elle n'aurait pu s'empêcher de ressentir la sensation qu'une force sombre s'imposait ici, que quelque chose de mal faisait son chemin par là.
Finalement, le vortex tournoya en s'ouvrant et expulsa son créateur. Un vaisseau spatial sophistiqué, parmi les plus avancés de la galaxie. Ses huit côtés, des triangles équilatéraux quasiment parfaits, lui donnaient son nom d'octaèdre. Son extérieur mécanique à l'extrême et sa géométrie rude trahissaient son origine. Il y avait de nombreuses races et de sociétés intelligentes dans la galaxie, mais un vaisseau fabriqué avec autant d'efficacité dénuée d'âme et de dédain pour l'esthétique ne pouvait être créé que par les Borgs.
Le vaisseau, un yacht royal réservé à la Reine, changea brutalement de cap et s'élança à vitesse maximale. Comme il fuyait le secteur, un autre vortex s'ouvrit, puis un autre, chacun éjectant un massif cube Borg. Se déplaçant à l'unisson, les cubes jumeaux donnèrent la chasse. Quelques instants plus tard, ils bloquaient avec succès le yacht à l'aide de rayons tracteurs. Lentement, les cubes attirèrent le petit vaisseau, se préparant à sa capture et à son abordage.
L'octaèdre pivota sur son axe vertical. Quelque chose ressemblant à un bouclier apparut en surbrillance autour de lui et interrompit les rayons tracteurs. Il changea alors immédiatement de direction, échappant aux cubes pendant quelques secondes avant qu'ils ne prennent à nouveau pour cible. Le yacht répéta la même manoeuvre trois autres fois. La quatrième fois, le bouclier n'eut plus aucun effet. Apparemment par désespoir, il envoya ses rayons d'énergie tranchants et lâcha des torpilles luminescentes vertes, endommageant les grands vaisseaux mais sans toutefois les arrêter. Les cubes attiraient leur proie de plus en plus près.
L'Espace se tordit à nouveau et deux autres vaisseaux Borgs entrèrent dans la danse. L'un était un cube et l'autre une sphère dont la structure arrondie contrastait avec les arêtes rudes et les pointes de son compagnon. Les nouveaux arrivants se dirigèrent chacun vers un cube et commencèrent à les combattre de tout leur armement, pilonnant systématiquement et frénétiquement une seule des faces. Les cubes jumeaux luttèrent pour maintenir leurs rayons tracteurs et y parvinrent, mais au sacrifice de l'abandon de leur position. Subissant impitoyablement les coups des vaisseaux ennemis, les cubes dérivèrent en direction des tirs, si concentrés sur la capture du yacht royal qu'ils ne s'aperçurent pas des intentions de leurs opposants. Finalement, les deux cubes se heurtèrent, leurs faces grinçant l'une contre l'autre, des étincelles virevoltant dans le vide avant de disparaître.
Les rayons cessèrent. L'octaèdre recouvra sa manoeuvrabilité. Il se prépara à repartir avec ses deux alliés, ouvrant un nouveau conduit de transdistorsion, assez grand pour les englober tous les trois. Après avoir tiré exactement assez de torpilles pour s'assurer que les cubes ennemis ne pourraient être récupérés, il se mit en position et délivra un message subspatial, préparé de façon à n'être audible que des drones Borgs dont les balises interplexes étaient réglées sur une fréquence très précise. Les trois vaisseaux reprirent ensuite leur chemin, suivant les informations fournies dans le message qui disait "Engagement réussi. Aucune perte. Toutes les forces dans la première division, préparez-vous pour un rendez-vous immédiat au point de grille zéro-deux-six-neuf. Code de confirmation sécurité Axum Z-X-Deux-C."
Il ne restait aucun être vivant sur les deux cubes pour entendre cela. Avec l'efficacité qui caractérisait les Borgs, les vaisseaux et les drones, désormais inutiles pour les Borgs, se dissolvèrent au niveau atomique en un nuage diffus et dispersèrent leurs atomes dans toutes les directions. Le silence et le froid revinrent. Dans le secteur 47531C du Quadrant Gamma, tout n'était que vide parfait, comme il en avait toujours été et comme il en serait toujours.
 
***
 
"En arrière de six millions de kilomètres", cria le Capitaine Yvette Marson. Son pilote s'exécuta instantanément, faisant machine arrière et ramenant le Solstice, vaisseau de classe Nova, à distance de sécurité. Quelques instants plus tard, l'onde de choc le frappa, secouant le vaisseau avec violence et envoyant voler l'équipage à travers la passerelle. Des consoles explosèrent, les lumières s'éteignirent. Le bruit devint insupportable, puis stoppa brusquement tandis que l'onde de choc continuait son chemin à travers le vaisseau.
"Rapport des dommages !" Marson relâcha sa main de fer du bras de son fauteuil de commandement, qui l'avait maintenue en place pendant le choc. Elle se leva et se tourna vers son officier tactique. "Que diable était-ce donc ?"
Le Lieutenant Tren vérifia une nouvelle fois ses données, sans que cela ne l'aide plus. "Je n'en ai aucune idée, Madame. C'était visiblement une explosion massive, et les détecteurs semblent indiquer qu'il y avait des vaisseaux au centre de celle-ci, peut-être même une flotte entière. Mais nous n'avons aucune information sur la manière ou même sur la cause de cet événement, et nous ne savons pas de quels vaisseaux il s'agissait."
"Les rapports de dommages commencent à arriver, Madame", ajouta le Lieutenant Commandeur Velasquez depuis les opérations. "Nous avons perdu de la puissance sur les ponts cinq à sept et nos moteurs d'impulsion sont vidés de moitié. Les boucliers ne seront pas opérationnels avant une heure, mais les moteurs de distorsion sont intacts et nous n'avons perdu personne."
Marson acquiesça avec reconnaissance. Cette douleur, au moins, ne serait pas ressentie aujourd'hui. Elle se tourna vers Velasquez. "Transférez la puissance auxiliaire vers les détecteurs et scannez le secteur aussi précisément que vous le pourrez. S'il y a le moindre signe, nous aurons besoin de ..."
"Madame", l'interrompit l'Officier Banks, "Regardez !"
L'équipage se tourna vers l'écran principal et resta pétrifié sur place. Là, devant eux, se tenait une légende des temps modernes de la Fédération. Un vaisseau de Starfleet emplissait l'écran, sa coque recouverte d'une armure qui invoquait un message d'invincibilité, les nacelles tendues au loin, la soucoupe dans une position haute de confiance. L'armure se replia lentement pour révéler une coque scintillante de duranium et le code d'immatriculation désormais célèbre NCC-74656. Marson ne pouvait qu'imaginer ce qui venait de se passer, mais elle était sûre d'une chose. Quelque part, le vaisseau USS Voyager avait encore une fois défié le destin.
Tren brisa le silence. "Dois-je ouvrir une fréquence d'appel, Madame ?"
"Absolument, Lieutenant. Envoyez ce message." Marson s'éclaircit la voix. "Ici le Capitaine Yvette Marson du vaisseau de la Fédération Solstice. Si vous êtes bien qui vous semblez être, j'ai le plaisir de vous dire, au nom de la Fédération des Planètes Unies... Bienvenue à la maison."
Tren et Velasquez s'agitèrent nerveusement pendant quelques secondes, ce que Marson reconnaissait comme le signe qu'ils n'avaient même pas envisagé un instant l'alternative contenue dans le 'si vous êtes bien qui vous semblez être'. Le Capitaine nota avec satisfaction que Banks n'avait même pas cillé à cette remarque. Après avoir appuyé sur quelques commandes de sa console, Velasqez déclara "Ils répondent, Madame."
"A l'écran." Marson regarda l'écran vaciller, le signal disparaissant puis apparaissant à nouveau, cette fois pour révéler les gens dont les images holographiques avaient fait la une de tous les supports d'information de la Fédération six mois auparavant. Tout le monde à bord du Solstice, jusqu'au plus simple des membres d'équipage, était sans doute capable d'associer les noms aux images des personnes sur l'écran. Chakotay, Seven of Nine, Tuvok, Tom Paris. Et maintenant, Marson était en train de parler personnellement au chef de cette bande de héros, Catherine Janeway en personne.
"Ici le Capitaine Catherine Janeway du vaisseau Voyager. Réellement." Un sourire passa sur le visage du Capitaine. "Je comprends votre scepticisme, mais faites-moi confiance, nous sommes exactement qui vous pensez que nous sommes."
Marson souria en retour. "Contente de vous l'entendre dire. Nous mourons tous d'envie d'entendre votre histoire, et nous en aurons tout le loisir. La Terre est à une semaine de distance en vitesse de distorsion."
"Oh, j'espère que nous ne vous dévions pas de votre chemin."
"Ne vous inquiétez pas, Capitaine. Nous nous dirigions par là de toute façon. Nous terminons juste une mission de deux ans de recherche de pulsars binaires."
Le visage de Janeway s'éclaira d'intérêt. "Vraiment ? Maintenant, c'est moi qui vais vouloir entendre cette histoire. Nous échangerons notre histoire contre la vôtre."
La perspective ravit Marson, mais le choc de la découverte commençait maintenant à faire remonter son sens du devoir. Après tout, le mystère demeurait. "Capitaine, il y a un moment, nous avons détecté une explosion massive..."
Janeway leva un bras. "Nous sommes on ne peut plus au courant de tout cela. Je serai contente de vous expliquer toute cette histoire en personne. Disons pour simplifier que l'explosion a été causée par la destruction d'une flotte ennemie dont le but était de mener une guerre contre la Fédération. Une guerre qu'ils étaient tout à fait capables de gagner."
Marson éprouvait un mélange de réactions. Elle n'avait aucune raison de ne pas croire en l'évaluation de Janeway d'un danger, bien au contraire. Janeway avait le poids de l'expérience sur ses épaules, et qui plus est, avait survécu à sept ans de solitude dans le Quadrant Delta. Mais il ne s'agissait pas d'un acte ordinaire. Si Janeway avait véritablement détruit une flotte entière de vaisseaux ennemis, une flotte importante si l'on en jugeait par la taille de l'explosion, alors cette action ne devrait-elle pas être examinée minutieusement au plus haut degré ? Quel genre de situation désespérée nécessiterait de telles représailles, un tel emploi de la force ?
Est-ce que l'on pouvait faire confiance à un officier qui donnait de tels ordres ?
Pas maintenant, se dit Marson en elle-même. Les questions pouvaient attendre plus tard, elle pourrait débattre de la situation quand le temps viendrait. Pour l'instant, elle avait le privilège d'accueillir le retour d'un héros de la Fédération, et c'était son honneur et son devoir de faire cela à bras ouverts.
"Ne nous occupons pas de cela pour l'instant, Capitaine. Nous devrions mettre le cap vers la Terre. Laissez-moi vous le répéter encore une fois. Bienvenue à la maison." Elle jeta un regard à son équipage autour d'elle, puis à Janeway. "De notre part à tous. A vous tous."
 
***
 
Le mess était rempli de gens, mais personne ne parlait. Toutes les faces étaient tournées vers le sol, toutes les pensées étaient sombres. Ce n'était pas le silence qui régnait dans la pièce, c'était plus que cela. Sur l'estrade, Le Capitaine Catherine Janeway observait son équipage, les hommes et les femmes dont la force avait maintenu l'unité de son vaisseau depuis presque une décennie. En elle, elle pleurait pour eux autant que pour l'ami qu'ils avaient perdu. Chaque visage disparu hantait la photo de groupe.
"Cette estrade", commença Janeway, "a trop souvent servi."
L'équipage ressentait la même chose qu'elle. Comment aurait-il pu en être autrement ? Trop d'années, trop de batailles... trop de vies interrompues brusquement avant l'heure. Trop de funérailles.
"Cette vue du mess et de l'équipage, je l'ai observée au total trente neuf fois depuis que le Voyager est arrivé pour la première fois dans le Quadrant Delta", continua le Capitaine. "Dire que ce n'est jamais facile serait en dessous de la réalité. C'est encore plus dur à chaque fois. C'est une peine que nous partageons, c'est un fardeau que nous portons tous, ensemble. Et seuls, pourtant."
Janeway adopta alors le format standard. "Nous sommes réunis ici en cette date stellaire 55353.9 pour rendre un dernier hommage au membre d'équipage Kenneth Dalby. Sa dépouille n'ayant pas pu être ramenée, nous allons confier son phaseur, possession si chère à ses yeux, à l'espace."
En fait, seules quatre personnes dans la pièce connaissaient l'histoire complète de ce phaseur. Dalby l'avait emporté avec lui dans la tombe, mais il avait été retrouvé par Chakotay après une attente sans dérangement pendant un nombre incalculable d'années. Janeway continua. "En cette occasion, toute personne qui désirerait parler à la mémoire de Monsieur Dalby sera écoutée."
Il y eut un moment de silence, puis Elizabeth Henley fit un pas en avant. Janeway se déplaça sur le côté pour laisser la place sur l'estrade à l'ancienne maquisarde.
"Je serais brève", commença Henley. "Je n'ai pas besoin de présenter Ken Dalby à qui que ce soit ici. Je l'ai sans doute connu un peu plus longtemps que la plupart d'entre vous, mais nous le connaissions tous bien. Nous connaissions sa personnalité. Nous connaissions ses opinions... Il s'en assurait d'ailleurs." La remarque provoqua quelques gloussements. "Nous savions pourquoi il était sur ce vaisseau et ce qu'il éprouvait à ce propos. En fait, soyons francs, nous savions parfaitement tout ce qu'il y avait à savoir sur l'homme. Ken ne faisait pas de secrets. Il montrait tout ce qu'il était à la vue de tous, et pas seulement ses émotions."
"Je ne nierai pas que cela pouvait parfois être barbant, mais j'appréciais ce côté en lui. Il croyait en l'honnêteté et dans la franchise jusqu'au bout. Et il ne croyait rien sans y croire totalement. Ken pouvait être votre pire ennemi ou votre meilleur ami, mais jamais entre les deux. Dans une galaxie faite de gris, il était un chevalier en armure blanche et noire. Protégeant ceux qui ne pouvaient se protéger eux-mêmes, combattant les gens qui le méritaient. Voilà ce qu'était en fait Ken."
"C'est comme cela qu'il est mort, et il n'aurait pas voulu qu'il en soit autrement. Il a perdu la vie pour la même raison qu'il la vivait. Je ne sais pas s'il nous a laissé quelque chose, mais si c'est le cas, ce sera surtout que rien n'est plus important que ce en quoi l'on croit. A la fin, ce en quoi Ken Dalby croyait, c'était nous. Nous pourrons nous souvenir de cela jusqu'à la fin de nos jours. Quoi que nous puissions penser de nous-même et des autres, un homme bon a décidé que cela valait la peine de mourir. Je suis fière d'avoir été à ses côtés."
Henley se retira de l'estrade, encore émue mais la tête haute. La plupart des membres d'équipage retenaient maintenant leurs larmes. A côté de Janeway, Tom et B'Elanna se serraient dans les bras l'un de l'autre. Ailleurs, elle pouvait voir Chell essayer de réconforter Gerron, le meilleur ami de Dalby. Après une pause respectueuse, Janeway s'avança et demanda à nouveau si quelqu'un désirait prendre la parole. Cette fois, ce fut Tuvok qui s'avança, à la surprise du Capitaine. Tout en se demandant ce que son ami Vulcain allait dire, elle s'écarta de l'estrade.
"Monsieur Dalby est arrivé à bord du Voyager, il y a sept ans", déclara Tuvok. "A l'époque, il avait passé plusieurs mois dans le Maquis et n'était encore jamais monté à bord d'un vaisseau de la Fédération. Son adaptation à la vie dans le Quadrant Delta fut rapide mais pas drastique. En fait, sa personnalité et son attitude n'avaient pratiquement pas changées. En tant qu'officier tactique, mes devoirs comprenaient l'évaluation des membres d'équipage face à toute menace contre la sécurité du vaisseau, et cela m'amena à envisager les effets potentiels de M. Dalby sur les relations alors tendues de l'alliance Maquis-Fédération. Mes conclusions furent qu'il était un élément instable et une menace potentielle, car son comportement était critiquable et son respect pour l'autorité pratiquement inexistant. Ce fut pour cette raison, parmi d'autres, que Monsieur Dalby entra dans ma sphère de considération."
Janeway commençait à s'inquiéter. Bien qu'elle eût foi dans l'intelligence et le jugement de Tuvok, elle doutait qu'il ait envisagé la manière dont des êtres émotifs réagiraient à ses mots. Ils étaient ici pour parler en bien de Dalby, chose que le Vulcain avait décidé de ne pas faire. Comment s'attendait-il à voir réagir l'équipage ? Janeway voyait déjà des visages en colère dans la foule.
"On ne peut pas considérer mes premières expériences avec M. Dalby comme concluantes", continua Tuvok. "Quand j'ai essayé de lui inculquer les protocoles de Starfleet, il a réagi avec hostilité et irrespect. Au cours des entraînements, cela ne s'améliora pas, et l'on peut même dire avec franchise que cela empira. Je commençais à observer des qualités chez Monsieur Dalby, comme la confiance en soi, la volonté et le commandement, mais je considérais cela comme étant moins important que l'humilité et l'obéissance qui convenaient à son rang."
"Quand Monsieur Dalby eut terminé ses stages d'entraînement, j'ai vite conclu que j'avais peu de raison de continuer à le prendre en charge. Les équipages de Starfleet et du Maquis se mélangeaient sans trop de friction, calmant mes craintes qu'il rende cette intégration plus difficile. Ainsi donc, j'ai relégué ses problèmes de discipline aux tréfonds de mon esprit, faisant place à des sujets plus urgents. Durant les sept années qui suivirent, j'ai continué de travailler aux côtés de Monsieur Dalby. Nous avons rarement discuté en dehors de nos conversations professionnelles, mais ma compréhension de son caractère s'est améliorée petit à petit, comme celle de chacun des membres de l'équipage."
"Il est dans mes usages de passer au moins deux heures en méditation chaque jour. Pendant ces périodes, je réfléchis à tous les sujets qui ont occupé mon esprit, du plus crucial au plus insignifiant. Cependant, durant les six dernières semaines, je me suis aperçu que je vouais de plus en plus de considération à l'homme d'équipage Dalby. Je ne saurais dire avec certitude pourquoi cela s'est produit juste avant sa mort. C'était très probablement un effet imprévu de la Bulle sur mes pouvoirs télépathiques. Toujours est-il que je crois que les résultats de mes méditations sont significatifs, et c'est pour cette raison que j'ai décidé de parler."
"Quand j'ai réfléchi aux progrès de Monsieur Dalby à bord du Voyager, je me suis rendu compte d'un changement progressif que je n'avais pas noté jusque-là. Durant notre première année dans le Quadrant Delta, son attitude avait été agressive et sujette à l'adversité. Il partageait le but commun de tout l'équipage, mais ne voulait pas être contraint par ses règles. Son opinion était que la fin justifiait les moyens, dans pratiquement tous les cas. Cet état d'esprit était tout à fait adéquat au sein du Maquis, mais ne ressemblait en rien à un officier de Starfleet. Ses qualités, courage et volonté de se défendre, étaient à mon avis dirigés dans la mauvaise direction. Cependant, pendant la durée de sa carrière au sein de Starfleet, je réalise maintenant que les motivations de M. Dalby ont changé sans que je m'en aperçoive. Il a maintenu les qualités admirables qui étaient les siennes, mais pour des raisons sous-jacentes qui n'étaient plus les mêmes. Réfléchissant sur ses actions dans la Bulle, j'ai réinterprété son comportement et découvert qu'elles étaient désormais basées sur la loyauté et la solidarité, et plus du tout guidées par son intérêt personnel."
"Un changement très subtil. Et encore plus subtil est le changement que j'observe désormais en moi-même. Mon contact avec Monsieur Dalby a pu paraître minimal, même sur une période de huit ans, mais ces récentes méditations ont réussi à me montrer une nouvelle vérité sur la nature humaine. J'ai réalisé qu'Il était possible pour un humain de changer au niveau émotionnel d'une manière si progressive qu'il peut laisser le niveau émotionnel inchangé. C'est quelque chose que je n'avais encore jamais rencontré pendant tout mon temps passé parmi les humains. En dépit de huit années d'apparente absence de communication, Monsieur Dalby, à travers cet exemple, m'a aidé à améliorer ma compréhension de l'esprit humain. Un tel don est pour moi d'une valeur des plus précieuses."
"Je suis Vulcain. Mes concitoyens vivent leur vie avec une grande attention et sélectionnent leurs amis très lentement avec beaucoup de soin. Le temps que cet équipage a passé dans le Quadrant Delta n'a pas été suffisant pour que je prenne de telles décisions. De mon point de vue, me référer à quiconque ici, mis à part le Capitaine, comme à un ami serait prématuré. Je ne dis pas cela comme une insulte mais plutôt comme une explication. Je ne peux donc pas dire que je considérais M. Dalby comme un ami, ce ne serait pas la vérité. Mais à l'époque de sa mort, je le considérais plus que comme un subordonné. Je le considérais comme un bon officier, un allié en qui j'avais confiance, et un homme qui méritait l'uniforme qu'il portait. Et même plus, maintenant que sa vie est terminée et peut être regardée dans son intégralité, je considère que sa présence a causé en moi un changement intellectuel positif. Un Vulcain ne saurait faire de compliment plus fort."
Tuvok se retourna et s'adressa au cercueil. "A vous, Monsieur Dalby, je vous offre ces derniers mots, prononcés par Surak à un disciple mourant pendant l'illumination. Sachez que vous avez vécu par la vérité qui était en vous. Sachez que votre vie a emprunté le chemin qui lui était destiné. Sachez que votre disparition diminuera notre monde et enrichira celui d'après. Puisse votre katra trouver la paix et l'épanouissement dans la nouvelle vie qui commence en ce jour."
Si la pièce avait été vide, le silence qui y aurait régné tandis que Tuvok retournait à sa place n'aurait pas pu être plus intense. L'équipage était étonné et transporté en même temps. En esprit, le Capitaine Janeway secoua la tête. Après tant d'années, son vieil ami pouvait encore la surprendre. Elle ne savait pas à quoi elle s'attendait, mais certainement pas à cela. C'était comme ça avec Tuvok. Il pouvait entreprendre des actions que vous ne pourriez jamais imaginer à l'avance, mais quand vous y repensiez après coup, tout était sensé. Tuvok ne faisait rien qui ne soit pas... en quelque sorte logique. Mais sa logique était plus cachée et plus compliquée que Janeway ne pourrait jamais la comprendre ou la prévoir.
Finalement, le Capitaine s'avança et clôtura la cérémonie. "En accord avec les voeux de l'homme d'équipage Dalby, nous incinérons ses restes. En tirant cette torpille, nous envoyons les derniers vestiges physiques de ses années d'existence parmi nous dans le feu. Les vestiges de son esprit ne mourront jamais."
Janeway fit un signe de tête à Harry Kim, qui lança la séquence de tir. L'équipage en entier se tourna pour faire face aux fenêtres tandis que les haut-parleurs commencèrent à diffuser le son des cornemuses. Finalement, la torpille de Dalby quitta les entrailles du Voyager en direction du feu qui l'attendait. L'équipage maintint son salut jusqu'à ce qu'elle ne soit plus visible.
 
***
 
"Alors vous dites qu'elle ne s'en souciera même pas ?"
"Non. J'ai simplement déclaré que votre retour n'aurait probablement pas un effet aussi fort sur votre fiancée que celui que vous vous attendez à voir."
Harry était horrifié, mais il se résolut à être patient avec Seven. Après tout, elle n'était encore qu'une étudiante dans le monde des humains. "Je ne crois pas que vous compreniez vraiment, Seven", dit-il. "Libby et moi n'étions pas que des collègues ou des amis. Nous avions décidé de passer le restant de nos jours ensemble."
"Je suis consciente de ce que 'fiancée' veut dire", répondit-elle avec ce ton un rien condescendant qui ne manquait jamais d'énerver Harry au plus haut point. "Mais cette décision a été prise, il y a huit ans."
"Seven... peut-être qu'un jour, vous comprendrez que huit années ne sont pas si longues lorsqu'il s'agit d'amour."
"Vous avez espéré vous remettre ensemble tous les deux."
"Oui, c'est cela."
"Alors pourquoi avez-vous tenté de vous engager dans des 'activités récréatives' avec moi quand je suis arrivée à bord du Voyager ?"
Harry s'arrêta de marcher. Un pas de plus et il se serait marché sur la mâchoire.
"Je suis désolée", dit Seven. "Ais-je dit quelque chose d'inapproprié ?"
"Non !" Harry essayait de trouver une explication. "Ecoutez, Seven, il y a certaines pulsions que les humains ont du mal à contrôler. Cela n'a pas forcément de rapport avec ce que j'éprouve pour Libby."
"Ah." Seven semblait satisfaite, mais elle se retourna alors et redressa légèrement la tête. "Alors c'est également vrai pour votre liaison avec l'assistante ingénieur Tal durant notre rencontre avec les Varro ?"
"Attendez un peu une minute..."
"Et aussi votre affection profonde pour l'enseigne Ballard ?"
"Les circonstances étaient..."
"Et votre intérêt pour le personnage holographique de Marayna ?"
"D'accord ! Vous marquez un point." Harry se remit en marche, puis stoppa d'un coup. "Attendez un peu. Comment êtes-vous au courant pour Marayna ? Ca s'est passé avant que votre arrivée à bord..."
Seven répondit avec ce que Harry reconnaissait comme sa version d'un sourire, un très léger sourire qui semblait vouloir dire 'j'ai gagné'. Puis elle se dirigea vers la salle de réunion. Perplexe, Harry la suivit. Les autres officiers supérieurs étaient déjà présents. Le Capitaine Janeway attendit que les deux derniers arrivés s'installent sur leur siège, puis commença la réunion. "Je pense qu'il est raisonnable de dire que nous avons quelques points à discuter."
"Qu'y a-t-il à dire ?" répliqua le Docteur. "La flotte Sernaix n'est plus là, et nous sommes rentrés à la maison !"
"Il me semble avoir déjà entendu ça auparavant", contra Tom Paris.
"Exactement", dit Janeway. "La dernière fois que nous avons cru voir notre voyage arriver à son terme, il en a été tout autrement. Les choses ont sans doute l'air en bonne voie pour nous pour l'instant, mais nous ne pouvons nous permettre d'être trop confiant. Nous devons absolument nous assurer que nous n'allons pas répéter une quelconque erreur déjà faite la dernière fois."
B'Elanna Torres se leva, comprenant le signal. "Depuis le moment où nous sommes entrés dans la Bulle, les équipes scientifiques et d'ingénierie ont essayé de comprendre ce qui s'était passé. Nous ne pouvons toujours pas en être tout à fait sûrs, mais nous en avons une idée assez précise."
B'Elanna marcha jusqu'au moniteur à l'avant de la pièce et l'activa. Les autres se tournèrent pour regarder.
"Voici quelle était la situation une seconde avant que nous activions le coeur de distorsion." Une image du Voyager apparut, encerclée d'une série de courbes de couleurs représentant le champ de distorsion. L'équipe y reconnut une configuration stable. "Et voici la situation au moment où nous avons activé le coeur." Le Voyager demeura immobile, de même que le champ de distorsion, dans un premier temps... puis progressivement, les courbes commencèrent à changer d'aspect, s'élargissant à l'arrière du vaisseau et s'effilant à sa proue. Finalement, la forme devint presque triangulaire, la pointe dirigée vers un foyer situé devant le vaisseau. Les couleurs aussi avaient changé, passant du bleu pastel commun dans Starfleet à un rouge écarlate.
"Voici ce qui est arrivé lorsque Tom a activé les moteurs." Le cadre avança, de même que le Voyager, mais le champ de distorsion, pour une raison obscure, ne suivit pas. En quelques instants, la coque du vaisseau entra en contact avec l'extrémité la plus étroite du champ. Il n'y eut pas d'impact, bien sûr, puisque le champ n'était pas un objet physique, mais le Voyager disparut instantanément. Le champ de distorsion se résorba rapidement.
"C'est fou", commenta Tom, faisant écho aux pensées de tous ceux présents dans la pièce. "Un champ de distorsion qui reste immobile alors que son vaisseau se déplace... ça n'a aucun sens. C'est comme de se lever et de voir ses vêtements rester en place sur la chaise."
"Cela m'est arrivé une fois", dit le Docteur. Voyant que les autres le dévisageaient, il s'expliqua. "Problème de programmation. Heureusement, Monsieur Paris n'était pas là à ce moment."
B'Elanna roula des yeux et reprit. "Nous n'avons aucune idée de ce qui est arrivé. Logiquement, cela ne devrait même pas être possible. Mais nous avons une bonne idée de ce que cela a produit. Quand la structure du champ de distorsion a dégénéré, son 'extrémité' est devenue un foyer local de turbulences subspatiales, créant une situation hautement instable. Et quand le Voyager est entré en contact avec ce point, il y a eu un échange massif d'énergies, assez pour nous propulser momentanément dans le subespace."
"Pour une durée juste suffisante pour heurter la mine subspatiale Borg", finit Janeway, additionnant deux et deux.
"Exactement. Tout est arrivé si vite que les senseurs n'ont enregistré qu'une seule milliseconde de données avant que nous ne soyons injectés dans le conduit de transdistorsion qui nous a emmené dans la Bulle. Voilà pourquoi il nous a fallu tant de temps pour comprendre la séquence exacte des événements."
"Et le Pléïades et l'Himalaya ?" demanda Chakotay.
"Juste assez près pour être pris dans notre sillage. Ils se trouvaient sur les franges du champ, où la pressure subspatiale était plus forte. Sans armure en renfort de leurs boucliers, leur structure n'a pas pu résister."
Sans qu'ils en aient eu conscience, les officiers restèrent silencieux un moment, tandis que revenait dans leurs mémoires le souvenir de toutes ces vies perdues. Janeway fut la première à reprendre la parole. "Il vaut certainement mieux que nous en sachions le plus possible sur ce qui s'est passé, mais le présent est encore plus important. Lieutenant, d'après votre jugement, est-il sûr de tenter d'utiliser la propulsion de distorsion dans ce quadrant ?"
"Absolument", dit B'Elanna sans aucune hésitation. "Le dernier incident est absolument non reproductible par tous ses aspects. Souvenez-vous, les Borgs savaient exactement où nous entrerions dans l'Espace de la Fédération la dernière fois. Cette fois-ci, ils n'en ont aucune idée. Si les Borgs pouvaient faire ce genre de choses n'importe quand, nous n'aurions même pas pu rentrer dans la Bulle. Elle aurait déjà été pleine à rabord des vaisseaux de leurs ennemis."
Janeway sourit devant cette image.
Tuvok, le sourcil légèrement arqué, posa une autre question. "Lieutenant, aucun des événements que vous avez décrit ne permet d'identifier sans ambiguïté les Borgs comme les responsables de notre transfert. Avons-nous la preuve qu'ils en étaient la cause ?"
B'Elanna repassa les faits dans sa tête. "Je ne pense pas", conclut-elle. "Mais les indices laissés par les circonstances sont accablants. Qui d'autre aurait pu savoir exactement dans quelle couche subspatiale nous envoyer pour que nous heurtions la mine ?"
Janeway se tourna vers son experte en question Borg. "Seven ?"
"Les informations que le Lieutenant Torres a décrites nécessiteraient des données précises et de calculs très compliqués", répondit l'ex-drone. "Il est douteux que quiconque en dehors du Collectif puisse les obtenir, à moins que ses ressources soient encore plus grandes, auquel cas tout cela n'aurait pas été nécessaire."
"Alors je dirais que nous pouvons les pointer du doigt avec assurance. Les Borgs ont été en quelque sorte responsable de ce qui nous est arrivé, et B'Elanna croit que cela ne se reproduira pas, en supposant qu'il reste encore des Borgs quelque part. Considérant tout cela", dit Janeway avec le sourire, "je pense qu'il est temps pour nous de retenter un nouvel essai de 'retour à la maison'."
Le Docteur afficha un large sourire à l'annonce de cette décision. Chakotay souriait aussi, mais de manière caractéristiquement plus modérée. Tom, Harry et B'Elanna avaient l'air de ces gens heureux plus pour leurs amis que pour eux-mêmes. Mais ils étaient quand même visiblement ravis de la décision. Seven, de son côté, semblait encore plus indifférente qu'à l'habitude. Même Tuvok ne semblait pas autant désintéressé, pensa le Capitaine.
Janeway était sur le point de clore la réunion lorsqu'Harry déclara. "Capitaine, aussi plaisante que la nouvelle semble être, je pense que nous voudrions tous savoir ce qui s'est passé ici pendant notre absence. Nos détecteurs ont montré que le temps s'était écoulé de la même manière ici et dans la Bulle, tout du moins pour nous, alors cela représente sept mois de plus de Quadrant Alpha à rattraper. Est-ce que Starfleet a déjà essayé de nous recontacter ?"
"J'ai peur que non", répondit Janeway. "Je m'inquiète de cela aussi. Nous n'avons pas entendu parler du Commandement, et même le Solstice est retourné à ses affaires depuis notre premier appel. Je vous mettrai au courant dès que nous aurons eu plus de nouvelles."
"Ils vont bien nous contacter, non ? Starfleet peut parfois être sérieusement protocolaire." Le souvenir de la Directive Omega revint sans prévenir à l'esprit d'Harry.
"Ne vous inquiétez pas", le rassura Janeway. "Je suis certaine qu'ils nous contacteront bientôt. Et s'ils ne le font pas, et bien... vous pouvez parier qu'ils ont de bonnes raisons pour cela."
 
***
 
Peu de planètes dans la galaxie étaient aussi puissantes et respectées que Terra, connue de ses habitants autrefois sous le nom de Gaïa, Tellus et maintenant de Terre. Le berceau de la Fédération, mais aussi le centre de commandement de Starfleet, était devenu l'utopie longtemps rêvée par Thomas More et ceux qui pensaient comme lui. Illuminée comme un phare dans l'Espace, Gaia accueillait toutes et tous sur ses rivages fertiles. Les humains ne considéraient plus ce monde comme leur seule maison. Mais quand ils se retrouvaient au loin, perdus à des distances sans limites aux fins fonds de l'Espace ou dans les profondeurs d'une isolation émotionnelle, c'est vers la Terre que leurs pensées revenaient toujours.
Sur cette planète, à l'intérieur des murs du Quartier Général de Starfleet, une discussion se déroulait dans une pièce où tant d'autres avaient déjà eu lieu auparavant. Depuis aussi loin que l'année 2142, cette pièce, la Chambre du Conseil de Starfleet, était le lieu traditionnel de réunion pour les officiers les plus hauts gradés de la flotte quand ils devaient discuter de décisions importantes. Des sujets aussi importants que le déploiement de vaisseaux dans la Guerre Romulienne ou aussi insignifiants que le fait que le vaisseau prototype Enterprise NX-01 du Capitaine Jonathan Archer puisse techniquement ou non être appelé un vaisseau spatial avaient été débattus ici. Les voix de Robert M. April, Heihachirou Nogura, Sarek de Vulcain, ainsi que l'honorable Kobry avaient résonné entre ces murs.
Le Conseil n'était pas en session, mais la pièce était pourtant utilisée. Les voix se faisaient basses.
"Ils en sont absolument certains ?" demanda l'Amiral Alistair Warhol, directeur du Groupe des Enquêtes Internes de Starfleet.
"Les données ont été vérifiées et re-vérifiées, encore et encore", répondit Alynna Nechayev, l'une des Amirales les plus expérimentées de la flotte. Elle parlait avec une assurance assez agressive. "Il n'y a pas d'erreur. Ce n'est pas un hologramme ou une réplique extraterrestre de quelque sorte qui puisse avoir été clonée, faite de Gel d'Argent ou de Dieu sait quoi. C'est le Voyager, et il est de retour dans le Quadrant Alpha. Et toujours avec Catherine Janeway sur la passerelle."
Tous froncèrent les sourcils à l'annonce de ce nom. "Nous aurons besoin de faire les préparatifs tous ensemble, bien sûr", commenta l'Amiral Kwami.
"Ca n'est pas un problème", répliqua le Commodore Blotnicky. "Nous pouvons contacter les parties nécessaires dans l'heure, et ils seront tous ici dans les trois jours. Nous avons tout notre temps."
"Bien", jugea Warhol, se frottant le menton. "Mais ce n'est pas tout ce que nous aurons besoin de faire. Etre tous prêts ne nous servira à rien si la nouvelle se répand trop vite."
"J'ai déjà pris des mesures pour ralentir les rapports sur le retour du Voyager", dit l'Amiral Richard, "mais c'est trop important pour le garder secret. Toute la Fédération sera au courant avant la fin de la journée. Après cela, il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire, si ce n'est limiter nos propres contacts avec eux."
"Peut-être pas. J'ai une idée", dit Warhol. Il appuya sur son communicateur. "Lieutenant, passez-moi le Capitaine Marson sur le Solstice. Priorité Alpha-trois, à l'attention unique du Capitaine."
Dans le bureau de Warhol, le Lieutenant Leucking exécuta son ordre. Vingt secondes plus tard, la connexion était en place et le visage de Marson était sur l'écran de la Chambre du Conseil. "Vous m'avez appelée, Amiral ?"
"Oui, Capitaine. J'ai des ordres spéciaux pour vous."
"Quelle surprise", dit Marson avec un sourire. Elle s'était visiblement attendue à quelque chose de ce style, étant donnée la situation exceptionnelle dans laquelle son vaisseau se trouvait.
"Avant tout, je veux que vous limitiez vos communications avec le Capitaine Janeway et son équipage. Discutez avec elle, par tous les moyens, mais laissez-la faire le maximum de la conversation. Il est impératif que vous ne lui fournissiez aucune information sur les événements récents dans le Quadrant Alpha. Si elle vous en parle, changez de sujet. Compris ?"
"Compris", répondit Marson, déroutée. "Puis-je vous demander pourquoi ?"
"Vous pouvez, mais je ne peux pas vous répondre pour le moment."
"Ah."
Warhol se tint plus droit sur son siège. "Le second ordre en est un dont je dois m'occuper personnellement. J'ai besoin que vous demandiez à votre ordinateur de bord d'exécuter les commandes que je suis sur le point de lui donner." Marson obéit.
"Ordinateur", commença l'Amiral, "Instaure dès à présent le Protocole de communications sécurisées 47 de Starfleet. Utilise les procédures les plus récentes disponibles."
"Cette opération nécessite une autorisation de sécurité de niveau treize", répliqua l'ordinateur, exactement de la façon dont Christine Chapel avait prononcé ces mots quand ils avaient été enregistrés plus d'un siècle auparavant. Certaines choses ne changent jamais, pensa Warhol. "Très bien. Autorisation vocale Alistair Warhol, Amiral. Mot de passe de sécurité niveau treize Theta-Un-Nu-Kappa-E. Confirmation."
"Autorisation vocale confirmée. Protocole de communications 47 maintenant effectif avec utilisation du jeu de procédure 2.82. Application à tous les systèmes inter-vaisseaux ?"
"Négatif. Application seulement au NCC-74656."
"Confirmé. Séquence de commande désormais verrouillée. Il n'y aura pas d'autres messages audio."
Warhol se réinstalla au fond de son siège et se tourna vers Marson, toujours perplexe. "Pour les enregistrements: cette conversation n'a jamais eu lieu."
"J'avais une demi-banane dans chaque oreille, Monsieur."
"Très bien. Vous avez vos ordres. Warhol terminé."
L'écran s'effaça puis disparut dans le mur, dissimulé par une petite mais parfaite projection holographique. Warhol regarda autour de la table ses camarades Amiraux. "Je suppose que vous savez tous quel protocole je viens juste de mettre en place ?"
Nechayev sourit. "Oui. S'il y a quelque chose qui peut nous aider, c'est bien cela."
"Content que nous nous comprenions. La réunion est close."
 
***
 
Catherine Janeway sortait de l'ascenseur d'un pas fier et assuré lorsqu'Harry fit son annonce. "Capitaine sur la passerelle !" Une formalité qu'il n'avait jamais ressenti le besoin d'utiliser auparavant. Pour une raison obscure, cela lui semblait approprié maintenant.
Janeway traversa triomphalement la passerelle, jusqu'à son fauteuil de commandement. Elle se tint plus droite qu'elle ne l'avait fait depuis très longtemps et regarda l'écran. Les constellations étaient exactement comme dans ses souvenirs, et il lui fut facile de trouver l'étoile qu'elle recherchait. "Monsieur Tuvok", dit-elle, "faites faire une rotation de quarante-cinq degrés selon les trois axes à notre angle de vue. En douceur." Tuvok s'exécuta. Janeway observa les motifs tourner sur l'écran jusqu'à atteindre la position qu'elle voulait. "Là ! Fixez l'image."
L'écran s'immobilisa. Janeway en pointa exactement le centre. "Vous voyez ça ? C'est le Soleil, notre soleil. Et la Terre est juste à portée de vol, à côté." Les sourires apparurent sur la passerelle.
Satisfaite, Janeway s'assit. Elle se tenait rarement debout pour donner l'ordre de se mettre en route. "Signalez au Solstice que nous sommes sur le point de partir", dit-elle à Tuvok.
"Ils confirment", répondit le Vulcain un moment plus tard. "Ils vont synchroniser leur champ de distorsion sur le nôtre."
C'était l'étape finale. Maintenant, tout ce qui restait à faire était de donner l'ordre. "Monsieur Paris", dit-elle, savourant chaque syllabe, "mettez le cap sur la Maison."
Elle sourit et ajouta "Et faites ça bien cette fois-ci."
"Oui, Madame !" répondit Tom d'une voie enjouée. Il entra le même vieux cap, mais avec une énergie nouvelle, conscient que ce serait la dernière fois. Dans un éclair de lumière bleue qui pouvait s'apercevoir à des milliards de kilomètres, le Voyager prit son envol.
 
***
 
Ce n'était pas souvent qu'on ne trouvait pas Seven dans le labo d'Astrométrie, mais apparemment Tom Paris était arrivé au bon moment. C'était probablement mieux, pensa-t-il. Je n'aurais pas à lui demander de me laisser la place. Il traversa la pièce jusqu'à la console de transmissions et entra une série de commandes qu'il avait pris l'habitude de connaître par coeur plusieurs mois auparavant. Les sous-programmes se dépoussiérèrent et commencèrent à reprendre leur chemin. La surface du déflecteur du Voyager commença à briller d'un éclat bleu électrique.
L'écran massif de l'Astrométrie préchauffa et afficha l'emblème de la Fédération. L'ordinateur mentionna en passant que le fait d'utiliser le système de communications Watson en vitesse de distorsion n'était pas recommandé, mais Tom resta indifférent à cette remarque. Ce n'était pas le moment d'être strict sur la sécurité. Il ne s'en était jamais soucié, de toute manière. Avec un clic léger qui ressemblait vaguement à un soupir, l'ordinateur se soumit à ses instructions.
"Pas de réponse", dit l'ordinateur. C'est bon, pensa Tom. Je peux attendre.
"Deux minutes de temps de communication écoulées", dit l'ordinateur. Ce n'est pas un drame, pensa Tom. Ca m'en laisse encore neuf.
"Quatre minutes de temps de communication écoulées", dit l'ordinateur. Patience, Paris, pensa Tom. Souviens-toi, la patience est une vertu.
"Six minutes de temps de communication écoulées", dit l'ordinateur. Je n'ai plus que cinq minutes ? Ce n'est pas drôle ! Ou est-il donc ?
"Huit minutes de..."
Bip.
"Tom ? C'est vraiment vous ? Louée soit la Grande Forêt ! Mais où étiez-vous donc ?"
Paris sourit. "Neelix ! Je me trompe, ou bien vous avez pris quelques kilos depuis la dernière fois que l'on s'est parlé ?"
Neelix regarda vers le bas, puis rougit. "Et bien... je ne cuisine plus que pour trois, maintenant, et je n'ai plus l'habitude de préparer de si petites quantités. Je crois que je surdose un peu."
"Dites, en parlant de cuisine pour trois, est-ce que c'est un anneau de mariage que je vois là ?"
Maintenant, c'était Neelix qui souriait. "Fiançailles. Une chose à la fois."
"Et bien toutes mes félicitations, l'ami ! Ecoutez, ça m'a fait du bien de pouvoir vous parler à nouveau, mais..."
"Ca vous A FAIT plaisir ? Enfin voyons, vous n'allez pas déjà me laisser, n'est-ce pas ? Cela fait sept mois ! Nous avons tellement de choses à nous raconter !"
"Je sais." Le visage de Tom se fit plus sérieux. "Mais il y a quelqu'un ici qui a plus besoin de temps de communication que moi." Il appuya sur son communicateur et murmura. "OK, tu peux rentrer."
La porte s'ouvrit pour laisser entrer la deuxième plus jeune membre d'équipage du Voyager. Naomi Wildman, sous-unité de l'Enseigne Samantha Wildman et assistante officielle du Capitaine, entra lentement dans la pièce, la tête haute et les mains jointes. Elle est nerveuse comme une mouche à fruit Tyrellianne, pensa Tom. Je ne crois pas qu'elle veuille admettre combien il lui a manqué.
Neelix lui fit le plus beau sourire que Tom avait jamais vu depuis des mois et fit signe à Naomi. Lentement, elle se rapprocha jusqu'à ce qu'elle se tienne aux côtés de Tom. Elle finit par relever la tête, réussit à esquisser un petit sourire derrière le conflit de ses émotions, et parla. " 'jour."
Tom donna une petite tape amicale sur la tête de Naomi et échangea un regard complice avec Neelix. Puis il sortit pour laisser au parrain et à sa filleule un peu d'intimité. Cinq minutes, c'était toujours mieux qu'une seule.
 
***
 
Le Commandeur Chakotay était assis jambes croisées sur le sol de ses quartiers, répétant mécaniquement les paroles d'une des anciennes prières de son peuple. C'était plus une prière de remerciement que de demande. Il en avait assez demandé aux Esprits du Ciel pendant l'époque de la Bulle. Maintenant, il était temps de les remercier de l'avoir guidé pendant ces mois difficiles. Chakotay récita les paroles de la même manière qu'il l'avait toujours fait, même s'il ne le faisait pas aussi souvent qu'il l'aurait dû, pensa-t-il en même temps, jusqu'à ce qu'il atteigne la fin de la prière. Il venait juste de rouvrir les yeux quand il se souvint d'une chose. Il les referma et ajouta 'hier, un guerrier qui fut autrefois sous mes ordres est tombé dans la bataille. Il a combattu vaillamment et est mort fièrement. Guidez-le désormais, s'il vous plaît, Esprits du Ciel, où que son nouveau voyage l'emmène.' Maintenant, Chakotay avait fini. Il avait mieux connu Ken Dalby que Janeway, et sa disparition l'affectait plus qu'elle. Mais cela le confortait de savoir que le voyage de l'homme n'était pas terminé, et il avait foi dans les Esprits du Ciel pour veiller sur ce voyage.
Chakotay traversa la pièce jusqu'au réplicateur et commença à demander un verre d'eau. Puis il se rappela soudainement que les rations de réplicateurs étaient, une nouvelle fois, une mesure appartenant au passé, et il commanda à la place un cidre de pomme chaud. Il prit la boisson avec lui jusqu'à son lit et saisit une tablette. Gardant la lumière faible, puisque c'était encore la nuit à bord du vaisseau, il s'installa et commença à lire. Il en était à la troisième page lorsque la sonnerie de la porte retentit. "Entrez", dit-il, se demandant qui cela pouvait être à cette heure de la nuit. Seven, peut-être ? L'ancienne Borg vivait toujours en décalage, mais elle était généralement occupée à travailler durant ces heures-là. son processus d'intégration sociale était encore loin d'être terminé.
La porte s'ouvrit et le Capitaine Janeway entra, comme si c'était des plus naturels. Bien sûr, pensa Chakotay. Elle n'a plus à remplir ses fonctions désormais. "Catherine", dit-il chaleureusement. "Puis-je vous offrir quelque chose à boire ?"
"Devinez donc", le taquina-t-elle. Chakotay sourit et se dirigea vers le réplicateur pour commander un café. Il lui vint à l'esprit qu'elle arrivait directement d'un lieu beaucoup plus éclairé, et il lui demanda "Voulez-vous que j'augmente la lumière ?"
"Non, ça me va", dit-elle, s'asseyant sur le lit. Chakotay la rejoignit avec le café. Elle le prit en le remerciant et en but une gorgée.
"Maintenant", dit le Commandeur, "que puis-je faire pour vous à une telle heure ?"
Janeway baissa la tête un moment, et Chakotay put voir à son expression le malaise qu'elle éprouvait. Après tant d'années passées ensemble, il pouvait lire en elle avec autant d'aisance que sur sa tablette. "J'ai quelque chose qui me trotte en tête", dit-elle enfin.
Chakotay pouvait imaginer de quoi il s'agissait, mais il ne prit pas l'initiative. "Est-ce quelque chose pour lequel je peux vous aider ?"
"C'est le problème. Je ne sais pas. On peut dire franchement que ces derniers mois ont été difficiles pour nous deux."
"Vous pouvez le dire, effectivement", lui accorda-t-il, sirotant son cidre.
"Nous sommes amis, Chakotay. Et nous sommes aussi Capitaine et Premier Officier. Vous avez été mon bras droit pendant huit ans, et je n'aurais pu en avoir de meilleur."
"Mais la question est de savoir si nous sommes en plus quelque chose d'autre."
"Exactement. A divers moments durant ces années, je pense que nous avons tous deux pensé que nous avions réglé cela. Mais toute cette histoire avec les Ayreths a ré-éclairé le tout sous un nouveau jour, sans parler d'une expérience que j'ai eu avec leurs cousins, les Inryeths."
"Ah ?" Chakotay avait bien remarqué le comportement un peu étrange du Capitaine pendant cette mission, mais n'en avait pas trop tenu compte.
"C'est difficile à expliquer. En fait, je ne comprends pas beaucoup ce qui s'est passé. Disons pour résumer que l'on m'a forcé à réévaluer mes sentiments envers vous à ce moment. Pas par les Inryeths, mais par une force qu'ils semblent comprendre."
"Cela me semble fascinant", dit Chakotay, et il le pensait, autant en tant qu'anthropologue qu'en tant que personne ayant déjà rencontré des idées similaires dans la religion de sa propre tribu. "J'aurais aimé les connaître un peu plus."
"Je ne suis pas sûre qu'aucun d'entre nous ne les ai connus vraiment. Eux et les Ayreths semblent avoir un mode de vie 'énigmatique'."
Le Premier Officier gloussa de rire. "Ils sont étranges, d'accord, mais je pense que nous pouvons dire que nous avons vu plus étrange. Vous vous souvenez de cette mission à la date stellaire 52239.1 ?"
"Comment pourrais-je oublier ?" sourit Janeway. "Voyons... Nous avions détecté une espèce vivant sur une planète de classe M et maîtrisant la propulsion de distorsion, à quelques secteurs de distance de l'Espace Devore. Nous étions un peu à court de duranium, alors vous et moi sommes partis là-bas en navette pendant que le Voyager étudiait un nuage stellaire dans les parages."
"Bien sûr, nos senseurs à longue portée ne pouvaient pas nous en apprendre beaucoup sur cette espèce", continua Chakotay. "Alors en chemin, nous nous sommes préparés psychologiquement à toute éventualité étrange que nous pourrions rencontrer. Nous avons bien pris soin de ne pas supposer par a priori que ces êtres étaient humanoïdes ou même basés sur le carbone ou encore tout autre chose dont nous avions l'habitude."
"Nous sommes alors entrés en orbite et avons parlé aux autorités locales. Ils insistaient pour utiliser des communications à base de texte jusqu'à ce que nous nous téléportions au sol. C'était étrange, mais pas vraiment problématique. Nous nous sommes convenus de les rencontrer dans leur bâtiment gouvernemental."
"Après une rapide vérification que leur air était respirable pour nous, nous nous sommes téléportés. Et à notre soulagement, ils avaient l'air tout à fait humains. Aucun dépaysement psychologique. Ce serait facile."
"Mais alors, leur chef a ouvert la bouche..."
"Et nous a pratiquement brisé les tympans !" dirent-ils à l'unisson, éclatant de rire. Ce n'était pas la première fois qu'ils racontaient cette histoire. Janeway secoua la tête. "Qui aurait pensé qu'une race qui nous ressemblait tant vivrait dans un régime sonore si différent ?"
Chakotay lui sourit. "Nous avons eu sans nul doute de bons moments, vous et moi."
"Je sais", dit Janeway, redevenant sérieuse à nouveau. "Cela doit être ce qui me trouble le plus. Oublions nos relations professionnelles. Que va-t-il arriver à notre amitié si nous franchissons ce pas ?"
"J'aimerais connaître cette réponse." Après tout, pensait le Premier Officier, je ne suis pas sûr de savoir où j'en suis avec Seven pour le moment.
"C'est le risque dans toute relation humaine, naturellement. Vous n'êtes pas Michael. Si les choses tournent mal entre nous, je ne peux pas juste vous reprogrammer. Et je ne veux pas risquer de perdre votre amitié maintenant plus que jamais. Nous ne savons pas ce qui nous attend lorsque nous atteindrons la Terre, mais ce ne sera pas facile."
Chakotay acquiesça solennellement.
"J'imagine que ce que j'essaye de dire est que nous avons besoin de..." Elle s'arrêta, cherchant les bons mots.
"Définir certains paramètres entre nous ?"
Janeway lui sourit. "Oui."
Cela ressemblait à un encouragement à la discussion, mais en fait il n'y avait rien d'autre à ajouter. Chacun savait ce que pensait l'autre. Janeway avait besoin de Chakotay comme ami et comme Premier Officier pour le moment. Tout autre chose serait trop risquée. Plus tard, peut-être. Qui pouvait savoir à quoi ressemblerait leur vie quand la tempête se calmerait ? Mais ce temps n'était pas encore venu.
"Professionnel ?" demanda Chakotay.
"Professionnel", confirma Janeway. "Pour le moment." Elle avala une dernière gorgée de café, posa sa main sur l'épaule de Chakotay pendant un moment, puis le laissa pour rejoindre ses quartiers et aller dormir un peu.
Chakotay se renversa sur son lit. Il n'était pas Vulcain, mais il avait l'habitude de faire passer ses émotions au second plan. Ses sentiments étaient profonds, mais ne le submergeaient pas. Sa relation avec Janeway avait connu de nombreux retournements au cours des années, et Chakotay en avait désormais l'habitude. La frustration d'être si près d'elle et pourtant jamais suffisamment s'était affaiblie avec le temps. Il pouvait attendre.
Tout en reprenant la tablette pour continuer sa lecture, il jeta un coup d'oeil par la fenêtre. La parfaite simplicité de l'Espace avait toujours réussi à le calmer, et lui inspirait humilité. Seules d'inimaginables distances dans l'Espace pouvaient parvenir à réduire les étoiles, ces gigantesques enfers de fusion nucléaire, à une simple toile plane de lucioles dont on pouvait éteindre la lumière d'un seul doigt. L'obscurité était...
En train de se déplacer ?
Chakotay sentit quelque chose lui picoter la colonne vertébrale, quelque chose de si infime que l'oeil humain ne pouvait le voir, si infime que cela aurait pu se cacher dans une cellule sanguine. Il entendit les gémissements de tissus mourants, s'atrophiant tandis que leurs fonctions étaient usurpées par quelque chose d'extérieur. Il vit son esprit rayonner pour en toucher des millions d'autres, et en même temps se recroqueviller, écrasé sous la pression de ces millions de millions d'esprits qui cherchaient à entrer dans sa tête.
Non ! Son esprit hurla contre ce diable, bien que personne ne puisse l'entendre. Pas encore ! Pas les Borgs !
Et alors, brusquement, la sensation disparut. Chakotay fronça les yeux, mais ne put voir aucun signe de mouvement par la fenêtre. La simplicité de l'Espace était à nouveau parfaite.
Avait-il eu raison ? Les Borgs avaient-ils été là ? Cette armée des ténèbres était-elle à nouveau en marche, s'insinuant dans tous les recoins de la galaxie dans sa quête pour unir le métal et la chair ?
Cela n'était pas possible...
 
***
 
"Et voilà !" dit le Docteur le sourire aux lèvres. Il désactiva l'encéphalogramme, retira les électrodes du front d'Icheb et rangea l'instrument dans son placard.
"Vous êtes sûr ?" demanda le jeune ancien Borg.
"Absolument. Votre supposition était juste. Aussi crucial qu'ait été votre noeud cortical durant votre existence Borg, votre corps a parfaitement compensé sa perte. Si je ne l'avais pas vu de mes propres sous-programmes d'analyse visuelle, j'aurai pu vous scanner sans jamais m'apercevoir que vous en aviez eu un."
Icheb décida de poser la question qu'il retournait dans sa tête depuis un certain temps. "Docteur, pensez-vous qu'il soit possible de retirer mes autres implants de la même manière ?"
"Je peux les retirer aussi facilement qu'il vous plaira. La question est de savoir si vous survivrez au processus. J'ai effectué quelques simulations, mais j'ai peur que les résultats ne soient pas concluants. J'aurai besoin de faire des scans plus détaillés, peut-être au centre Médical de Starfleet, où les équipements sont plus à la pointe de la technique."
"Mais pensez-vous que ce soit possible ?"
Le Docteur réfléchit. "C'est dur à dire. Je doute réellement de pouvoir retirer tous vos implants, mais avec assez de recherche et d'études, je suis certain que je trouverai un moyen d'en éliminer la majeure partie. En fait, ne soyez pas surpris de pouvoir fêter votre dix-huitième anniversaire sans en avoir un seul visible."
Icheb était heureux de l'entendre dire cela. Il était sur le point de le lui dire quand B'Elanna Torres entra en trombes par la porte, Miral dans les bras. Le bébé pleurait assez fort pour réveiller un mort. Et B'Elanna arborait une expression qui les aurait fait repartir de peur dans leurs tombes. Elle ne prêta même pas attention à Icheb. Au lieu de cela, elle se dirigea droit vers le Docteur, poussa Miral devant elle, et hurla "REPAREZ CETTE CHOSE, MAINTENANT !"
Le Docteur, avec une expression qui en disait plus long que n'importe quel discours, prit Miral et alla chercher un tricordeur. B'Elanna s'assit à l'autre bout du lit médical où se trouvait Icheb. Elle respirait très difficilement, laissant échapper un grognement grave, et ses cheveux ressemblaient à Wolf359 dix secondes après le passage d'un cube Borg. Malgré tout, Icheb savait qu'il lui fallait essayer d'être poli. Après tout, B'Elanna était une amie. De plus, le bref incident durant la dernière révision du vaisseau avait été très révélateur. Icheb éprouvait un profond respect pour Tom Paris, mais il y avait toujours la possibilité qu'il puisse se faire tuer pendant une mission d'exploration, et alors la demi-klingonne serait à nouveau disponible. Pourquoi ne pas agir en fonction de cette possibilité ?
"Bonjour", dit Icheb. "Vous avez l'air esthétiquement plaisante."
B'Elanna se retourna et lança à Icheb la plus féroce des expressions que le jeune homme avait jamais pu voir. La sueur sur son visage s'évapora. Elle montrait les dents, ces dernières reflétant la lumière rouge diabolique des flammes infernales qui étaient en temps normal ses yeux. Elle ressemblait à un lion au moment où il s'apprêtait à tuer, à l'exception que le lion, lui, laisserait probablement un ou deux morceaux de sa proie intacts.
Icheb passa par quelques teintes bleues intéressantes, et se précipita dehors par la porte.
"Ce n'était pas très poli", dit le Docteur, revenant avec Miral. Il baissa la tête pour éviter son regard mortel. "Enfin. J'ai scanné Miral rapidement et elle semble aller très bien." Pendant ce temps, les cris de Miral s'intensifiaient. "Cependant, elle n'a pas l'air d'être d'accord."
"J'essaye d'être une bonne mère", dit B'Elanna à travers ses grincements de dents. "Je lui donne tout ce dont elle a besoin. Mais elle n'arrête pas de PLEURER ! Je ne crois pas qu'elle ait repris sa respiration depuis quatre heures !"
"Il demeure en tout cas que ce n'est rien", répliqua le Docteur. "Sa respiration est normale, juste un peu irrégulière. De toute manière, j'ai peur de ne rien pouvoir prescrire. Elle n'est pas malade. Elle n'a aucun problème physique, elle... pleure, c'est tout."
"Donnez-lui une tétine ! Baillonez-la ! Donnez-lui un sédatif s'il le faut ! Je ne peux plus supporter cela plus longtemps !" B'Elanna colla ses mains contre ses oreilles assez fort pour casser le crane d'un humain normal.
La Docteur réfléchit un moment, puis claqua des doigts en gloussant. " Ordinateur, active le programme Docteur Upsilon-Huit-P !"
Miral pleurait. Miral continuait de pleurer. Miral continuait encore de pleurer. Miral s'arrêta pour respirer. Miral pleur...
"WAAAAAAAA !"
Miral fixa le Docteur avec étonnement. Comment avait-il fait pour faire ce son ?
Le Docteur ne faisait plus que lui sourire. Apparemment, il n'allait pas le refaire. Alors Miral oublia toute cette affaire et se souvint de tous ses nombreux malheurs. Elle recommença à pleu...
"WAAAAAAAA !"
C'était fou ! Encore ce son... Le même son qu'il avait fait avant ! Comment était-ce possible ? Les conséquences étaient sans limites ! Elle n'avait plus le temps de pleurer alors que quelque chose d'aussi excitant se passait...
B'Elanna aussi entendait quelque chose de bizarre. Il lui fallut un moment pour réaliser ce que c'était. Miral silencieuse. Elle n'avait plus entendu ce son-là depuis que son service avait pris fin. Béni, béni soit ce silence... mais comment... "Docteur, par quel miracle avez-vous fait cela ?"
"Oh, c'est tout simple", dit-il, secouant un peu Miral. "J'ai crié. Les bébés sont fascinés par ce son. C'est une des raisons pour lesquelles ils le font si souvent. Attendez, il va falloir que j'en refasse un... WAAAAAAAA !" Miral ouvrit de grands yeux. Les larmes étaient maintenant complètement sorties de son esprit.
"Voilà", dit le Docteur, redonnant Miral à sa mère. "Elle devrait être assez calme maintenant pour accepter la tétine, et cela devrait l'occuper jusqu'à l'heure du repas."
B'Elanna regarda Miral, puis le Docteur, et à nouveau Miral. Le bébé regardait partout dans la pièce, la bouche légèrement ouverte, comme si elle cherchait la réponse à une question inconnue. B'Elanna, toujours étonnée, prit la tétine de sa poche et appuya sur le bouton de stérilisation. Miral prit la tétine et se mit à la sucer consciencieusement.
Le Docteur était toujours en train de glousser comme une sorte de hyène holographique. B'Elanna soupira légèrement et demanda "D'accord. Qu'est-ce que ce sera, cette fois-ci ?"
"Qu'est-ce que vous voulez dire ?"
"Il y a toujours quelque chose. A chaque fois que je viens à l'infirmerie, vous avez besoin que je fasse de petites corrections à votre programme, ou bien aux projecteurs holographiques, ou encore à votre équipement."
"Je suis vraiment surpris de votre réaction, Lieutenant ! Pensez-vous réellement que je suis si opportuniste ?"
B'Elanna se mordit la langue. "Désolé, Docteur. Je ne voulais pas vous offenser."
"Oh, ne vous inquiétez pas", dit le hologramme, souriant à nouveau. "Je ne m'offense pas, je suis juste un peu déçu. Passez quand même une bonne journée." Il donna une petite tape sur la tête de Miral puis se dirigea vers son bureau, sifflant un air entraînant.
B'Elanna s'apprêtait à partir, mais sa curiosité prit le dessus. Elle le suivit. "Doc, puis-je vous poser une question ?"
"Certainement ! Demandez toujours."
"Qu'est ce qui vous arrive, aujourd'hui ?"
Le Docteur semblait surpris. "Il y a un problème ?"
"Pas exactement un problème, c'est juste bizarre. Je ne vous ai jamais vu aussi joyeux. Ca en ficherait presque la trouille."
"Ahhhh." Le Docteur sourit encore une fois. "Eh bien, il y a une première fois à toute chose, n'est-ce pas ?"
"Il y aussi une raison à toute chose. Je me demande juste laquelle."
"N'est-ce pas évident ? Nous sommes de retour à la maison !"
"Mais qu'est ce que ça signifie pour vous ? Vous avez passé toute votre vie à bord du Voyager. En fait, vous êtes réellement la seule personne à bord du vaisseau qui n'a rien à gagner à cela."
"Mais ce n'est pas vrai ! J'ai à regagner quelque chose que je m'étais presque résigné à abandonner." Le Docteur prit une expression sérieuse. "Lieutenant, vous vous souvenez de mon roman holographique ?"
"'Photons, libérez-vous' ? Bien-sûr."
"J'ai écrit cette histoire pour conter mon histoire dans le Quadrant Delta, pour essayer de faire comprendre aux êtres organiques la triste situation de mes frères holographiques. Mais ce n'était que la première étape. Pour vraiment faire la différence, j'ai besoin de faire plus. J'ai besoin de me faire des alliés, d'éduquer les masses, de publier des articles, de porter la situation à la connaissance du public jusqu'à ce que je puisse plaider ma cause devant le Conseil de la Fédération. Pour le moment, je suis le seul avocat à avoir la parole pour les droits holographiques dans tout le Quadrant Alpha. C'est ma chance, Lieutenant ! Je peux sauver mon peuple de l'oppression. Je peux faire en sorte que la Fédération soit la première grande puissance galactique à reconnaître les droits des hologrammes ! Quand nous étions perdus dans la Bulle, j'avais presque perdu tout espoir. Maintenant, l'espoir renaît, et je n'ai pas l'intention de le laisser filer."
B'Elanna ne put s'empêcher d'avoir l'air surprise. Elle savait que le Docteur avait de forts sentiments pour les droits des hologrammes, mais quand même... "Doc, vous avez l'air de vous considérer comme un combattant de la liberté."
"Pourquoi pas ? Il n'y a personne d'autre ! Vous ne pouvez pas vous imaginer ce que cela fait de savoir que vous et vous seul pouvez faire la différence."
"Oh, vous seriez surpris", dit B'Elanna avec un léger sourire.
Le Docteur nota. "Euh, bien sûr. Toutes mes excuses, Lieutenant."
"Il n'y a pas de mal. Vous savez, Doc, je suis fière de vous. Vous n'avez aucune idée de ce dans quoi vous vous lancez, mais le fait que vous vouliez vous y lancer à fond en dit beaucoup sur vous."
"Vraiment, merci !" dit l'hologramme avec une sincère expression de surprise. "Pour être honnête, je m'attendais à ce que vous trouviez tout cela juste amusant."
"Pas du tout. Franchement, je suis impressionnée. Vous êtes un honneur pour votre race."
Le Docteur était profondément touché. "Je ne sais pas quoi dire, Lieutenant."
"Pour commencer", dit l'ingénieur avec un sourire, "appelez-moi B'Elanna." Elle sortit avec sa fille en direction de ses quartiers, laissant derrière elle un combattant de la liberté tout étonné.
 
***
 
Il y avait huit ans que Tuvok n'avait vu ses bâtonnets de kaltoh arrangés sous la forme d'un cuboctaèdre losange tronqué. Il avait espéré faire durer la partie plus longtemps.
"Bien joué, ma femme", dit-il, sans pouvoir empêcher une légère pointe de frustration de passer dans sa voix. C'était heureusement imperceptible, pour n'importe qui sauf pour T'Pel. Et T'Pel était la seule personne présente. Elle fronça les yeux à son intention durant un bref instant, comme pour le réprimander de laisser retomber son contrôle émotionnel.
Il était illogique de penser que je gagnerais, rumina Tuvok. Je n'ai jamais battu T'Pel au kaltoh en soixante-quinze ans. Et encore, il avait passé ces huit dernières années éloigné d'elle, à aiguiser son habileté contre l'ordinateur et d'autres géants mentaux comme Seven of Nine ou le Docteur. Même l'Enseigne, non, le Lieutenant Kim avait occasionnellement réalisé d'impressionnants déplacements. Même s'il s'agissait généralement d'erreurs.
De plus, Tuvok avait compris au cours des années que la logique n'était pas toujours applicable lorsqu'il s'agissait de sa femme.
T'Pel fronça à nouveau les yeux. Apparemment, elle avait deviné une partie de ses pensées. Mais si elle en était contrariée, elle n'en montra aucun signe. Au lieu de cela, elle se leva, contourna la table jusqu'à la place où Tuvok était assis, et prit sa main pendant un moment. Le message était clair, même si aucune télépathie n'était mise en jeu. Je sais que je t'ai manqué, mon époux. Et tu m'as manqué aussi.
Tuvok savait que sa femme ne prononcerait jamais ces paroles à haute voix ou même ne les lui 'dirait' télépathiquement. Manquer à quelqu'un, même à un conjoint, requérait une émotion. Beaucoup plus que Tuvok lui-même, T'Pel était maîtresse dans l'art du contrôle émotionnel. Si elle l'avait désiré, elle aurait pu facilement devenir membre du Kohlinaru. Comme son mari, elle avait choisi la famille à la place, mais cela ne l'avait pas empêchée de suivre les enseignements de Surak aussi consciencieusement que tout autre Vulcain. Pour elle, admettre avoir ressenti une émotion, même aussi modérée que celle-ci, aurait été un manquement scandaleux à la logique.
Mais le message passa tout de même. Et Tuvok le lui retourna avec gentillesse. Quelle que soit la forme que revêtaient le contentement et la joie entre deux Vulcains, ils en faisaient actuellement l'expérience.
 
***
 
Journal de bord du Capitaine, date stellaire 55358.5. Le Voyager se trouve désormais à deux jours de la Terre. Dans quarante-huit petites heures, en dépit de tous les efforts de nos ennemis, des Kazons jusqu'aux Borgs, nous serons rentrés à la maison.
Je suis ravie, mais je ne peux pas m'empêcher de penser au sacrifice de ceux qui nous ont permis d'arriver jusqu'ici. Hogan, Jetal, Ballard, l'Amirale Janeway, et maintenant Dalby... quelques-uns parmi tant d'autres. Et cela a été aussi dur de laisser ceux qui sont partis de leur plein gré. J'avais toujours espéré emmener Neelix et Kes faire une visite de la Terre, mais chacun s'en était allé suivre leur propre chemin trop vite. Je me suis même prise à regretter l'absence de mes ennemis. Kashyk, Ransom, Q, Seska... même la Reine Borg, mon Dieu !
Je suppose que je ne devrais pas être surprise. Ce sont les personnages qui ont défini mes huit dernières années, pour le meilleur et pour le pire. Mais on pourrait penser que je me sentirais mieux d'avoir enfin accompli la plus importante mission de ma vie. Peut-être cette tristesse rémanente disparaîtra-t-elle lorsque nous arriverons en orbite.
Ah oui, le côté obligé du rapport concernant le statut du vaisseau. Nous nous sommes sortis étonnamment bien de l'attaque des Sernaix. Nos boucliers, l'armure et l'armement sont tous en état de marche. Cependant, nous n'entendons toujours pas parler de Starfleet, ou d'ailleurs de qui que ce soit d'autre à part l'équipage du Solstice. J'ai lancé une vérification de niveau un de notre système de communications pour savoir d'où vient le problème.
 
***
 
Le Lieutenant Ayala, à la console tactique pour ce quart, remarqua une lumière clignotante sur sa console. Il rassembla les informations dont il aurait besoin et fit son rapport. "Capitaine ?"
"Oui ?" Le Capitaine Janeway se retourna sur son siège, moins par intérêt que pour se dégourdir un peu les muscles.
"Il y a une navette entrant dans le secteur. Elle semble se diriger droit sur nous."
"Klingon ?" demanda Chakotay. Janeway le regarda fixement. Il haussa les épaules.
"Non. Fédération. Elle est immatriculée de Deep Space Deux, et il y a un seul signe vital à bord." La console d'Ayala bipa. "Elle nous appelle."
"A l'écran."
L'écran principal afficha un gros plan du visage d'un homme que Janeway reconnut d'après ses fichiers personnels. Elle lui donna l'autorisa de s'amarrer sans aucune hésitation.
 
***
 
Naomi Wildman traversait le hall en direction du hangar à navettes numéro Un. Elle ne savait absolument pas pourquoi. Sa mère l'avait appelée, mais elle n'avait pas mentionné ce qu'ils avaient à faire là-bas.
Dans sa tête, Naomi avait élaboré trois théories. La première était que le Capitaine Janeway avait besoin de quelqu'un pour nettoyer le sol du hangar à navettes afin qu'ils n'aient pas de problèmes avec les inspecteurs du sol du Commandement de Starfleet. cela pouvait se révéler tout à fait possible, mais il paraissait bizarre que Janeway envoyât les deux Wildman pour une mission où une seule suffirait.
La seconde théorie était un petit peu plus probable. Peut-être que le Capitaine avait fini par décider de donner à Naomi des leçons officielles de pilotage, comme elle le voulait depuis si longtemps. Sa mère n'avait pas l'âme d'un pilote, mais elle pouvait certainement naviguer quand elle en avait besoin. Le Capitaine Janeway s'était peut-être dit qu'il serait mieux pour Naomi d'apprendre avec quelqu'un qu'elle connaissait bien. Si c'était vraiment le cas, Naomi était sûre qu'elle passerait un bon moment, mais elle aurait aimé pouvoir apprendre avec le meilleur, Tom Paris. De cette manière, elle aurait pu se révéler encore plus rapide dans l'apprentissage qu'Icheb, et cela l'aurait fière pour le restant de l'année.
Pourtant, cette théorie ne la marquait pas par sa probabilité terrible. Cela ne lui laissait que la troisième théorie, sa favorite. Et si le Voyager avait été dévié sur le chemin du retour vers la Terre par une nouvelle race extraterrestre puissante ? S'il n'y avait pas eu de batailles pour l'instant, il était possible que le Capitaine en ai gardé le secret, connu seulement des officiers de la passerelle. Désormais, le meilleur espoir du Voyager dans une telle situation serait de négocier, mais si les extraterrestres ne faisaient pas confiance aux humains à cause de leur physique, ou pire encore, à cause de leur taille ? Etait-il possible qu'une espèce toute petite puisse atteindre le niveau technologique de la distorsion et des armes modernes ? Dans ce cas, aucun humain ne pourrait conduire les négociations sans intimider les extraterrestres rien que par leur taille ! La solution à ce problème serait évidente. Le Capitaine Janeway avait un officier avec des aptitudes de négociatrice et de petite taille: l'assistant du Capitaine. Seule elle, Naomi, pourrait s'occuper d'une telle situation. Naomi aimait beaucoup cette idée. Ce serait le plus grand défi qu'elle ait jamais eu, mais elle savait qu'elle était de taille pour ce travail. Elle passa la porte du hangar aux navettes, s'attendant à voir Chakotay ou Tuvok en train de l'attendre pour lui donner les derniers détails.
Au lieu de cela, à sa grande déception, la seule personne présente était l'officier de garde, l'homme d'équipage Chell. S'occuper du hangar n'était pas franchement demandant, Chell avait les pieds sur la console et feuilletait l'un des vieux livres de cuisine de Neelix, 'Comment cuisiner pour quarante humains'. Naomi regarda avec attention autour d'elle dans la pièce, mais elle n'y vit personne... même pas une tablette avec ses instructions. Comment le Capitaine s'attendait-elle à la voir mener les négociations sans rien savoir de ces gens ? Ou à nouveau, ils n'avaient aucune information utile et c'est elle qui devrait les glaner. Ce serait un défi encore plus grand. Le sourire de Naomi s'élargit à cette perspective.
Une lumière sur la console de Chell s'éclaira brièvement. Il ne la remarqua pas, ayant son livre devant les yeux. La lumière s'illumina à nouveau, puis deux fois de plus. Naomi était sur le point de dire quelque chose quand la lumière fit place à un fort bip sonore. Chell retrouva immédiatement toute son attention, pressa plusieurs commandes sur sa console, et regarda rapidement autour de lui dans la pièce. "Recule, Naomi !" dit-il. "Tu es placé en avant de la ligne limite du champ de force." Naomi ne se le fit pas répéter. Elle se réfugia aux côtés de sa mère.
Les portes du hangar s'ouvrirent avec leur habituelle léthargie. Naomi essaya de s'avancer. Le champ de force crépita autour de ses doigts, faisant picoter ses cornes frontales. Après avoir apprécier la sensation pendant un moment, elle recula la main pour pouvoir regarder l'espéré vaisseau extraterrestre entrer dans le hangar. Mais au lieu de cela, elle vit la forme familière d'une navette de classe 2. Encore plus surprenant était le code d'immatriculation: NCC-04192. Est-ce que les codes avec des zéros devant n'étaient pas réservés aux équipes d'entretien des bases stellaires ? C'était du moins ce dont se souvenait Naomi.
La navette finit par se poser, et les portes se refermèrent. Le champ de force flamboya brièvement puis disparut. Naomi vit sa mère échanger un regard avec Chell comme pour lui signifier quelque chose. Pourquoi la gardait-on en dehors du coup ? Cela n'avait aucun sens ! L'assistante du Capitaine était un membre essentiel de l'équipage. Quelle que soit la raison, Naomi ne pouvait qu'attendre patiemment tandis que la porte de la navette s'ouvrait. L'unique occupant de la navette sortit.
L'homme était bizarrement coloré et plus grand qu'un humain normal. Naomi ne le reconnut pas, ni de quelle espèce il était, ce qui ralluma un bref instant l'espoir d'une session de négociations, mais sa mère l'avait visiblement reconnu, elle, et courut immédiatement vers lui. Alors, à la plus surprise de Naomi, ils s'enlacèrent... et s'embrassèrent ! Qui était-ce ? De quel droit embrassait-il sa mère ? Et pourquoi était-elle tellement contente de cela ? Elle était une femme mariée, pour l'amour de D...
...oh.
Naomi s'approcha nerveusement du couple heureux, maintenant tout à fait consciente de la vérité et en ressentant tout le poids sur ses épaules. Si reparler à Neelix lui avait réveillé des émotions, ceci était suffisant pour les bousculer comme des yeux Ktariens. Ktarien... il faudrait qu'elle s'entraîne à prononcer ce mot. Elle en aurait besoin.
"Naomi, je veux te présenter Greskrendtregk. C'est... ton père."
Elle leva la tête vers son père Ktarien avec ses cornes Ktariennes sur sa tête Ktarienne. Le nom aux sonorités rudes résonna dans son cerveau mi-ktarien comme s'il était lancé par un Ktarien dans une caverne Ktarienne. Elle se sentait Ktarienne pour la première fois de sa vie de mi-Ktarienne. Elle ne croyait pas qu'elle allait aimer sa sensation.
"Salut, papa", dit-elle tandis que Greskrendtregk la prenait dans ses bras pour la première fois, ce qui la fit se sentir un peu mieux.
 
***
 
Le mess était plus rempli qu'Harry Kim ne l'avait jamais vu, et cela incluait le temps où les Hirogènes avaient occupé la place pendant un certain moment. Tous ceux qui n'étaient pas de service étaient là. Mais après tout, ce n'était guère une surprise. A quand remontait la dernière fois où l'équipage était finalement revenu à la maison après un voyage aussi long ?
Oh, mais attendez. Il connaissait la réponse à cette question-là. Et puis non, ça ne comptait pas.
Harry se dirigea vers Chell, qui était en train de servir une sorte de Sushi. "Quand le compte à rebours doit-il commencer ?"
Le Bolien vérifia son chronomètre de poignet (un objet bien encombrant, selon Harry, mais ça pouvait servir). "Nous sommes à moins de trois cents secondes maintenant. Le compte à rebours officiel démarre à quarante-sept."
"Pourquoi quarante-sept ?"
Chell haussa les épaules. "C'est un nombre qui en vaut bien un autre. Sur ma planète, soixante aurait semblé inopportun. Puis-je vous proposer quelques Sushi 'Terra' aux noisettes ?"
"Je m'en passerai, merci."
"Il en reste ici si vous changez d'avis. Mike ! Entre donc, la fête vient juste de commencer !"
Chell se précipita pour accueillir Ayala. Harry parcourut un peu la pièce et finit par se retrouver devant la table où se trouvaient les plats, où il se coupa un morceau de gâteau 'jour de la Terre'. Il gémit en lui-même d'y voir huit trous de bougies dessus... au moins avait-il manqué la séance du soufflé de bougies, et la chanson du joyeux jour de Terre qui avait sûrement dû l'accompagner. Cet humour était du pur style Chell, mais quelque chose dans cette mise en scène sentait la contribution d'un certain pilote qu'il connaissait.
Tom n'était pas là pour le moment, bien sûr, il était occupé au pilotage du vaisseau. Il avait raté sa première tentative de pilotage du Voyager jusqu'à la maison et n'avait aucune intention de rater la seconde. Par contre, les autres officiers supérieurs avaient tous voulu être là. Tous, sauf Seven. A y penser, Harry n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait. Il ne l'avait vue ni sur la passerelle ni ici dans la foule. La décision d'Harry d'observer cela d'ici avait étonné le Capitaine, mais elle n'avait vu aucune raison de s'y opposer.
La véritable raison pour laquelle Harry avait choisi de venir à cette fête était sentimentale. Il lui avait fallu sept ans pour réaliser que le Voyager était sa maison. Il avait découvert cela trop tard, ou du moins c'était ce qu'il pensait, et puis les Borgs les avaient piégés et exilés une toute dernière fois. Une pensée soudaine s'imposa à lui. Est-ce que le "A bientôt, Harry" avait quelque chose à voir avec cela ? Cela semblait improbable, mais tout était possible quand la reine Borg était concernée. Dans tous les cas, ses sentiments en ce qui concernait leur mise en bulle avaient été partagés dans un premier temps, mais il avait rapidement accepté et avait été content de cette extension de service à bord du Voyager. Maintenant, ce temps était sur le point de se terminer, et il avait l'intention de profiter de chaque seconde qui restait avec ses amis.
Au milieu de la foule, Harry pouvait voir les soeurs Delanney rire avec Nicoletti. Henley et Gerron avaient retrouvé le sourire, et même Harren était sociable. Harry regarda autour de lui à nouveau, cette fois-ci pour vérifier toute absence remarquable. Les officiers de la passerelle et le Docteur étaient tous absents, bien sûr, mais Harry ne trouvait pas non plus trace de T'Pel. Là encore, ce n'était pas vraiment une surprise. Depuis son arrivée sur le vaisseau, l'aînée Vulcaine s'était peu montrée. Elle avait été cordiale et s'était bien accordée avec l'équipage, qui d'après tous les rapports avait apprécié ses talents de conseillère, mais elle n'avait jamais vraiment intégré la famille. Dommage, pensa Kim. La population Vulcaine de ce vaisseau avait toujours eu besoin d'une guide féminine.
Finalement, Harry vit Tal Ceres qui se tenait debout toute seule à l'écart sur un côté. La jeune Bajoranne était restée timide jusqu'au bout. Harry décida d'aller lui parler. Elle ne semblait avoir personne avec elle, et lui non plus. De plus, elle était jolie.
Quarante-sept secondes. Le compte à rebours avait commencé.
 
***
 
Dans ses quartiers, T'Pel savourait la paix et le silence de la méditation Vulcaine. La sienne représentait une vie calme, mais elle signifiait plus de choses pour elle qu'une vie remplie n'aurait pu le faire.
Par l'esprit, T'Pel commença à se diriger vers l'extérieur. La télépathie n'était pas son point fort, cela avait toujours plus intéressé son mari qu'elle-même, mais elle avait appris à connaître ses limites personnelles et fait autant qu'elle le pouvait avec ça. Elle caressa clairement la centaine d'esprit autour d'elle, s'appuyant sur la force de ce contact et augmentant son rayon d'action. C'était la première étape d'une méditation compliquée.
Quarante-deux... quarante et un... quarante...
La deuxième étape consistait à voir dans un plus grand nombre de dimensions. Par commodité, la plupart des humains réduisaient le monde qui les entourait quotidiennement à deux dimensions. T'Pel en aurait besoin de quatre au moins. Elle concentra l'énergie de son esprit puissant pour appréhender le temps comme un continuum, mêlé aux trois dimensions spatiales. Lentement, très lentement, le masque tridimensionnel de l'espace tomba devant ses yeux, et elle commença à se voir avec tout ce qui l'entourait dans quelque chose qui était plus que le présent.
Trente quatre... trente-trois... trente-deux...
Maintenant, continuer et voir la scène d'une distance telle qu'elle pourrait tout appréhender d'un seul coup. Son champ de vision télépathique s'étira plus loin en avant et en arrière. Elle obtint la sensation forte et distincte de Tuvok sur la passerelle, puis de Vorik et des autres membres Vulcain, puis des autres télépathes, et enfin des non-télépathes et des cas moins définis comme le Docteur. La plupart étaient humains, bien sûr, mais T'Pel comprenait les humains. C'était une caractéristique de sa famille. T'Pel venait d'une famille plus importante que celle de son époux, en fait. Tuvok était lié de loin à la maison de Sotek, mais elle était d'une lignée directe de T'Pol, la première Vulcaine à avoir servi sur un vaisseau de Starfleet. C'était d'elle que T'Pel tirait son inspiration quand elle avait à faire avec des esprits humains, car T'Pol avait appris à mieux connaître les humains que n'importe quel Vulcain avant elle et que la plupart après.
T'Pel écouta les voix de ces esprits. Elle les regarda s'unir pour commencer à construire une forme.
Vingt-cinq... vingt-quatre... vingt-trois...
Comme la forme devenait de plus en plus consistante, T'Pel la reconnut. C'était celle du Voyager. Elle tira encore plus dessus pour voir l'Espace autour, et bientôt, elle avait gagné assez en distance télépathique pour inclure la Terre dans son image. Les esprits le savaient, et ils s'en réjouissaient. Les chiffres continuaient à décroître.
Seize... quinze... quatorze....
Une explosion télépathique prit complètement T'Pel en défaut. Elle tomba vers l'avant, perdant toute sa distance mentale avec le vaisseau. Lentement, elle retrouva sa présence d'esprit et rassembla ses forces, essayant de comprendre ce qui venait juste d'arriver.
Quelque chose... quelque chose avait été ajouté à l'image, trop rapide pour elle pour qu'elle puisse le comprendre. Pas une chose unique, mais une multitude de choses. La Vulcaine se leva, joignant ses doigts ensemble, ferma les yeux et se concentra une fois de plus. Peut-être pourrait-elle retrouver cette nouvelle image télépathique, la comprendre, avant qu'il ne soit trop tard.
Onze... dix ! Neuf !
Maintenant T'Pel se tenait sur le sommet du Voyager alors qu'il se rapprochait de la Terre. Elle ne parvint pas à ajuster le champ de vision cette fois. Une petite partie du froid de l'Espace réussit à s'y glisser. Peut-être cette vision était-elle plus... réelle que la dernière, d'une certaine manière.
Huit ! Sept ! Six !
T'Pel regarda autour d'elle. Elle n'était pas seule.
Le Voyager volait silencieusement sur son chemin. A ses côtés, sur la gauche, se trouvait le Solstice, en formation d'escorte. Mais T'Pel voyait un autre vaisseau de la même classe sur la droite, volant en parfaire symétrie. Il ne semblait pas aussi réel que son semblable, pourtant c'était une image télépathique construite à partir de la construction d'autres images télépathiques inconnues.
T'Pel se retourna pour regarder l'arrière du vaisseau, et perdit presque complètement son lien télépathique. Derrière le Voyager se trouvait une énorme flottille de vaisseaux. Le plus près était très grand, lourdement marqué par les batailles, d'une fabrication vaguement humaine mais certainement pas de Starfleet. A la surprise de T'Pel, cette image se chevaucha avec celle de la section arrière du Voyager lui-même. Derrière lui se trouvaient deux vaisseaux plus petits, un de chaque côté. Le premier était un cargo poubelle d'origine quelconque, le second une petite navette de quelque monde extraterrestre lointain. Encore plus loin derrière, il y avait deux vaisseaux de Starfleet, très faibles, de classe Defiant. T'Pel pouvait voir encore beaucoup plus de vaisseaux, même plus distants, mais ils étaient trop loin et trop étrangers pour être reconnaissables.
Derrière cette flotte irréaliste se trouvait un immense Cube Borg, mais de ceux que même les Borgs n'auraient jamais pu construire eux-mêmes. Son style était Borg, mais il avait une étrange et indéfinissable qualité en lui... une qualité qui était visiblement non mécanique. Le vaisseau était l'allié du Voyager, et il était, d'une manière que T'Pel n'arrivait pas à déterminer précisément, beau. Rien de ce que créaient les Borgs n'avait le moindre reflet de beauté en soi, et ce vaisseau ne pouvait donc pas être des leurs. Alors qu'était-il ? L'image était bouleversante. Toutes les images étaient bouleversantes.
Et maintenant, tous avec le Voyager, l'image dans son ensemble prenait une étrange cohérence. T'Pel pouvait voir chaque chose individuellement et la remettre en question, mais le tout avait une présence télépathique d'une incroyable force, dirigée inexorablement vers la Terre. Il y avait quelque chose de vrai, quelque chose de correct, dans sa vision. Elle comprenait quelque chose maintenant à propos de... ce voyage.
T'Pel ouvrit les yeux et reporta son esprit en elle. Toute cette expérience n'avait duré que trois secondes. Elle s'en souviendrait pourtant toute sa vie.
Trois ! Deux ! Un ! ZERO !
En compagnie de tous ces fantômes, l'U.S.S. Voyager rentrait à la maison.
 
***
 
Interlude.
 
L'unicomplexe du Collectif Borg n'existait plus. Son réseau de conduits de transdistorsion était endommagé au-delà de toute réparation possible. La Reine Borg était morte. L'équilibre des forces dans la Voie Lactée avait changé à tout jamais, et n'était plus près de changer.
A bord du yacht royal de la Reine, un homme se tenait seul dans le noeud de contrôle primaire. Il regardait l'univers se déplacer autour de lui aux vitesses inimaginables de la transdistorsion. Il était le dernier survivant d'une race autrefois puissante, et il s'était lancé dans une tâche dont l'ampleur le terrifiait. C'était également un Borg.
Un Borg, mais pas un drone. Les concepts étaient différents. Un drone n'avait aucun désir. Ou plutôt, il avait un désir, mais c'était le même désir 'implanté' en chaque drone du Collectif. C'était le désir de la Reine, dont les désirs étaient des ordres. Personne ne commandait cet homme, et donc il n'était pas un drone. Il n'était que Borg, et même cela était une sensation étrange qu'il ne comprenait pas entièrement. L'univers n'était pas encore prêt à lui donner ce savoir particulier.
L'univers gardait tant de choses pour lui.
Un autre Borg entra dans le noeud. Lui non plus n'était pas un drone. Il apportait un message des scanners de collecte d'informations du Collectif, l'un des rares réseaux à avoir survécu sans dommage au récent cataclysme. Alors, comme pour lever le moindre doute qu'il n'était pas un drone, il parla d'une seule voix. "Axum, nous venons juste de recevoir le dernier lot d'informations de nos détecteurs. La majeure partie est sans intérêt, mais j'ai pensé que tu voudrais voir cet extrait."
Le Borg appelé Axum tressaillit à l'expression 'sans intérêt'. Son compagnon baissa légèrement la tête en signe d'excuse. Axum prit le message et le lut attentivement, repassant chaque détail dans son esprit afin de s'assurer qu'il ne laissait rien passer. Puis il se retourna vers la fenêtre et fixa son regard au loin, visiblement frustré. Il appuya sur un bouton et le message disparut, sa chaleur absorbée par les systèmes du vaisseau pour être recyclée.
Son compagnon était perplexe. "Vous avez demandé à être mis au courant de toute information concernant le Voyager."
"En effet. Merci." Axum fronça les sourcils. "Il vaut mieux que je le sache, même si cela ne change rien. Quelles sont les nouvelles des fronts ?"
Le compagnon rappela les informations stockées précédemment. "Quinze de leurs vaisseaux ont été détruits depuis la semaine dernière. Nous en avons perdu onze. Le total de leurs pertes est estimé à deux cent milles, les nôtres à quatre-vingt-dix milles."
"Bien. Si c'est ce que nous devons faire, Curris, nous devons au moins le faire correctement."
Le Borg appelé Curris acquiesça. Il s'apprêtait à partir, mais se tourna et dit "un détour par le secteur 001 ne nous retarderait pas assez pour nous poser de problème."
"Non. Les Borgs ne sont pas les bienvenus dans ce secteur. Et je ne peux demander à personne de se joindre à moi dans cette tâche. Je pense que revoir Annika une nouvelle fois ne ferait qu'empirer les choses pour nous deux."
"Compris." Curris sortit. Axum resta dans le noeud de contrôle, regardant les ténèbres qui l'entouraient. Quel univers froid, pensa-t-il. Un univers qui mourait lentement en perdant sa chaleur. Dans un univers tel que celui-ci, quelle terrible, terrible chose que d'être seul...
La baie s'emplit de conduits de transdistorsion. La baie s'emplit aussi de cubes Borgs. Ils firent feu de toute leur puissance de feu.
Fin de l'interlude.
 
***
 
Dans l'espace, personne ne peut vous entendre crier. Mais il y a des gens à San Fransisco qui juraient qu'ils avaient entendu les acclamations de l'équipage du Voyager quand le vaisseau entra finalement en orbite terrestre.
Dans le mess, on applaudissait et on se serrait dans les bras. L'excitation de l'équipage était sans limites, même Vorik souriait presque. Quelques-uns parmi les plus émotifs pleuraient de joie. De son côté, Harry Kim regardait avec satisfaction, mais gardait sa propre excitation pour lui-même. En tant qu'officier supérieur, il était supposé montrer l'exemple dans des moments comme celui-ci.
De plus, il n'était pas si pressé d'atteindre la Terre. C'était la maison, n'est-ce pas ?
Tal se tourna vers lui et lui donna une bonne tape dans le dos. "Tu penses trop, Harry. Partage l'esprit du moment !" Se rappelant soudainement à qui elle parlait, elle fit marche arrière et se plaqua les deux mains contre la bouche, les yeux de la taille d'une orange. "Excusez-moi, Monsieur ! J'oubliais... Je... Je... Aaaaaah !" Avant qu'Harry ne puisse la retenir, elle s'était enfuie dans la foule. Harry secoua la tête et alla tester un des plats de Chell.
 
***
 
Tuvok connaissait le Capitaine Janeway depuis de nombreuses années, mais il ne l'avait jamais vue si heureuse. Quelle était la part de sincérité et celle des apparences ? Le Vulcain envisagea un petit balayage mental pour le savoir, mais décida de n'en rien faire. La télépathie était l'un de ses meilleurs pouvoirs, mais un tel outil se devait d'être réservé pour les cas vraiment sérieux.
La femme de Tuvok ne partageait pas cette philosophie. Elle arguait que son esprit était capable de télépathie pour la même raison qu'il était capable de penser, pour mieux comprendre cet univers. Un Vulcain ne retenait jamais le pouvoir de la pensée, alors pourquoi placer des limites à ses pouvoirs télépathiques ? C'était en fait l'un de leurs plus importants désaccords intellectuels, et cela avait alimenté de nombreux débats entre eux pendant des années. Tuvok avait fini par comprendre, mais sans être d'accord avec, le point de vue de T'Pel, ce qui était pourquoi il n'avait pas ressenti d'ennui en se rendant compte qu'elle avait effectué une puissante méditation télépathique pendant que le Voyager entrait en orbite.
Janeway se leva, arrangea son uniforme et appuya sur son communicateur. "A tous, ici le Capitaine", dit-elle. "Depuis quinze secondes, le Voyager est en orbite autour de la planète Sol-III, la Terre. Cela termine notre service actuel. Nos deux missions d'explorations, d'abord dans le Quadrant Delta, puis dans la Bulle, nous ont détournés quelque peu de notre chemin, mais comme vous pouvez le voir, nous sommes finalement rentrés sain et sauf."
"Durant les huit dernières années, j'ai compté sur vous tous pour assurer le bon fonctionnement de ce vaisseau. Vous étiez venus d'horizons très divers. La plupart d'entre vous étaient des officiers de Starfleet quand nous sommes partis et d'autres étaient des maquisards. Quoi que décide le Commandement, je veux que vous sachiez que je considère chacun d'entre vous comme un officier de Starfleet aujourd'hui."
"Notre voyage a été long et difficile. Nous avons eu à faire face à la souffrance du mal du pays et de l'isolation. Nous avons dû faire la paix avec des peuples auxquels nous n'aurions jamais fait confiance autrement. Nous avons tous perdu des amis. Mais désormais, enfin, nos sacrifices ont porté leurs fruits. Nous avons assez souffert, et maintenant nous pouvons nous reposer."
"Laissez-moi vous dire une bonne chose. Vous ne sortirez jamais complètement de cette aventure. Cette famille a passé trop d'obstacles ensemble pour se séparer complètement. Nous prendrons à coup sûr des chemins très différents à partir de maintenant, mais nous vivons dans une galaxie où les communications sont instantanées, même à longue distance. Quand nous nous retrouverons, et nous nous retrouverons encore, j'attends de vous que nous nous rassemblions tous ensemble avec quelques histoires intéressantes à nous raconter. Ceci est mon dernier ordre en tant que votre Capitaine."
"De tout coeur, merci à tous d'avoir été là dans ce voyage. Vous allez pouvoir désembarquer dès maintenant, mais si vous le voulez, vous êtes libres de rester encore un peu à bord. Vous avez fait plus que ce que je n'aurais jamais pu vous demander, et j'espère que vous recevrez toutes les récompenses que vous méritez. Bonne Chance."
"Oh, une dernière chose. Je conseille à tous les membres d'équipage de regarder par les fenêtres dès que vous en aurez la possibilité. La vue est à ne pas rater. Janeway, terminé."
Le Capitaine se rassit, l'air maintenant plutôt triste. Tuvok suspectait que le côté sentimental de son discours avait rappelé cette réalité que l'équipage du Voyager ne serait plus uni. Heureusement, elle n'aurait pas à penser à cela très longtemps.
"Capitaine, il semble que le système de communications ait repris son fonctionnement normal."
"Comment le savez-vous, Tuvok ?"
"Nous recevons un appel du Commandement de Starfleet."
Janeway sourit. "A l'écran."
L'Amiral Owen Paris apparut sur l'écran principal. A la surprise de Janeway, Reg Barclay n'était pas avec lui. A sa plus grande surprise, il n'avait pas l'air du tout content de les voir. "Capitaine Janeway", dit-il, "il est impératif que vous veniez me voir dès à présent. Nous devons discuter d'un sujet de la plus haute importance."
Janeway était stupéfaite. "Bien, Monsieur. Chakotay, Seven, vous venez avec..."
"Non ! Venez seule. Et assurez-vous que votre téléportation ne soit pas détectable. Paris terminé."
Tom se retourna sur son fauteuil de pilote. L'urgence de son père, et l'absence du moindre signe envers son fils, l'avait visiblement perturbé. "Capitaine, qu'est-ce qui ne va pas, ici ?"
"Redemandez-moi ça à mon retour", répliqua Janeway l'air désabusée tout en entrant dans l'ascenseur. "Peut-être aurais-je à ce moment-là une réponse à vous fournir."
 
***
 
Owen Paris n'était pas un des Amiraux les plus puissants de Starfleet, mais il en connaissait un bon nombre. Ce qui le contrariait, c'était que ces hommes et femmes étaient rarement les modèles d'honneur que leur rang ne le laissait penser. Paris ne se considérait pas comme infaillible, mais il n'avait jamais renié ses principes. Il était épouvanté que si peu des plus puissants officiers de Starfleet aient la même attitude. Il y avait trop de Dougherties et pas assez de Quinns.
Paris attendit patiemment que sa vieille amie arrive. Elle fallait qu'elle sache ce qui se préparait.
Le scintillement familier du téléporteur de Starfleet emplit la pièce. Paris regarda sur le côté et vit les points de lumière bleue diffuser verticalement tandis que la brume brillante commençait à se former. Rayon de téléportation d'un ancien modèle, observa-t-il au passage. C'était sensé. Au moins le rayon matérialisa le Capitaine Catherine Janeway, l'une des dernières personnes que Paris s'était attendu à revoir vivante. Il aurait aimé lui réserver l'accueil jovial qu'elle méritait, mais ils n'en avaient pas le temps.
"Catherine. Prenez un siège. J'ai quelque chose d'urgent à vous dire."
Elle obtempéra. "J'ai utilisé les sous-programmes de camouflage que Tuvok a personnellement mis au point pendant que nous étions dans le Quadrant Delta. Il est peu probable que ma téléportation ait été détectée."
"Bien." Paris se caressa le menton. "Le quartier général sait que vous êtes ici, bien sûr, mais ils ne vont pas vous envoyer chercher avant la fin du jour. Cela devrait me donner le temps de vous expliquer la situation."
Janeway semblait avoir l'air soulagé. "A propos de temps, nous n'avons pas eu un seul mot des sources officielles depuis que nous sommes revenus, et personne dans notre escorte de vaisseau ne nous a parlé d'événements récents. L'Enseigne Wildman a dit que même son mari gardait le silence à ce sujet."
"Il avait l'ordre de l'Amiral Warhol de garder le silence, sans aucun doute. Et toute autre personne essayant de prendre contact avec votre vaisseau était détournée. Avez-vous découvert un problème quelconque avec votre système de communications ?"
"Non. Il refusait pourtant de fonctionner sur des distances de plus d'un million de kilomètres."
"C'est encore à cause de Warhol. J'ai des raisons de penser qu'il a utilisé un de ses codes de plus haut niveau pour provoquer un arrêt 'discret' de votre récepteur longue distance. Le récepteur vous donne toujours tous les signes d'un fonctionnement tout à fait opérationnel, mais aucun message ne va plus loin que la limite de vos déflecteurs."
"Alors vous pensez que le Commandement nous a contacté ?"
"Aucun doute là-dessus. Je vous ai envoyé un message, et j'ai parlé à plusieurs autres personnes qui en ont fait autant. Aucun de ces messages ne vous est parvenu. Ils ont probablement été détruits dès leur arrivée. Je doute que Warhol ait pris le risque de les stocker quelque part, que ce soit sur votre vaisseau ou ici sur Terre."
"Vous parlez toujours de l'Amiral Warhol. S'agit-il du Commodore Warhol qui était vice-président du Groupe des Enquêtes Internes quand nous sommes partis ?"
"Oui. Il est à la tête du Groupe, maintenant. Sa promotion date d'il y a cinq ans. Sa conduite est irréprochable, mais sa persistance à préserver la sécurité de Starfleet est assez forte pour l'entraîner parfois sur des terrains dangereux. Je crois que sa cible actuelle, c'est vous."
"Mais pourquoi ?"
"C'est ce que j'ai l'intention de vous expliquer. Regardez-donc ces enregistrements de nos détecteurs."
L'Amiral Paris activa l'écran et passa en lecture trois séquences vidéos. Quand elles furent terminées, Janeway savait exactement pourquoi la situation était si dangereuse. Et pourquoi elle était blâmée.
 
***
 
Naomi Wildman se rematérialisa au milieu de San Fransisco. Derrière elle se tenaient ses parents et deux amis qu'elle avait voulu emmener, Seven et Icheb. Sur les cinq, un seul était né et avait grandi ici sur Terre, mais chacun avait ses raisons d'appeler cet endroit son foyer.
Naomi tenait la main de sa mère et marchait à ses côtés tandis que les Wildman guidaient leur groupe à travers les rues encombrées. Icheb se tenait aussi près de Seven que la politesse le lui permettait, espérant ainsi absorber un peu de sa confiance et de son invulnérabilité. Bien sûr, Seven avait aussi toutes les raisons d'être nerveuse. Ce n'était rien de plus qu'une planète pour Icheb, mais pour elle, c'était son monde, qu'elle avait perdu, il y a très longtemps. Pourtant, en un sens, la grande ex-drone ne semblait pas inquiète. La force de Seven ne cessait jamais d'impressionner son protégé.
"Regarde !" dit Samantha. "Voici le Musée de la Science, et là le marché artisanal, et là-bas, le restaurant créole où toi et moi avions l'habitude de déjeuner tout le temps..."
"Celui-là ? Non, non. C'était celui de la Nouvelle-Orléans", répondit Greskrendtregk.
"Tu crois ? J'imagine que je peux me tromper, ça fait si longtemps. En tout cas, je suis sûre que c'est le Parc de T'Plana Hath, là-bas."
C'était vrai. Ils entrèrent dans le parc public et s'installèrent à une table de pique-nique. Tandis que les adultes commençaient à déballer la nourriture, Naomi grimpa sur l'une des buttes verdoyantes. "Allez, viens, Icheb !" appela-t-elle.
Le jeune Brunali commença à marcher vers elle. "Non, non", riait Naomi. "Nous sommes dehors, vraiment dehors, nous pouvons courir autant que nous le voulons ! Cours !" Icheb ne voyait pas quel était le rapport. N'atteindrait-il pas le même point, quelle que soit sa vitesse ? Mais il s'élança selon les ordres.
Naomi se sentait plus libre qu'elle ne l'avait jamais été à bord du Voyager. Le vent soufflait dans ses cheveux et remplissait ses poumons d'air pur et non recyclé. C'était une sensation nouvelle et glorifiante, et elle aimait chaque seconde qui passait. Courir sur l'herbe d'une vraie planète avec un vrai soleil la réchauffant, c'était le paradis. C'était ici qu'elle devait être. C'était... c'était sa maison.
Icheb rattrapa Naomi et ils jouèrent à chat et à courir sur les pentes de la butte pendant un moment. Les activités d'extérieur commençaient à prendre de l'importance chez Icheb. Ils finirent par se fatiguer et revinrent à la table pour avoir leur repas, qu'ils mangèrent avidement. Après leur avoir lancé un regard tout souriant, Samantha se pencha contre Greskrendtregk et savoura la joie et la perfection de ce moment. Seven, pendant ce temps, avait déjà fini de manger et n'avait pas grand-chose à faire à part observer les autres dans le parc. Elle se concentra sur cet échantillon d'humanité avec intérêt.
A sa surprise, elle observa aussi que cet échantillon d'humanité la dévisageait également avec intérêt. En fait, un des jeunes hommes n'arrivait pas à détacher son regard d'elle... jusqu'à ce que la jeune femme qui était avec lui ne s'en aperçoive et lui fiche une claque. Ce geste inhabituellement rude chez une race aussi pacifique que les humains impressionna Seven, mais elle n'avait jamais réussi à comprendre complètement les humains, de toute manière. Peut-être que sa compréhension s'améliorerait maintenant qu'elle avait plus de sujets à étudier. Cependant, ce n'était pas les seules personnes à l'avoir remarquée. Un groupe d'humains... non, deux groupes, semblaient regarder les deux anciens drones avec une sorte de dégoût et de haine.
Seven avait une idée de la raison, mais cela ne la dérangeait pas particulièrement. Enfin quand même... d'accord, cela la mettait un peu mal à l'aise. Mais elle pouvait s'en accommoder. Au fil des années, beaucoup de gens l'avaient détestée pour des raisons qu'elle n'avait jamais tout à fait comprises. Une fois, sur une planète appelée Jectaris, elle avait presque été tuée dans une attaque gratuite. Un natif avait essayé de l'écraser avec une baignoire, par exemple. Ce qui la dérangeait plus était le fait que la physique quantique suggérait qu'il existât des univers dans lesquels cette attaque avait réussi. De toute manière, Seven avait appris qu'elle ne pourrait pas s'attendre à être la bienvenue, où qu'elle aille.
Pour Icheb, c'était une autre histoire. Le jeune et ancien drone avait également vu ces voyeurs et était visiblement perturbé. Un éclair de compassion traversa Seven, et elle décida de porter son attention sur ce problème. "Icheb", dit-elle, "dirige ton détecteur oculaire dans cette direction."
"Elle lui demande de regarder par là", murmura Naomi à ses parents, qui retinrent un gloussement.
Icheb regarda, et fut content de l'avoir fait. Là-bas, devant son détecteur oculaire, se trouvait LE bâtiment qu'il avait tant désiré voir, le premier pas dans l'accession à l'organisation dont il désirait le plus profondément devenir membre. Le campus de l'Académie de Starfleet était juste là, à portée de main. Abandonnant son habituelle réserve, il fit un large sourire. Naomi, sentant qu'elle devait intervenir, le tapota dans le dos.
Sa tâche accomplie, Seven reprit ses observations. A sa surprise, elle fut interrompue par le signal de son communicateur. "Chakotay à Seven of Nine. Veuillez vous présenter au rapport au labo d'Astrométrie." Moyennement ennuyée de n'avoir pas été prévenue à l'avance, elle s'excusa auprès des autres et fut téléportée, les laissant profiter de l'après-midi ensoleillée.
 
***
 
"Et qu'a-t-elle fait ?"
"Elle s'est retournée, a regardé ces Xrabipta droit dans les yeux, et a sorti un phaseur de dessous ses cheveux ! Je vous jure !"
En plein milieu de ses rires rauques, Neelix disparut de l'écran pendant quelques instants. Chakotay s'inquiéta. "Neelix ? Est-ce que vous allez bien ?"
"Oui, oui", répondit le visage rouge du Talaxien, se replaçant à nouveau dans le champ de vue. "Désolé, j'ai littéralement roulé sur le sol. Ses cheveux ? Je n'arrive pas à y croire !"
"Je n'y croyais pas non plus, mais j'ai réalisé à ce moment-là qu'elle les avait arrangés en chignon ce jour-là, pour la première fois en huit ans. Alors pourquoi aurait-elle agi aussi étrangement si elle n'avait pas eu quelque chose en tête ? Et à ce moment-là, j'étais plus vexé de ne pas l'avoir deviné plus tôt."
"Honte à vous, Commandeur", le taquina Neelix. Chakotay baissa la tête vers l'avant, provoquant encore plus de rires.
"Maintenant, parlons un peu de vos aventures. Comment vous et les autres Talaxiens vous en sortez-vous ?"
"Pas mal du tout", répondit Neelix, souriant avec fierté et plus du tout par amusement.
"Le Commandeur Nocona est revenu il y a quelques mois, avec un plus gros vaisseau, mais nous avions juste terminé de renforcer le bouclier. Avant qu'il ait eu le temps de nous faire le moindre tort, nous lui avions envoyé assez de chasseurs légers pour le faire réfléchir à deux fois. Nous ne l'avons jamais revu, depuis."
"Bien joué", dit Chakotay. "Vous avez plus que prouvé vos qualités de chef."
"Et bien... je continue de ne pas m'imaginer comme cela. Mais Monsieur Tuvok m'a dit la même chose quand je lui ai parlé ce matin, alors j'imagine que je devrais monter au créneau." Ils échangèrent un sourire.
"Loin de moi l'idée de voler le temps de parole de quelqu'un d'autre, Neelix. Mais permettez-moi de vous demander quelque chose que notre ami Vulcain n'aurait jamais osé vous demander. Comment se porte votre relation avec Dexa ?"
Le Talaxien s'empourpra quelque peu. "Nous sommes fiancés. Le mariage est prévu pour dans deux mois, à moins que quelque chose n'arrive entre temps."
"Comme quoi ?"
"Et bien, on ne sait jamais, ces Xrabipta pourraient bien vouloir que leur prochaine cible ait moins de cheveux !"
Les deux hommes éclatèrent de rire, et encore plus quand Chakotay ajouta "Dans ce cas, je m'assurerai que le Docteur fasse un contrôle de sécurité."
Neelix acquiesça avec contentement. "Assez parlé de ma vie sentimentale. Parlons donc de la vôtre."
"Je n'ai pas de vie sentimentale", dit le Commandeur, mal à l'aise.
"Ah ? Et votre relation avec Seven of Nine ?"
"C'est votre tour."
"Quoi ?"
"De réaligner les paramètres du signal afin que nous ne soyons pas limité à onze minutes."
"Oh, c'est vrai. J'oubliais." Neelix essaya de se souvenir du code à entrer. Ouf ! pensa Chakotay. Ca va me laisser un peu de temps pour trouver un moyen de lui expliquer.
Comme si elle l'avait entendu, Seven entra dans la pièce. "Vous m'avez demandé, Commandeur ?"
Chakotay hocha la tête. "Vous ne vous souvenez pas ? C'est votre tour de parler à Neelix."
"J'avais prévu de le faire en compagnie du Lieutenant Kim."
"Il a échangé du temps de parole avec moi afin de pouvoir rendre visite à ses parents cette après-midi. Il doit y être, maintenant."
"Je vois."
Neelix avait finalement réussi à entrer son code. "Ca y est, Commandeur ! Nous avons sept minutes de ligne devant nous avant que le réseau MIDAS ne doive refroidir. Seven ! Désolé, je ne vous avais pas vu ! Quand êtes-vous arrivée ?"
"Il y a dix-neuf secondes", répondit l'ancienne drone.
"Et bien, faut-il vraiment compter ?" dit Neelix avec le sourire. "C'est merveilleux de vous revoir ! Et de vous voir tous les deux ensemble... et bien, ça me fait chaud au coeur de savoir que je peux toujours être un bon officier de moral à cette distance. Mes Félicitations !"
Chakotay s'éclaircit la gorge. Seven détourna le regard.
"Euh... les félicitations sont de rigueur, n'est-ce pas ?"
Seven fut soudainement très intéressée par le sol. Chakotay s'éclaircit à nouveau la gorge.
Neelix soupira d'un air désabusé. "Je vois. Que s'est-il passé ?"
Chakotay cherchait ses mots. "Et bien... vous voyez..."
"J'ai mis fin à cette relation à cause de l'inadéquation du Commandeur Chakotay comme candidat", dit Seven.
"Quoi ?" crièrent Neelix et Chakotay à l'unisson.
"Plus tard, j'ai réévalué cette décision", continua Seven sans aucune émotion. "A ce moment-là, cependant, un groupe beaucoup plus important de candidats était juste devenu disponible. Je n'avais choisi le Commandeur Chakotay que par manque de sélection."
"Je croyais que c'était à cause de mes conseils !" répliqua Neelix, estomaqué.
"Cela l'était. Ce sont vos conseils qui ont guidé mon évaluation. Quand cette évaluation est devenue invalide, je me suis trouvée dans l'obligation de l'écarter."
"Et moi", dit Chakotay.
"Oui", dit Seven.
Chakotay regarda fixement Neelix. Neelix, quant à lui, fixait Chakotay. Tous deux se tournèrent et fixèrent Seven.
"Quelque chose ne va pas ?" demanda-t-elle.
"Je l'espère bien", dit Chakotay. "Ce n'est pas ce que vous m'aviez déclaré lorsque nous en avions parlé jusqu'ici."
"Au contraire. C'est ce que je vous ai dit lorsque nous en avons parlé. Mes mots étaient peut-être différents."
"Peut-être devriez-vous..."
"Les enfants, les enfants..." les interrompit Neelix. "Calmez-vous. Oublions simplement ce dont je vous ai parlé, d'accord ?"
Chakotay n'avait aucune objection contre cela. "Alors..." Il essaya de trouver un nouveau sujet de conversation.
"Je devrais peut-être sortir", dit Seven. "Le diagnostic du système de communications du Voyager n'est pas encore terminé."
Chakotay claqua des doigts. "Neelix, Seven me fait justement me rappeler une chose... peut-être y a-t-il une chose où vous pourriez nous aider."
"Certainement, Commandeur ! Tout ce que vous voulez."
"Notre système de communications à longue portée a été hors service depuis une semaine", expliqua le Premier Officier. "Nous n'avons pas eu de problèmes avec ce transmetteur-ci, mais les autres communications classiques ne fonctionnent pas. En d'autres termes, nous n'avons pas eu le moyen de savoir ce qui se passait dans le Quadrant Alpha. Maintenant, est-ce que j'ai raison de penser que vous êtes resté en contact avec Reg Barclay ?"
"Oui, c'est exact", répondit Neelix. "Ce système de communications a continué de fonctionner, et Reg a mis en place un terminal sur Terre, exactement le même que celui du Voyager. Nous avons été en contact très régulièrement."
"Alors vous avez dû entendre parler des informations importantes ?"
"Euh.... attendez que je réfléchisse." Neelix tira sur ses favoris, un geste typiquement Talaxien et aux significations multiples. "Oui, il s'est passé quelque chose de très important. Juste après que vous ayez disparu, Starfleet a commencé à détecter..."
L'écran devint blanc.
"Oh, non, ce n'est pas possible", dit Chakotay, "nous ne pouvons pas avoir aussi peu de chance !" Ses doigts volèrent sur la console.
"Si ces événements se passaient dans un livre, je les considèrerais comme délibérément caricaturaux", accorda Seven. Elle essaya également de rétablir la communication. Soudain...
"Alerte ! Alerte ! Vaisseau Zéro-Zéro-Zéro sous attaque massive ! Nos armes ne fonctionnent pas ! Nous avons besoin de renfort IMMEDIATEMENT !"
"Identifiez la source de cette transmission !" exigea Chakotay. "Chakotay à passerelle, alerte rouge ! Préparez-vous à répondre à un appel de détresse !"
"Seven of Nine à passerelle. Mettez cet ordre en attente." Seven se retourna vers Chakotay. "L'appel de détresse est bien au-delà de la portée du Voyager. Il a été envoyé directement sur le réseau MIDAS. Le réseau a intercepté le signal et nous l'a retransmis. C'est la raison de notre perte de connexion avec Neelix."
Chakotay soupira de frustration. Entendre un appel de détresse et être absolument incapable d'y répondre..." Chakotay à passerelle. Confirmation de la mise en attente annoncée par Seven." Quelle que soit la personne ayant reçu le message sur la passerelle, elle devait être complètement perdue, pensa-t-il.
Effectivement, le membre d'équipage Gilmore ne savait plus quoi faire. Quoi qu'elle fasse, elle n'arrivait plus à retirer ses doigts de ce piège à doigts chinois. Elle allait devoir demander l'aide de Chell avant que cela ne devienne un problème plus sérieux.
"Nous avons subi des dommages sur soixante-quatorze pourcents de la coque externe. Nos alcôves de régénération ne fonctionnent plus. Nous avons perdu 459 drones. Nous ne pourrons pas survivre à un autre assaut !"
"Pouvez-vous déterminer la source du message ?" demanda Chakotay.
"C'est Borg", dit Seven.
"Ca, je l'avais déjà deviné. Avez-vous quelque chose de plus précis ?"
"La transmission a été encodée sur une fréquence spécifique à la Reine. La source ne peut provenir que de l'Unicomplexe ou de son vaisseau de transport personnel, or l'Unicomplexe n'existe plus."
"Alors elle aurait réussi à survivre au virus de l'Amiral Janeway ?"
"Non. Ce n'était pas la voix de la Reine, et surtout, ce n'était pas quelqu'un de connecté à l'esprit de la Ruche."
"Comment le savez-vous ?"
"J'ai reconnu la voix", répondit Seven.
"Un seul de nos conduits de transdistorsion fonctionne encore ! Nous ne pouvons pas nous échapper ! Les Cubes ennemis tentent de nous attirer dans le..." Les parasites coupèrent la fin.
"Les Cubes ennemis ? Pourquoi un vaisseau Borg combattrait-il ses propres cubes ?" se demanda Chakotay à vox haute.
"Il est possible qu'une autre race ait choisi de construire des vaisseaux cubiques", dit Seven.
"Ca ne semble pas probable."
"Je n'ai pas dit que c'était probable." Seven vérifia sur sa console. "La transmission se dégrade. Quelque chose est arrivé au réseau MIDAS."
"A tous les drones, regroupez-vous au point de grille..." La voix fut noyée par de fortes explosions pendant plusieurs secondes. "... ne survivrons pas ! Annika ! Je t'aime !"
Silence.
"Le réseau MIDAS ne répond plus", annonça Seven. "Je crois que son transmetteur a été endommagé ou détruit."
Chakotay essayait toujours de comprendre le sens du message. "Vous avez dit que vous connaissiez cet homme. Et il allait l'air de bien vous connaître, il vous a appelé par votre nom humain. C'était Axum, n'est-ce pas ?"
"Oui", répondit Seven. "En se basant sur le contenu de ce message, il est des plus probables que son vaisseau ait été détruit."
Le calme de Seven à l'évocation de cette possible tragédie commençait à énerver Chakotay. "Il a dit qu'il vous aimait ! Cela ne vous a même pas touché ?"
"S'il n'est plus vivant, mon chagrin ne lui apportera rien. S'il est vivant, cela serait inopportun." Qu'elle aille au Diable, même quand elle m'exaspère, elle a raison.
"Nous devrions en informer le Capitaine immédiatement", continua Seven.
"Ne vous donnez pas cette peine", dit Chakotay, "cela fait quatre heures que j'essaye de la contacter. Elle n'est plus joignable depuis le moment où elle est partie voir le père de Tom."
"L'Amiral Paris."
"Oui. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais je n'aime pas cela."
"Si je ne peux pas contacter le Capitaine Janeway, je devrai procéder au diagnostic." Seven s'apprêta à partir. Chakotay, perdant finalement patience, l'attrapa par le bras. L'ancienne drone ne résista pas, mais tourna autour de lui en le fixant d'un regard qui lui disait très clairement, relâchez-moi ou je vous assimile.
"Je veux savoir ce qui se passe ici, Seven", dit-il. "Votre comportement de ces derniers temps a été des plus embarrassants. Je ne suis pas le seul à l'avoir remarqué, le Capitaine Janeway et le Docteur se sont tous deux demandés si vous alliez bien. Je veux que vous me disiez pourquoi vous agissez de la sorte."
"De quelle 'sorte' agirais-je donc ?" demanda Seven d'un air faussement innocent.
"En deux mots, sans émotions. Vous semblez vous être complètement désintéressée du vaisseau, de vos amis... de tout, depuis que nous sommes sortis de la Bulle."
"Je ne m'étais jamais aperçue que le fait de ne pas montrer d'émotions était embarrassant", rétorqua Seven sèchement.
Chakotay vit l'allusion. "Je respecte Tuvok, et son mode de vie ne regarde que lui. Mais vous n'êtes pas Tuvok. Vous êtes un être humain, qui n'a que récemment recouvré ses aptitudes à ressentir toute la gamme normale des émotions. Vous avez passé les cinq dernières années à prendre le maximum de distance avec les Borgs. Ce retournement soudain ne vous correspond pas, ce qui est suffisant pour inquiéter ceux qui se soucient de vous. Je suis votre ami, je me soucie de vous, et je veux savoir ce qu'il y a !"
A ce moment-là, juste en un éclair, Seven changea. Son bras devint flasque dans la main de Chakotay. "Je suis désolée, Commandeur", dit-elle, d'un ton sincère et repentant. "Je n'ai aucune intention de vous inquiéter ni aucun des membres d'équipage du Voyager. Peut-être devrais-je demander au Docteur de m'examiner au cas où quelque chose n'irait pas."
"Je pense que ce serait une bonne idée", répondit Chakotay. Il la relâcha, puis elle sortit.
Le Premier Officier était debout, seul, dans le labo d'Astrométrie, méditant sur cette étrange situation. Seven s'était effectivement comportée de manière bizarre, il n'y avait aucun doute là-dessus. Mais qu'est-ce qui avait déclenché ce changement de caractère en elle quelques secondes plus tôt ? A ce moment, Chakotay avait cru qu'il parlait de nouveau avec l'ancienne Seven. Si elle avait simulé cela, alors elle avait frappé un grand coup dans l'art de la dissimulation.
Peut-être que je m'imagine trop de choses dans cette affaire, pensa Chakotay. Je la traite trop durement. Je ne mesure pas bien comment notre retour sur Terre l'affecte. De plus, nous étions un couple récemment, et Dieu seul sait que je prends ce genre de relation très au sérieux. Je suis probablement en train de me mettre martel en tête.
L'esprit plus ou moins en paix, Chakotay sortit du labo d'Astrométrie pour aller voir comment allaient Tom et B'Elanna.
 
***
 
Ce n'était que ses parents, mais Harry ne pouvait s'empêcher de se sentir nerveux à l'idée de les revoir après si longtemps. Par de nombreux aspects, il n'était plus le même homme qui les avait quittés huit ans auparavant. La combinaison du Quadrant Delta, de Tom Paris, et de plus d'expériences étranges qu'il n'aurait pu en compter sur ses doigts avaient accéléré son évolution, un peu à la manière dont les Borgs procédaient avec leurs drones. Ou peut-être qu'il n'y avait pas vraiment de parallèle avec ce que faisaient les Borgs, mais la vie d'Harry était étrangement liée à celle des Borgs. Surpassant ses doutes, Harry grimpa les marches du vieux porche et appuya sur la sonnette.
Pas de réponse. Il essaya à nouveau.
Toujours rien. Il réessaya encore.
Silence. Il...
"Marie, va ouvrir, pour l'amour de Dieu ! Je suis sous la douche !"
Harry sourit. Toujours pareil, papa.
La poignée de porte tourna et le loquet s'ouvrit. La porte de la maison des Kim s'ouvrit finalement, révélant une femme d'un certain âge ayant une ressemblance étonnante avec Harry. Elle en resta bouche bée de surprise. "Harry ! C'est toi ! Tu es de retour !"
Avant qu'Harry ne puisse réagir, elle l'avait tiré dans la maison et le serrait contre elle jusqu'à l'étouffer. Le jeune Lieutenant sentait ses poumons se vider dangereusement vite. Marie Kim, entendant les halètements désespérés de son fils, finit par le libérer. Il reprit péniblement son souffle. "Oh, pauvre Harry!" dit-elle. "Ton voyage de retour sur Terre a du être terrible. Regarde dans quel état tu es ! Viens t'asseoir dans le salon, vite, vite, que je t'apporte un peu de thé." Harry obtempéra avec joie.
Installé confortablement dans le vieux fauteuil qui avait toujours été son favori, Harry regarda autour de lui dans la pièce. C'est incroyable comme cet endroit avait peu changé, pensa-t-il. J'ai l'impression que je suis rentré à la maison, finalement. Il fut surpris de réaliser avec quelle facilité il se remettait à considérer cette vieille maison comme son foyer. Que devenait le Voyager ? Ces pensées rappelèrent à Harry quelque chose que Chakotay lui avait dit une fois. "Notre foyer se trouve là où l'on a l'habitude d'être." En pensant à cela, Libby et lui avaient aussi eu un autre foyer pendant quelque temps, et Harry réalisa qu'il penserait sans doute la même chose là-bas, s'il y était retourné. Peut-être n'y avait-il pas un seul foyer pour chaque personne, peut-être qu'une personne pouvait se sentir chez elle en de nombreux endroits.
La mère d'Harry revint avec trois tasses de thé. Elle en posa une devant Harry, une autre à la place habituelle de son mari, et la troisième devant elle. Harry goûta la boisson avec plaisir. Sa mère utilisait les réplicateurs pour la plupart des aliments, mais servait toujours du thé d'origine naturelle. "Est-ce que ça va, chéri ? lui demanda-t-elle.
Harry fut surpris de réaliser que ce n'était pas le cas. Quelque chose était différent. "Je n'en suis pas sûr", dit-il, "le thé est excellent, mais... il y a un drôle de goût en plus. Est-ce que tu y as rajouté quelque chose ?"
"Juste ton lait habituel."
C'était ça ! "Je comprends, maintenant ! Désolé, maman, cela m'a frappé car je me suis habitué à le boire nature. Nous n'avions pas beaucoup de réserve à bord du Voyager."
Madame Kim tressaillit. "Je suis tellement désolé, Harry. Tu as dû passer de terribles moments à bord de ce vaisseau."
"Et bien, ce n'était pas une promenade de santé, mais... après quelques temps, ce n'était pas si mal. Au moins, j'étais entouré de gens sympathiques."
"Oh oui. Comme ce délicieux Monsieur Paris dont tu nous as parlé ! Comment va-t-il ?"
"Oh, Tom va bien. Il est devenu un véritable chef de famille, il s'est assagi avec sa femme et sa fille. Il n'a jamais été aussi heureux."
"Et cette fille, Torres... t'es-tu finalement décidé à lui demander de sortir avec toi ?"
Harry était sidéré. "Quoi ? B'Elanna et moi sommes amis, rien de plus !"
"Oh..." Madame Kim semblait surprise. "C'est juste que tu parlais tellement d'elle dans tes premiers rapports..."
"C'était l'une des premières amies que je m'étais faites à bord. Je suppose que je l'ai souvent mentionnée." Harry s'arrêta soudainement, stupéfait. "Hey ! Vous avez lu mon journal ?"
"Et bien, la base de données du Voyager était enregistrée par le Département de Communication de Starfleet quand..."
"Mais cette base de données est classée secrète ! Elle n'est accessible qu'aux officiers ayant un grade supérieur à celui de Lieutenant Commandeur. Même moi, je n'y ai pas accès !"
"Et bien, ils ont bien dit non quand je leur en ai parlé la première fois. Mais plus tard, j'ai mangé avec Madame Barclay, tu te rappelles Madame Barclay, et elle m'a dit que son fils travaillait au Département de Communications de Starfleet. Alors je lui ai demandé si elle pourrait lui en glisser un mot pour moi, et elle m'a dit d'accord, en tant qu'ancienne camarade de classe. Et elle s'en est occupée. Le lendemain matin, quand je me suis réveillée, j'avais mon code d'accès à la base de données ! Alors naturellement, je suis allée directement au Département de Communications pour aller jeter un oeil. Et que pouvais-je chercher d'autre que ton journal personnel ? Alors je..."
"D'accord, d'accord !" soupira désespérément Harry. "Tu les as tous lus ?"
"Non, non. J'ai en lu un extrait par jour pour me souvenir de toi. Juste hier, j'en suis arrivé à celui avec ces hommes-lézards amusants qui se cachaient sur le vaisseau." Harry reprit espoir. Avec de la chance, il trouverait un moyen de protéger ces fichiers avant qu'elle atteigne la date stellaire 52628 environ.
"Harry !" John Kim avait finalement fait son entrée et était aussi heureux de voir son fils que ne l'avait été Marie. Il souleva Harry d'une bonne vingtaine de centimètres au-dessus du sol. "Regarde comme tu as grandi ! Et là, mais ce sont deux épinglettes de rangs sur ton col ?"
Harry baissa la tête. "Euh, non... la seconde, c'est juste une miette de gâteau. Je vais l'essuyer."
"Lieutenant Commandeur Harry Kim ! Je suis si fier de toi, mon fils ! Attends un peu que Pat Westing entende parler de ça !" Harry soupira. Monsieur Westing était l'ennemi juré de son père. Essayer de le corriger serait pour l'instant peine perdue. "Merci, papa", dit-il, résigné.
John s'assit et but une gorgée de son thé. "Alors, Harry... parles-nous de ton voyage."
"Et bien... ça a pris longtemps. Très longtemps. Mais nous nous en sommes à peu près bien sortis. J'ai fait avec, comme le reste de l'équipage, et mon travail n'était pas trop prenant."
"Ah oui, ton travail." John réfléchit. "Heu... qu'est-ce que tu fais comme travail, exactement ?"
Harry était sur le point de le lui expliquer en détail, quand trois bips interrompirent la conversation. Marie appuya sur la console située à côté de son fauteuil. "Un flash d'informations", expliqua-t-elle. "Quelque chose d'important a dû arriver."
Le cadre de la photo de famille se transforma en un gigantesque écran. Ouaouh... pensa Harry, c'est époustouflant. Ils ont dû installer ça après mon départ. Sur l'écran apparut l'image d'un homme aux cheveux gris, portant un uniforme de Starfleet et affichant une mine sinistre.
"Bonjour, citoyens de la Fédération. Ici l'Amiral de la Flotte Gregory Quinn. Il est malheureusement de mon devoir de vous informer d'un événement désastreux."
L'écran montra un objet qu'Harry connaissait très bien. "Le réseau MIDAS, émetteur-récepteur de communications à longue distance le plus avancé de Starfleet, a été détruit il y a une heure. Le dernier rapport des senseurs que nous ayons reçu a été celui-là."
Une séquence vidéo parasitée emplit l'écran. Devant le réseau, l'étendue paisible de l'espace était déchirée de dizaines de conduits de transdistorsion. De ces conduits sortaient des Cubes Borgs, tous attaquant un petit vaisseau d'une tout autre forme.
"Je connais ce vaisseau", murmura sombrement Harry.
Les cubes poursuivirent leur attaque jusqu'à ce que le petit vaisseau perde son contrôle d'attitude. Il spirala droit sur le réseau et l'image devint blanche. L'Amiral de la flotte Quinn réapparut à l'écran. "Starfleet étudie actuellement ces informations pour déterminer dans quelle mesure nous sommes ou non les victimes d'une attaque délibérée du collectif Borg. Pour le moment, nous demandons à tous les citoyens de ne pas faire de conclusions hâtives. Il n'y a aucune preuve que les Borgs nous aient pris pour cible. Jusqu'à ce que nous ayons plus d'informations, il est trop tôt pour se faire une opinion. Je vous prie de garder votre calme." L'Amiral disparut.
"Fils..." commença John Kim, pour s'interrompre aussitôt.
"Ce n'est pas bon", dit Harry. "Ce n'est pas bon du tout. Il faut que je parle au Capitaine Janeway." Il appuya sur son communicateur. "Kim à Janeway. Veuillez répondre." Pas de réponse. "Kim à Voyager. Il y a quelqu'un là-haut ?"
"Harry, c'est Chakotay. J'ai vu ça aussi. Je suis en train de contacter les autres. Nous nous rencontrons dans le Parc T'Plana Hath dans dix minutes."
"Bien compris, Monsieur. Je me téléporte là-bas tout de suite."
"Désolé d'avoir interrompu votre réunion. Chakotay terminé."
Harry serra chacun de ses parents dans ses bras. "Je reviendrai vite. Ne vous inquiétez pas." Puis, debout au milieu de la pièce, il contacta l'opérateur de téléportation du Voyager pour un transport direct. Une nouvelle fois, John et Marie Kim regardèrent leur fils disparaître.
 
***
 
"... à l'instant où Janeway put la mettre en garde à temps, et Seven réussit à échapper au projectile qui tombait."
"Vous voulez dire la baignoire."
"Oui."
"Alistair Warhol avait du mal à garder un visage calme. "Monsieur Tuvok. Etes-vous certain d'être entièrement honnête avec nous ?
"Je suis Vulcain, Amiral. De plus, j'ai prêté serment à Starfleet. Je ne romprais jamais ce serment en mentant à un officier supérieur."
"Très bien. Aussi étrange que cela paraisse, j'ai entendu des histoires encore plus étranges." La plupart d'entre elles venant de Ben Sisko, ajouta-t-il dans sa tête. "Je suppose que vous n'avez plus eu d'autres contacts avec ces Jectarisiens ?"
"Jecters. Non. Nous avons rompu les communications et sommes sortis d'orbite."
Il est difficile de croire que leur gouvernement veuille sanctionner une tentative d'assassinat sur l'un de vos membres d'équipage. Que voulaient-ils y gagner ? Et pourquoi Seven ?"
"Nous ne le savons pas. Les Borgs n'avaient pas encore découvert Jectaris, ni le contraire, donc leur colère ne pouvait pas être d'ordre raciale. Ni d'ordre sexiste, puisque les Jecters n'avaient pas causé de problèmes avec le Capitaine."
"Ah oui, c'était un autre paragraphe de votre rapport. Qu'avez-vous dit exactement qu'ils avaient fait du Capitaine Janeway ?
"Ils l'avaient téléportée avec le Commandeur Chakotay dans une pièce close. Nous pensons qu'il s'agissait d'une prison, car la pièce était très petite, bien que confortable, et que leurs vêtements n'avaient pas été téléportés avec eux."
C'était dans le rapport, mais Warhol avait eu besoin de l'entendre de la bouche de Tuvok pour le croire. "D'accord. Laissez-moi résumer. Le Voyager avait envoyé une équipe au sol pour négocier avec ces Jecters. Dès que vous vous êtes retrouvés à la surface, le Capitaine et le Premier Officier ont été enfermés nus dans une petite pièce ?"
"Oui."
"Et alors, pendant que Seven et vous les recherchiez, les aliens ont essayé de tuer votre partenaire avec une baignoire ?"
"Oui."
"C'est complètement insensé ! Que diable espéraient-ils accomplir ?"
"Je ne sais pas. Cependant, j'ai cru comprendre que leur religion était impliquée dans tout cela. La baignoire est un important symbole dans cette religion, associée à un chef masculin à la diète."
"Déroutant. Vous savez, je n'ai plus envie de parler de cela. Nous finirons ce compte-rendu de mission demain, à la même heure. Vous pouvez disposer."
"Bien, Monsieur." Tuvok se leva et sortit, plutôt reconnaissant d'abandonner ce sujet. La rencontre du Voyager avec les Jecters avait porté sa logique à ses limites. Il monta sur le téléporteur le plus près et se transporta dans le Parc T'Plana Hath, où Chakotay avait organisé une réunion des officiers supérieurs.
Quand il réapparut, le Vulcain aperçut les Lieutenants Kim et Torres déjà sur place, un peu plus loin. Il commença à marcher vers eux. "Tuvok !" cria une voix derrière lui. Il se retourna et vit avec une légère déconvenue Tom courir pour le rattraper.
"Il faut que je vous parle de quelque chose", dit Tom. "Vous souvenez-vous de Jimmy Burgess ?"
Tuvok réfléchit. "Oui. C'était un ancien maquisard à bord du Liberty jusque trois mois avant notre enlèvement."
"Exactement. Et bien j'ai effectué une petite recherche, et en fait, ce gars était bien plus que ce qu'il semblait être. Avant tout autre chose, c'était un agent officier de Starfleet, exactement comme vous."
"Je sais", dit Tuvok. "J'étais son remplaçant."
Paris cligna des yeux. "Alors pourquoi avez-vous été à bord en même temps pendant un mois ?"
"Car un changement soudain aurait été trop suspicieux. Nous avons laissé passer un mois pour endormir la suspicion de Chakotay." Trop tard, Tuvok s'aperçut qu'il avait appelé Chakotay par son nom, comme au temps du Liberty.
"Bien sûr. Enfin, de toute façon, il est retourné dans Starfleet. Il était Commandeur lorsque notre mission a commencé, et il est devenu Sous-Amiral à l'époque où nous avons atteint l'Espace Borg. Mais devinez ce qui arrivé, alors ?"
"Qu'est-il arrivé ?"
"Allez, devinez." Tuvok regarda Paris avec une légère condescendance. Il abandonna. "D'accord, d'accord. Mais vous n'êtes pas drôle. Enfin bref, voilà, c'était un shapeshifteur !"
Tuvok leva un sourcil. "Depuis combien de temps ?"
"Ils ne savent pas. Leur meilleure estimation est que le shapeshifteur l'avait remplacé quelques semaines à peine après qu'il ait quitté le vaisseau. Après cela, il a réussi à éviter d'être détecté jusqu'à ce que la guerre éclate, quand ils ont commencé à effectuer des tests sanguins sur tout le personnel du Quartier Général de Starfleet. Il n'a pas pu trouver une bonne excuse à temps. Mais ils ont découvert plus tard qu'il avait réussi à envoyer deux cents kiloquads d'informations sensibles dans le Quadrant Gamma."
"Impressionnant." En fait, Tuvok était réellement impressionné. Le Commandeur Burgess avait toujours étonné Tuvok par son astuce et sa prudence. Le Shapeshifteur qui l'avait remplacé avait dû faire un excellent travail, que ce soit pour la capture de Burgess ou pour se faire passer pour lui.
"Je pense aussi", accorda Paris. Ils avaient fini par atteindre Harry et B'Elanna , tous deux en train de regarder attentivement une tablette.
"Tom, Tuvok. Content de vous voir. Regardez un peu cela", dit Harry, leur montrant la tablette. C'était une liste d'événements de ces derniers mois qui avaient un rapport avec la dernière attaque Borg. Tuvok leva immédiatement un sourcil. Paris eut besoin d'un peu plus de temps pour assimiler les informations, mais réagit avec autant d'étonnement. "Mon Dieu", dit-il. "Il y a eu six attaques de Borgs rien que dans les deux derniers mois !"
"Correction, Monsieur Paris. Pas des attaques des Borgs", précisa Tuvok. "Il s'agissait de vaisseaux Borgs attaquant d'autres vaisseaux Borgs, et endommageant par la même occasion dans certains cas des équipements de Starfleet. Le seul élément commun est que toutes les attaques ont eu lieu à portée des senseurs de la Fédération."
"Et pour autant que nous le sachions", ajouta B'Elanna, "il y en a eu des centaines d'autres hors de portée des senseurs."
"Précisément. Il se peut que nous soyons en train d'observer rien moins qu'une guerre civile Borg." L'idée fit son chemin chez les quatre officiers.
"La question", dit une voix, "est de savoir pourquoi." Ils se retournèrent et virent Chakotay debout derrière eux. "Désolé, je suis en retard. Je montrais à l'Amiral de la flotte Quinn les preuves que Seven et moi avons trouvées."
"Quelles preuves ?" demanda B'Elanna.
"Nous étions en train de parler à Neelix au moment de l'attaque. Avant que nous ne perdions le contact, nous avons entendu un signal de détresse Borg... de Axum."
"Le drone de l'Unimatrice Zéro ?" demanda le Lieutenant Kim. 'A bientôt, Harry...'
"Oui. Nous ne savons pas quoi faire au juste de cela pour le moment, mais chaque bribe d'information peut aider."
"Et à propos de Neelix ?" demanda Tom. "Nous n'avons pas perdu contact définitivement, n'est-ce pas ?"
"J'ai parlé à Reg de cela. Apparemment, il n'y a aucune raison pour que le réseau ne soit pas reconstruit, mais cela représentera un défi technique de le faire fonctionner à exactement la même fréquence que l'original afin que le récepteur de Neelix puisse fonctionner. Il a aussi dit qu'il ne savait pas quand nous serions capable de l'avoir. Comme vous pouvez l'imaginer, les communications avec notre ambassadeur du Quadrant Delta ne font pas partie des priorités de Starfleet quand ce genre d'événement surgit." Il indiqua la tablette.
"Génial", dit Tom. "Une seule semaine après tout ce temps sans contact avec lui, et maintenant, nous le perdons à nouveau pour qui sait combien de temps ?"
Chakotay était sur le point d'acquiescer quand son communicateur bipa. "Janeway à Chakotay. Où êtes-vous ?"
"Ici Chakotay", répondit-il instantanément. "Je suis à San Fransisco. Où êtes-vous ?"
"Pas le temps. Attendez, que je verrouille... ça y est. Energie !" Avant que les autres aient pu réagir, Chakotay avait disparu dans un éclair bleu.
 
***
 
"Catherine ! Que se passe-t-il ?" Chakotay s'était rematérialisé dans une salle de téléportation sans lumière. D'après ce qu'il voyait de la pièce, il était quelque part dans le Quartier Général de Starfleet.
"Je vous ai amené ici avec l'aide de l'Amiral Paris", répondit le Capitaine Janeway. "Nous n'avons que quelques minutes avant de devoir vous faire ressortir d'ici, alors laissez-moi vous expliquer rapidement. Je suis sur le point de passer en cours martiale."
Chakotay était stupéfait. "Quoi ? Qui veut faire ça, et pourquoi ne sont-ils pas passés par le canal habituel ?"
"Les Borgs."
Les pièces commencèrent à s'assembler dans la tête de Chakotay, mais le puzzle restait incomplet. "Nous avons entendu parler de ces attaques Borgs..."
Janeway secoua la tête vigoureusement. "Pas des attaques. Les Borgs ne sont pas du tout intéressés par nous. C'est entre eux que ça se passe."
"Alors ils sont en guerre civile." Juste comme Tuvok l'avait suspecté.
"Oui. Starfleet n'en est pas sûr, mais ils ont une théorie. Vous vous souvenez du virus de l'Amirale Janeway ?"
"Qui pourrait l'oublier ?"
"Il était programmé pour détruire la Reine et l'Unicomplexe. Il comportait aussi une routine de sauvegarde qui, nous l'espérions, serait capable de détruire entièrement le Collectif. Il était basé sur une forme géométrique qu'il était impossible d'interpréter quelle que soit la perspective."
Ca me semble familier. "Et alors qu'est-il arrivé ?"
"Ca a marché. Le Collectif a été rayé de la carte, partout."
"Alors qui..."
"Excepté les drones de l'Unimatrice Zéro."
C'était la dernière pièce. "Bien sûr ! Nous les avions déconnectés de l'Esprit de la Ruche, ils n'avaient aucun risque d'attraper le virus !"
"Exactement. De plus, la plupart d'entre eux avaient utilisé le même truc que Korok, explicitement, le téléchargement du virus de l'individualité au coeur de leurs cubes, libérant tous les autres drones des autres cubes."
"Alors en comptant le nombre de drones présents dans l'Unimatrice Zéro, des centaines de vaisseaux ont dû survivre."
"Des milliers. L'estimation de Starfleet fait état de 14600, estimation classée secrète. Rien à voir avec la taille originelle du Collectif, mais encore bien au-delà de tout ce dont même le Dominion aurait pu s'occuper."
"Mais pourquoi la guerre civile ?"
"Cette partie est très mal définie. Starfleet n'en a aucune idée, mais j'ai une théorie. Pensez-y, Chakotay, tant de pouvoirs dans les mains d'individus. Ils n'avaient pas à payer le prix de l'assimilation tant qu'ils étaient Borgs. Mais maintenant, ne pensez-vous pas que cela ait pu tenter quelques-uns des anciens drones ? Peut-être suffisamment pour fonder une faction en faveur de l'utilisation de ce pouvoir pour mettre à exécution un agenda 'Borg' de pacification ?"
"C'est possible. Alors qui irait les combattre ?" Chakotay répondit lui-même à sa question. "Axum. C'était ce qui se rapprochait le plus d'un leader, et nous savons qu'il n'était pas le genre de personne à succomber à cette tentation."
"C'est ma meilleure idée. Si les camps s'équilibrent à peu près, cette guerre pourrait durer longtemps. Et souvenez-vous, elle se passe en vitesse de transdistorsion. Trouver son adversaire représente la moitié de la bataille, et cela signifie que les combats surgiront sur une échelle de distance gigantesque."
"Aussi large que les frontières de la Fédération."
"Peut-être plus encore... nous n'en savons rien. Mais quoi qu'il se passe, vous pouvez être sûr que cela effraye Starfleet au plus haut point. Certains Amiraux tentent de contenir la panique, d'autres essayent de mettre au point un plan de bataille, d'autres essayent de trouver quelqu'un à blâmer. Et je suis leur bouc émissaire."
"Mais pourquoi ? C'est grâce à vous que le Collectif Borg dans son ensemble n'est plus une menace !"
"Mais c'est aussi à cause de moi que ces Borgs ont survécu. C'est moi qui les ait libéré. De plus, j'ai commis beaucoup d'actions répréhensibles dans le Quadrant Delta. Je n'en regrette pas une seule, et aucune prise séparément ne serait suffisante pour m'exposer à ce genre d'attaque, mais ils vont utiliser toutes les armes possibles pour me punir de cette offense. Et cela signifie qu'ils vont déterrer tout ce qu'il y a dans mes rapports."
"Pensez-vous que vous allez gagner ?"
Janeway soupira. "Dieu seul le sait."
"Je vous aiderai. Je connaissais un avocat à l'Académie qui..."
"Non. Vous ne pouvez pas vous impliquer. C'est encore secret. Je voulais juste que vous sachiez ce qui va arriver. Dites-le aux officiers supérieurs, mais assurez-vous que personne d'autre n'entende parler de ça."
"Ils vont se faire du souci pour vous, Catherine."
Janeway sourit tristement. "Ils vont avoir à se soucier d'eux-mêmes dans les prochaines semaines. Je doute que leurs comptes-rendus de mission se passent facilement. Tout d'abord parce qu'ils seront conduits par l'Amiral Warhol, la tête du Groupe des Enquêtes Internes, et accessoirement de cette chasse aux sorcières contre moi."
Chakotay tressaillit. "J'en parlerai à Tuvok. Son compte-rendu a déjà commencé."
"Il est rapide !" Janeway poussa Chakotay vers le plot de téléportation. "Il est temps, nous devons vous faire sortir d'ici." Avec réticence, le Premier Officier monta sur le plot. "Bonne chance, Catherine", dit-il.
Elle lui sourit. "A vous aussi." Les paroles résonnaient encore dans sa tête alors qu'il se rematérialisait dans San Fransisco.
 
***
 
Janeway regarda Chakotay disparaître, puis programma le téléporteur pour la renvoyer aux quartiers dans lesquels elle avait été consignée. Quelques instants plus tard, son chronomètre de poignet bipa, signal que le réseau de détecteurs était à nouveau en fonction. L'Amiral Paris et elle avaient seulement été capables d'arranger un arrêt temporaire du réseau. Le temps avait été leur principal souci.
En temps normal, Janeway préférait ne pas avoir aussi peu de marge. Mais il ne s'agissait pas de circonstances normales.
Et voilà, pensa-t-elle. Toutes ces années dans le Quadrant Delta... toutes ces batailles, toutes ces décisions, toutes les tactiques de dernière minute, toutes ces règles... voici venu le temps de répondre de tout cela. C'est le jour du jugement.
Janeway essaya de se rappeler qu'elle n'avait aucun regret à avoir. J'ai tenu ma promesse. J'ai ramené mon équipage à la maison. Mais les mots semblaient moins convaincant que jamais. Janeway commença à se demander si elle s'était réellement attendue à accomplir sa mission. Ramener l'équipage sur Terre n'avait jamais été remis en question par elle, mais s'était-elle vraiment vue revenir avec eux ? Ou s'était-elle attendue à payer de sa vie le retour à la maison du Voyager ?
Dans un sens, c'était cela, réfléchit-elle. Cette pensée la mettait mal à l'aise. En y repensant, l'Amirale Janeway avait été presque plus avide de se sacrifier, et le Capitaine Janeway avait été trop désireuse de la laisser faire. Tout cela était rationnel, certainement. Ramener le Voyager à la maison plus tôt avait sans aucun doute sauvé des vies, et les deux Janeway auraient été dans une position très difficile si le vaisseau était resté dans le Quadrant Delta. Mais qu'était-ce comparé à la perte assurée d'une vie humaine ? Eprouvait-elle une sorte de syndrome du martyr ?
Et bien, dans ce cas, elle allait avoir ce qu'elle voulait. Grâce aux agissements de cet Amiral Warhol, sa cour martiale avait été accélérée et serait probablement conduite par d'autres personnes hostiles à son égard. L'ironie, c'était que Warhol lui-même n'avait plus besoin d'être personnellement impliqué. Il n'aurait même pas à être présent au procès. Il avait juste eu besoin de faire basculer le premier domino. Désormais, il pouvait regarder les suivants tomber.
Elle avait eu besoin de voir Chakotay, et elle l'avait fait. Maintenant, elle n'avait plus rien d'autre à faire. Avec un soupir de frustration, Janeway alla se coucher. Demain, la journée serait longue.
 
***
 
Les gardes aux visages de pierre la conduisirent silencieusement à travers les couloirs. Quand ils atteignirent la salle de cour martiale, l'Amiral Warhol attendant debout, dehors. Il la dévisagea, le regard plus froid encore que la pierre, et elle se sentit glacée sur place. Quelques instants se passèrent, puis Warhol lui fit un sourire en coin en signe de victoire. Son regard la suivit et la glaça, tandis que les gardes la faisaient entrer.
Souviens-toi, se disait-elle tandis qu'ils la faisaient s'installer dans son siège, tu n'es pas coupable. Cela n'a pas réellement à voir avec toi. Les paroles étaient sans consistance dans sa tête, mais elle fit de son mieux pour les croire. Il le fallait.
"Que tout le monde se lève", annonça le garde. A l'avant de la salle du tribunal, le juge Général Phillippa Louvois entra et marcha lentement jusqu'au banc. C'était le juge le plus expérimenté de Starfleet, et elle savait que Louvois était sa meilleure chance d'avoir un procès équitable. Mais alors, le juge se retourna, et le regard froid de Warhol se changea en un regard brûlant de profonde colère. Que se passait-il ? pensa-t-elle, paniquant mentalement. Avait-elle également versé dans cette chasse aux sorcières ? N'ais-je aucun allié du tout ?
Elle se tourna pour regarder le public. L'Amiral Paris était là mais évitait son regard. L'Amiral Hayes lui lançait un regard sévère. Et... était-ce Tuvok derrière lui ? Accompagné de Chakotay et de Seven ? Pourquoi la regardaient-ils ainsi ? Je suis seule...
Janeway se réveilla en sursaut. Encore le même rêve... trois fois en une nuit. Ce n'était pas étonnant et il n'était pas difficile à comprendre, bien sûr, mais la répétition lui rappelait la rencontre désagréable avec les Inryeths. et lui faisait aussi se demander quelle était la part de la prémonition là-dedans... et de l'avertissement. Ses réflexes scientifiques lui faisaient rejeter immédiatement cette notion, mais quelque chose à propos de cela l'inquiétait profondément.
Elle se recoucha sur le dos. Peut-être pourrait-elle trouver un peu le sommeil avant que le jour ne se lève...
 
***
 
Epilogue
"Comme l'Amiral Quinn l'a annoncé plus tôt aujourd'hui, le réseau MIDAS, le révolutionnaire système de communications à longue distance de Starfleet, a été détruit. Jusqu'à présent, personne n'a revendiqué la responsabilité de cette action, mais le réseau a réussi à enregistrer une dernière image avant d'être détruit."
La séquence montrée plus tôt réapparut. L'octaèdre de Axum frémissait sous le coup d'innombrables torpilles et rayons mortels. Finalement, il fonça droit sur la 'caméra', occultant la vue tandis que le réseau MIDAS vivait ses dernières secondes.
La présentatrice des infos Suellen Bartlett réapparut à l'écran, la mine sinistre. "Bien qu'il n'y ait pas encore de preuve directe pour supporter une quelconque théorie sur cette attaque, les séquences semblent impliquer les Borgs. Si tel est le cas, cet incident serait le septième combat de Borgs détecté par la Fédération dans les deux derniers mois."
Le visage de Bartlett s'éclaira quelque peu. "Terminons sur une note plus heureuse. Aujourd'hui, après presque huit ans éloigné de son foyer, le vaisseau U.S.S. Voyager est rentré sur Terre. Depuis leur première communication venant du Quadrant Delta à la date stellaire 51501.4, le Voyager et son équipage ont captivé la Fédération entière avec l'histoire de leur courage et de leur détermination. Le Capitaine Catherine Janeway, à la tête de ce voyage historique, n'est pas disponible pour le moment... de même que les autres officiers de la passerelle..." Bartlett sembla soudain prendre un ton beaucoup plus ennuyé "...mais nous avons obtenu quelques mots de Marie Kim, la mère de l'officier des opérations du vaisseau." La présentatrice souriait toujours, mais ceux qui étaient familiers de ses émissions se rendaient facilement compte comme elle était frustrée du niveau de ses invités.
"Bonjour, tout le monde. Mon fils et ses amis ont enduré un très long voyage..."
L'écran devint blanc tandis que l'homme qui regardait en avait assez des informations de la Fédération. Il décida à la place de repasser une séquence audio qu'il avait enregistrée plus tôt.
"Alerte ! Alerte ! Vaisseau Zéro-Zéro-Zéro sous attaque massive ! Nos armes ne fonctionnent pas ! Nous avons besoin de renfort IMMEDIATEMENT !" Le vaisseau Zéro-Zéro-Zéro... le navire le plus important de sa flotte. Avec un passager des plus importants.
"Nous avons subi des dommages sur soixante-quatorze pourcents de la coque externe. Nos alcôves de régénération ne fonctionnent plus. Nous avons perdu 459 drones. Nous ne pourrons pas survivre à un autre assaut !" L'homme écoutait avec un plaisir de plus en plus grand. "Un seul de nos conduits de transdistorsion fonctionne encore ! Nous ne pouvons pas nous échapper ! Les Cubes ennemis tentent de nous attirer dans le relais de communication de la Fédération du secteur. S'ils y parviennent, il sera détruit !" Perspicace, pensa l'auditeur.
"A tous les drones, regroupez-vous au point de grille Un-Quatre-Quatre-Sept !" Un message codé, naturellement. Axum savait que d'autres détecteraient le message. De même, il parlait rarement de son peuple en les appelant des drones, même sous ce genre de pression. "Quoi qu'il arrive, le Constructif doit être stoppé ! Continuez le combat si je ne survis pas ! Annika ! Je t'aime !"
La séquence audio se termina. Avec un sentiment de profonde satisfaction, son auditeur marcha jusqu'à la baie d'observation et regarda les couleurs mouvantes du conduit de transdistorsion.
L'homme savait qui était Annika, mais ce genre de chose importait peu pour lui. Ce qui importait était le pouvoir. Ce qui importait était l'expansion. La revanche n'était qu'un moyen d'y accéder, mais du genre qu'il savourait particulièrement. Aujourd'hui, il avait pris sa revanche sur son plus grand ennemi, l'individu qui lui avait fait plus de mal que n'importe qui d'autre. Par cet acte, il avait écarté l'un des derniers obstacles entre lui et le contrôle absolu. Les autres, Korok, Pavriqur, le Complexe, tomberaient bientôt. Rien ne pouvait plus le retenir désormais.
Il n'était qu'un homme seul dans un seul cube dans une seule flotte d'une seule légion... mais il ne se sentait pas insignifiant. Pas un seul instant.
 
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Ecrit par: Zeke
version française: Laurent
Producteurs: Thinkey, Anne Rose et Coral

 

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