Star Trek Voyager
La saison 8 virtuelle
8.21 Nous vaincrons
Dernière mise à jour :24 juin 2002
Retour a la page d'accueil
Retour à la page d'accueil

.. 8.21 couverture 'NOUS VAINCRONS'
Retour aux autres épisodes de la saison 8
 
8.21 NOUS VAINCRONS
Episode précédent    Version Texte    Version originale    Episode suivant
.. Episode 8.21 - NOUS VAINCRONS
Par: Ventura33 (mevans@gemair.com)
Version française: André D. (andduret@hotmail.com)

Note: Star Trek: Voyager, personnages et autres produits dérivés sont des marques déposées de Paramount Pictures. Aucune infraction aux droits d'auteurs de Paramount voulue. La Saison 8 virtuelle de Voyager (Voyager Virtual Season 8, VS8) est une entreprise à but non lucrative. L'histoire est propriété de son auteur. Pas de reproduction sans sa permission.

"Le futur des droits des hologrammes se retrouve dans la balance quand le Docteur jongle pour faire entendre sa voix."
 
Le petit restaurant de San Francisco avait une ambiance brillante et joyeuse, décoré de couleurs et de dessins criards. La cohue du déjeuner commençait à s'assembler.
Debout devant un isoloir d'un jaune brillant, Tom Paris s'efforçait vaillamment d'attacher sa fille Miral se tortillant sur la chaise haute. Le regard orageux sur le visage de Miral montrait clairement ce qu'elle en pensait. Finalement Tom accomplit sa mission, pensant durant un instant que piloter le Delta Flyer sous le feu de l'ennemi était une balade en comparaison.
"Donne", déclara Miral à voix haute, pointant un doigt potelé vers un bol contenant une variété de craquelins, et mettant tous ses efforts à se contorsionner pour les atteindre.
"Le mot favori de sa Haute Majesté", observa B'Elanna, enlevant pour le bébé l'emballage d'un craquelin multi-grain.
"Au moins, elle n'a pas un faible pour les jurons Klingons."
"Tu sauras, monsieur, que je surveille de très près mon langage quand je suis près d'elle. Et en plus..."
Tom fut très reconnaissant que la serveuse apporte leurs salades, distrayant son épouse de ce qu'elle s'apprêtait à dire. La serveuse était une grande blonde avec une queue de cheval lui descendant à la taille. Elle était vêtue d'un gilet très moulant et d'une minijupe ajustée.
"Tenue vestimentaire intéressante", remarqua B'Elanna.
"Le Groovy Sunshine Café est un monument à l'histoire", expliqua Tom. "Il a toujours été en opération depuis les années 1960, sous un nom ou sous un autre. Cette région de San Francisco, le district Haight-Ashbury, était le centre de la culture des enfants des fleurs, et c'est comme cela qu'ils s'habillaient."
"Les quoi ?" B'Elanna leva les yeux de sa fourchette pleine de laitue et de concombre. "Tom, ne laisse pas Miral manger cette marguerite... Elle est à moitié sortie de sa chaise."
Tom intercepta celle qui s'apprêtait à devenir une fugitive et l'attacha une fois de plus sur la chaise, réduisant au silence un hurlement d'indignation à l'aide d'un craquelin à la graine de sésame.
"Elle est bien partie pour faire une carrière comme spécialiste de l'évasion quand elle grandira." Tom prit une autre bouchée de sa salade avant de poursuivre. "Les enfants des fleurs, ou hippies, étaient de jeunes gens protestant contre ce qu'ils voyaient comme une culture et un gouvernement répressif. Ils portaient des fleurs et des vêtements aux couleurs criardes, laissaient pousser leurs cheveux, et ils marchaient souvent dans les rues en chantant des chansons de protestations."
B'Elanna jeta un regard vers une fenêtre surplombant la rue de laquelle les bruits d'une agitation inhabituelle s'entendaient clairement. "Tu veux dire, comme ça ?"
En suivant son regard, Tom tomba presque de sa chaise d'étonnement. Une foule immense, d'au moins cinq mille personnes, remplissait la rue aussi loin qu'il pouvait voir. Longs cheveux, barbes, jeans en lambeau, colliers d'amour. Au début, il pensa que c'était une sorte de festival de reconstitution historique, jusqu'à ce qu'il remarque ce qui était inscrit sur les gilets et sur les pancartes de protestations des marcheurs. Tous arboraient des messages comme "Droits Holographiques" et "Libération Photonique". Avec des émetteurs holographiques portables aux bras se confondant bien avec leurs bracelets criards et autres bijoux.
De leurs voix s'élevaient une chanson. "Nous vaincrons..."
Une seule chose leur manquait, pensa Tom tout en se frottant les yeux d'incrédulité, c'était une ou deux fourgonnettes VW couvertes de fleurs. Dommage qu'on ne pouvait plus rouler avec des véhicules motorisés dans San Francisco.
 
*****
 
Reg Barclay était dans l'un de ces jours à s'arracher les cheveux.
Et malheureusement, le peu de cheveux qui lui restaient, lesquels malgré tous ses efforts refusaient obstinément de rester peignés au-dessus de la partie déjà chauve, étaient devenus le cadet de ses soucis. Un amiral irrité avait fait une apparition des plus malvenues sur son écran de communication à quatre heures du matin, heure de la Station Jupiter, pour l'informer qu'un certain Hologramme Médical d'Urgence bien connu avait fait paraître publiquement les spécifications complètes permettant la réplication de l'émetteur holographique portable. Spécifications qui avaient pris à Reg, en travaillant de près avec Zimmerman, un temps considérable à développer sous le strict secret militaire. Apparemment, l'HMU se moquait éperdument de ce que pensait le Commandement de Starfleet.
Reg prenait conscience des implications, à commençer par le fait que cela le rendait directement responsable de livraison aux ennemis de la Fédération d'une capacité illimitée à créer instantanément des armés holographiques. Il voyait déjà sa carrière fondre comme neige au soleil, ou même sublimer, encore plus rapidement, dans le vide de l'espace.
Il fixa la silhouette en robe et scandales de l'HMU qui se déplaçait sur le plancher du laboratoire en arborant une sereine dignité, dans une personnification très crédible de Mahatma Gandhi.
"Est-ce que votre programmation a la capacité de comprendre la signification des mots TOP SECRET ?"
"Oui, elle en est capable", lança un Zimmerman plutôt grommelant, paraissant encore plus acerbe qu'à l'habitude en fixant les profondeurs de sa troisième gigantesque tasse de café. "Tous mes hologrammes sont programmés avec le code complet des ordonnances et réglementations de Starfleet, continuellement remise à jour, bien sûr. De plus, quand nous avons fait des tests sur son émetteur mobile la semaine dernière, il n'était pas du tout supposé avoir accès aux données du projet. Je ne me serais jamais attendu à ce qu'il s'infiltre comme cela dans ces données."
Le regard de l'HMU passa doucement d'un ingénieur à l'autre. Reg pouvait entendre ses colliers s'entre-choquer. "Gentlemen, je suis un être intelligent capable de faire des choix moraux. Je suis beaucoup plus que la somme de mes programmations", proclama l'HMU.
'Super', pensa Reg, 'exactement ce dont la Fédération n'avait pas besoin... La désobéissance civile holographique. Une déclaration photonique d'indépendance. Et mon précieux postérieur juste au milieu de tout cela. Oh, quelle joie.'
"Ne vous est-il jamais passé par la tête que l'utilisation militaire potentielle de cette technologie pouvait mettre en danger la Fédération ?" Demanda Reg.
Les longues manches décorées flottaient tandis de l'HMU levait ses mains dans un grand geste, comme s'il avait l'intention d'offrir une bénédiction sur une populace ignorante. "L'histoire nous montre que la liberté ne doit pas être sacrifiée pour la sécurité. Dans la Fédération, jusqu'à ce jour, des milliards d'hologrammes existaient, n'étant rien de plus que des ouvriers captifs, emprisonnés dans les limites des usines, des laboratoires, et des programmes holographiques. J'ai libéré ces masses oppressées en rendant possible pour eux de répliquer l'émetteur holographique portable. Un égard convenable de leurs droits civils ne demandait rien de moins."
Reg, muet de frustration, se passa les doigts dans ses cheveux rebelles et soupira tandis que plusieurs mèches se détachèrent.
"En hippies ? Est-ce vous qui les avez habillés en hippies ?"
"Je n'ai contrôlé leur attitude en aucune manière", le corrigea immédiatement l'HMU. "J'ai simplement laissé les spécifications dans leur émetteur portable, permettant aux événements de prendre leur cours naturel. C'est parce que les Quartiers Généraux de Starfleet sont situés à San Francisco, de même que le siège du gouvernement de la Fédération, que les hologrammes ont choisi les images de protestations les plus significatives de l'histoire de cette ville."
"Il a été comme ça toute la matinée." Zimmerman leva tristement le regard d'une console clignotante et prit une gorgée de café. "Les pontes du Commandement de Starfleet veulent que j'identifie le mauvais fonctionnement et que je le désactive définitivement. Après tout, il est officiellement la propriété de Starfleet, et mettre fin à son programme sembler être une réponse logique à ce manquement à la sécurité. Mais j'ai aussi reçu des milliers de messages provenant de citoyens se sentant concernés par le problème, de nombreux groupes de libertés civiles, et même de quelques membres du Conseil de la Fédération, insistant pour que nous le traitions avec le même respect que nous accordons à tout autre forme de vie intelligente."
Reg prit une profonde respiration et tenta de discipliner le bégaiement qu'il sentait revenir. "Le dé-dé-désactiver ? Mais vous ne pouvez pas ! Bien sûr, il est vrai que Starfleet a toute autorité légale, mais cela ne serait pas correct." Sentant qu'il commençait à bafouiller, Reg se tut, souhaitant ardemment que tout ce dilemme disparaisse comme par magie. Après tout, il était un ingénieur pragmatique qui avait choisi une vie tranquille dans l'espace. Ce n'était pas un philosophe. Un hologramme avec une conscience sociale ne faisait définitivement pas partie de son domaine de compétence.
"Pour le moment, je vais suivre les ordres." Zimmerman se leva de sa chaise, ignorant les signaux clignotant annonçant l'arrivé de nouveaux messages. "J'ai commencé un programme de diagnostic afin de tenter d'identifier la faille, s'il y en a une, dans les sous-programmes du HMU. S'il advient que je ne trouve pas d'erreur, je commencerai un diagnostic plus complexe, et ainsi de suite. Peut-être que dans l'intervalle, nos dirigeants sans peur découvriront à quel endroit ils ont laissé leur cerveau collectif. Et au fait, si nous recevons des appels plus urgents venant d'amiraux mécontents, je ne suis pas là. Ils sont tous pour vous."
'Oh, quelle joie', pensa à nouveau Reg.
 
*****
 
Une musique de piano fit soudainement écho dans le couloir du dortoir de l'Académie de Starfleet au moment où Icheb, revenant d'une session d'après-midi en labo de circuits, approchait de sa chambre. Une musique de danse, d'origine Terrienne, une variété connue sous le nom de polka. Accédant à ses données mentales sur le sujet, Icheb identifia rapidement la chanson comme la Polka des Barils de Bière, une de celles à la mode en Europe dans certains festivals traditionnels de récoltes, et bien sûr, tout à fait inadéquate dans l'Académie. Ses compagnons de classe seraient plus avisés de se concentrer sur leurs études au lieu de se consacrer à ces divertissements inutiles, pensait Icheb.
Plusieurs cadets au bout du couloir commencèrent à chanter, avec plus d'enthousiasme que de talent musical. "Roulez le Baril..."
Juste au moment où Icheb atteignit le clavier de sa porte, l'arroseur d'incendie au-dessus de lui s'activa soudainement, l'arrosant d'une substance qui n'avait rien à voir avec de l'eau. Ni avec aucun autre type d'agent d'extinction du feu. Les cadets qui le surveillaient s'esclaffèrent bruyamment tandis qu'une odeur de bière montait dans le couloir. Icheb, son uniforme ruisselant, entra dans sa chambre sous les sarcasmes de ses compagnons de classes.
"Il vaudrait mieux te sécher avant de rouiller !"
Même après que la porte fut fermée, il pouvait toujours entendre les rires qui persistaient.
Déposant son uniforme détrempé au recyclage, Icheb prit une douche, pensant qu'au moins cette frasque n'avait pas été aussi salissante que celle de la semaine dernière. Celle-là avait consisté en des restes de légumes Klingons ressemblant de la choucroute avec plusieurs malheureux tribbles, lesquels s'étaient intoxiqués en les consommant. Il soupçonnait son compagnon de chambre d'avoir délibérément prit part à leur mise en place au-dessus de son alcôve de régénération. Néanmoins, étant donné que les récepteurs olfactifs Borgs pouvaient s'ajuster pour bloquer les odeurs non désirées, Icheb s'était dit que son compagnon de chambre avait récolté des pires effets des estomacs retournés des pauvres tribbles.
Il réfléchit à ce qu'il lui serait possible de faire en réponse à cette histoire. Harceler et harasser, surtout en ce qui concerait les différences raciales et ethniques, était formellement interdit à l'Académie de Starfleet. En rapportant ces incidents, il pouvait s'attendre à ce qu'ils soient examinés avec la minutie habituelle de Starfleet et que les responsables soient sévèrement punis. Bien sûr, il pouvait aussi s'attendre à ce que ses chances de développer des amitiés normales avec les autres cadets disparaissent entièrement. Sachant que ces frasques n'avaient pas provoqué de dégâts sérieux, la logique indiquait que la meilleure chose à faire était de les ignorer.
En sortant de la douche, Icheb entendit son communicateur biper.
Il enroula une serviette autour de lui et répondit, découvrant le visage de Tuvok sur l'écran. L'officier Vulcain leva légèrement un sourcil dans une apparente surprise de voir l'habillement d'Icheb, ou plutôt son manque d'habillement.
"Si se n'est pas le bon moment, Cadet..."
"Ca va, monsieur. Je sortais de ma douche après une partie de Squash." Icheb fit une pause un instant, puis continua, pensant que s'il devait mentir, il devrait aussi donner quelques détails pour rajouter de l'authenticité. "Mon équipe a gagné."
Le sourcil de Tuvok redescendit lentement. "De telles participations aux activités récréatives de vos compagnons de classe sont louables, Cadet. Je vois que vos performances académiques sont toujours excellentes dans toutes les matières."
"Oui, monsieur." De l'eau lui coula le long du dos. Il n'avait pas eu le temps de s'essuyer les cheveux. Le tapis était trempé sous ses pieds. Bien que Tuvok avait sans nulle doute de bonnes intentions, le Vulcain aurait pu certainement choisir un meilleur moment pour jouer son rôle de mentor.
Icheb se demanda brièvement si Tuvok pourrait le conseiller sur la meilleure manière de régler les problèmes qu'il subissait. Après tout, Tuvok avait été un cadet, il y a des années, quand les Vulcains dans Starfleet étaient encore une chose rare. Peut-être avait-il été la cible d'harassement similaire. Malheureusement, il n'était pas possible de poser une telle question sans le mettre au courant de la situation présente, et une enquête menée par des officiers bien intentionnés ne ferait que provoquer plus de problèmes.
"Alliez-vous dire quelque chose d'autre, Icheb ?"
"Non, monsieur. J'aimerais seulement y aller et m'habiller, monsieur, si cela ne vous dérange pas."
 
*****
 
Le bruit de la porte de l'appartement se refermant violemment et d'un lourd objet volant s'écrasant contre le mur avertit Tom que l'entretien de son épouse ne s'était pas bien passé.
"B'Elanna, tu vas réveiller le..."
Un hurlement à fendre l'oreille venant de derrière la porte de la chambre d'enfant annonça clairement qu'il n'avait pas besoin de terminer la phrase.
"Un commentaire sur mon manque de talent comme parent, pilote ?" Rugit B'Elanna, ses yeux sombres de Klingonne reflétant le meurtre.
De derrière l'autre porte, le hurlement de Miral augmenta de plusieurs crans.
Tout homme sensé serait sorti de l'appartement en vitesse, pensa Tom. Ce qui confirmait seulement ce que ses anciens collègues membres d'équipages avaient toujours soupçonné sur sa santé mentale.
Il éteignit le vieux film de monstre qu'il regardait, posa son bol de pop-corn et tenta de réconforter son épouse hors d'elle. "Il y aura d'autres projets."
B'Elanna frappa si violemment le mur avec son poing qu'elle y laissa une marque. Tom pouvait voir de sombres ecchymoses se former sur ses jointures. "Non, il n'y en aura pas d'autre. Pas avec Starfleet. Pas pour moi. Je suis une traîtresse du Maquis en qui en ne peut avoir confiance pour aucun projet classé secret, tu te rappelles ? Sans oublier aussi une lâcheuse. Sans le diplôme universitaire, je suis à peine qualifiée pour laver le plancher d'un complexe de recherche de Starfleet. Oh, la personne qui m'a fait passer l'entretien l'a exprimé d'une manière un peu plus polie, mais elle m'a clairement fait comprendre par ses sous-entendus qu'elle pensait que je lui faisais perdre son temps."
"Il y a du travail en abondance dans l'industrie privée", proposa Tom.
Bien que cette fois, B'Elanna ne frappa rien, sa grimace lui montra clairement se qu'elle pensait de sa suggestion.
"A faire quoi ? Contrôler la qualité de pièces de navires cargos ? Tom, nous savons tous les deux que j'en mourrais d'ennuie. C'est injuste ! Toutes ces années comme chef ingénieur à bord du Voyager, à garder le vaisseau en un seul morceau d'une crise à une autre, et maintenant Starfleet trouve que je ne suis pas plus utilisable que les poubelles d'hier." B'Elanna se laissa tomber sur le sofa et rugit dans le coussin. "Je souhaiterais que le Voyager ne soit jamais retourné sur Terre."
Tom fit un pas vers son corps recroquevillé avec l'intention de lui dire qu'elle ne le pensait pas vraiment. Bien sûr, après tout ce qui était arrivé depuis leur retour, elle avait des raisons parfaitement rationnelles de penser qu'ils avaient été plus heureux dans le Quadrant Delta. Il n'était pas entièrement convaincu lui-même du contraire.
Il décida, après mûre réflection sur leur retour moins que joyeux, qu'il valait mieux ne rien répondre à la remarque de B'Elanna. "Et si tu me laissais regarder les ecchymoses de ta main ?"
Elle ne se donna même pas la peine de le regarder en lui marmonnant sa réponde tout en tournant la tête d'un coup sec en direction du bruit colossal qui venait de la chambre d'enfant. "Tu ferais mieux d'aller t'occuper de Miral."
 
*****
 
Zimmerman était assis à son bureau et surfait sur les canaux de nouvelles tout en mangeant un sandwich au salami, mais ne trouvait rien d'autre que des images d'hologrammes rebelles et de leurs marches dans les rues, excepté sur les canaux qui débitaient des analyses politiques prétentieuses sur les ramifications de l'étendue des protestations photoniques. Il n'y avait pas en ce moment une seule planète dans la Fédération qui n'avait pas été affectée, même sur la vieille Vulcain rassie, qui n'avait pas vu de protestation publique depuis un millénaire et qui continuait probablement à renforcer sa somnolence nationale en bannissant quiconque riait trop fort.
Les images holographiques de hippies Vulcains marchant à travers le sable du désert avec leurs scandales auraient été suffisantes pour que Zimmerman puisse rire à en avoir des crampes d'estomacs, si le futur de ce qu'il concevait au plus profound de lui-même comme une nouvelle espèce n'était pas impliqué. Une nouvelle espèce dans laquelle lui, personnellement, avait joué au rôle majeur de créateur. Pas de doute, pour le créateur holographique au talent sans pareil qu'il était, c'était ce qui le rapprochait le plus d'un dieu.
Il se laissait aller à un rêve plaisant, imaginant les temples que les générations futures d'hologrammes bâtiraient en son honneur, mais fut rudement interrompu quand Reg Barclay s'installa près de lui, baissant la tête sur l'image d'une autre marche de protestation. Celle-ci, contrairement aux autres, consistait en une foule d'humains vociférant habillés normalement à l'extérieur de l'édifice du Conseil de la Fédération.
"Ils ont ramassé des millions de signatures sur une pétition demandant l'arrêt immédiat de l'utilisation de tout hologramme et la destruction complète de leurs programmes. J'en ai vu d'autres plus tôt", l'informa Reg. "Depuis qu'ils ont découvert que le Conseil de la Fédération a invité l'HMU à parler à leur prochaine réunion, ils ont manifesté continuellement. Nous avons un tas de citoyens nerveux là-bas qui ont peur que les hologrammes deviennent violents."
"Bouffons ignorants." Dégoûté, il ferma le canal des nouvelles. Zimmerman retourna au programme sur lequel il travaillait avant la pause du déjeuner. La logique, les mots précis d'un ensemble de données et des appels de fonctions avaient toujours eu plus de sens que les procédés chaotiques de la pensée de cerveaux primitifs humanoïdes. Oui, il aurait certainement fait un bien meilleur travail à concevoir les espèces dominantes s'il avait été le Tout-Puissant.
Le glissement de la porte annonça l'arrivée de l'HMU dans la salle.
Cette fois, le modèle du médecin n'était pas Gandhi, comme le montrait sa tenue de moine médiéval. Bien que Zimmerman ait très peu d'intérêt pour le symbolisme religieux, il admit que cela créait une bonne atmosphère théâtrale. Mais il s'y attendait. Après tout, il avait créé l'HMU à son image.
Reg, qui donnait l'impression de marcher dans une décharge publique en évitant de respirer, paraissait beaucoup moins impressionné. Certaines personnes n'ont tout simplement pas la capacité d'apprécier l'inspiration artistique, pensa Zimmerman.
Prenant la pose d'un dramaturge au centre de la pièce, l'HMU déclara magnanimement, "Vous avez la chance d'être les témoins d'un moment historique... Le moment où je prépare mon discours pour le Conseil de la Fédération. Nous sommes à un tournant dans les relations entre organiques et photoniques."
Pour quelque raison que ce soit, Reg, tout en lançant un regard vers la porte, ne semblait pas beaucoup apprécier ce moment historique.
"Nous devons apprendre à nous serrer les coudes comme les enfants du même Créateur, que les éléments exécutables soient dans notre ADN ou compilés dans une machine", déclara l'HMU. "Les organiques et les photoniques devront apprendre à aller les uns vers les autres."
Reg termina rapidement son repas et mit son plateau au recyclage. Zimmerman remarqua qu'il avait choisit de s'asseoir de l'autre côté de la salle, près de la sortie.
"J'ai fait un rêve", poursuivit l'HMU, "qu'un jour nous ne serons pas jugés par la composition de nos éléments mais par le contenu de nos programmes."
Il leva ses mains et afficha un sourire béa pour son audience avant de continuer. "Bien qu'il semble y avoir une grande montagne à déplacer, si nous avons la foi..."
Faisant une pause, l'HMU lança un regard plus au moins bienveillant sur Reg, qui se dirigeait lentement vers la porte.
"Désolé", dit Reg en avalant. "Je, euh, j'ai besoin d'eau, il y avait de la moutarde forte."
Barbare maladroit, pensa Zimmerman.
 
*****
 
Bien qu'il ne put pas voir l'océan des fenêtres son appartement, Tom avait une belle vue du parc publique au loin, où la verdure ne cachait ni B'Elanna ni la poussette qu'elle faisait avancer le long d'un trottoir. Il avait refusé son invitation de l'accompagner pour prendre de l'exercice, en dépit d'une observation pointilleuse sur le fait que, avec son penchant pour les casses-croûte et les vieux films, il était bien parti pour devenir une grosse patate douce de divan.
Il regarda nerveusement par la fenêtre en activant le système de communication. B'Elanna ne serait pas de retour avant longtemps. Il n'y avait pas de raison de s'inquiéter qu'elle entende. Non, c'était l'autre personne dans cette conversation qui le rendait nerveux, même avant qu'il ne dise un mot. C'est comique, songea Tom. Il avait voyagé sur des distances inimaginables tout en faisant face aux menaces des Kazons, des Vidiiens, des Borgs et des Sernaix, mais tout cela ne l'avait pas rendu aussi nerveux que la simple idée de parler avec son père.
Le visage de l'amiral apparut à l'écran, son allure semblant tout à fait calme et professionnelle. S'il se sentait en aucune manière mal à l'aise, il ne le montrait absolument pas.
Pas de problème. C'est juste un appel en passant, pensa Tom, envieux de ceux qui avaient des relations familières et simples avec leur père. Même si le ton de leurs conversations s'était amélioré depuis le retour du Voyager, nul ne bavardait avec l'Amiral Owen Paris simplement pour le plaisir de le faire.
"Monsieur, je vous appelle pour vous demander une faveur". Tom s'arrêta, pour ne pas perdre son calme. "Pas pour moi, je sais que je n'ai pas le droit de vous demander de tirer les ficelles pour moi après l'embarras que je vous ai causé, mais pour B'Elanna. Vous ne savez probablement pas à quel point elle désire travailler sur le nouveau prototype de vaisseau. Elle a été l'une des meilleures ingénieurs de Starfleet ces huit dernières années. Sans elle, l'équipage entier du Voyager serait mort depuis longtemps. Elle ne devrait pas être disqualifiée en raison de son passé douteux."
Tom fit une pause pour reprendre son souffle, conscient que le ton de sa voix était haut et constant. Il se sentait à nouveau comme un jeune garçon dont les efforts enfantins n'arriveraient jamais à recevoir l'approbation ou même à gagner l'attention d'un père trop préoccupé. Il ne serait pas surpris que l'amiral lui ordonne d'aller ranger sa chambre.
"Je suppose que son activité criminelle avec un gang de terroristes du Maquis peut être décrit comme passé douteux", dit Owen Paris d'un ton sec qui grinça aux oreilles de Tom. "Depuis la Guerre du Dominion, nous avons été témoins d'une hausse de créativité dans les explications d'actions douteuses. Heureusement pour les Maquisards de l'équipage du Voyager, les considérations politiques et pratiques ont suggérer que nous passions outre sur ces affaires. Si B'Elanna avait eu les qualifications académiques nécessaires, elle aurait été retenue pour le poste, mais comme vont choses, j'ai bien peur que se soit hors de question."
"B'Elanna en sait bien plus sur le fonctionnement d'un vaisseau stellaire dans la réalité que tous ces fossiles académiques qui passent leurs carrières entières dans un laboratoire", rétorqua Tom. "Est-ce que son expérience ne compte pour rien ?"
L'amiral lui retourna un regard supérieur et Tom se sentit comme un écolier qui aurait parlé avant son tour.
"L'intelligence et la ressource de ton épouse sont indiscutables, Tom. Il n'y a aucun doute qu'elle puisse être une excellente candidate pour plusieurs postes mieux ajustées à ses talents, tel que chef ingénieur dans un vaisseau cargo. Cependant, elle n'est pas qualifiée pour prendre part à un projet de haute priorité dans le développement d'un vaisseau stellaire sans le baguage académique approprié. Ce n'est pas moi qui établit les minimums de qualification, et je ne pourrais pas les contourner pour B'Elanna, même si je le voulais."
Tom regarda ses mains, réalisant que le bout de ses ongles récemment rongés s'enfoncaient dans ses paumes. Il se força à se décontracter afin de se concentrer et trouver une réponse rationnelle.
"Et si elle passait un examen équivalent ? Serait-il possible que l'Académie lui donne un diplôme ?"
A présent, l'expression dominante d'Owen Paris laissait paraître une faible lueur de pitié. "Tom, ça ne peut tout simplement pas être fait. L'Académie de Starfleet n'offre tout simplement pas de diplômes d'équivalences aux personnes avec une expérience pertinente quelconque, comme si un poste d'officier ne signifiait rien de plus que le diplôme d'une école de formation ordinaire."
Tom savait qu'il n'avait pas grand chose à répondre à cela. Il aurait dû savoir que de demander une faveur impossible ne donnerait rien. Tout ce qui lui restait à faire était de s'excuser d'avoir fait perdre son temps à son père, comme il sentait qu'il l'avait fait d'une manière ou d'une autre depuis le jour de sa naissance.
Il prit conscience que son père s'était remit à parler.
"... un programme de maîtrise en ingénierie de vaisseau stellaire, lequel ne demande pas un diplôme pré-requis de l'Académie de Starfleet . En fait, la majorité des étudiants à ce programme sont des civils et il n'est pas rare que les non-humains qui s'y inscrivent aient plus d'expérience pratique que d'accréditations venant de collèges. Après tout, de nombreuses cultures préfèrent l'apprentissage à la forme d'éducation en vigueur sur Terre. B'Elanna ne devrait pas avoir de problème pour être admise à ce programme. Si elle est décidée à poursuivre une carrière dans la conception de vaisseau stellaire, ce serait son meilleur choix."
L'amiral fit une courte pause. "Mais malheureusement, ça ne l'aidera pas pour le projet du prototype. Le comité de sélection se réunira la semaine prochaine pour choisir les derniers membres de l'équipe. Même si B'Elanna pouvait recevoir les programmes en cours accéléré et passer les tests, il est virtuellement impossible qu'elle puisse recevoir le nombre de points suffisants pour se qualifier dans un délai aussi court."
Tom s'aperçut peu à peu que son visage arborait un sourire idiot qu'il ne parvenait pas vraiment à faire disparaître. "Monsieur, vous ne connaissez pas B'Elanna. Elle n'a jamais lâché devant quoi que se soit d'impossible de sa vie."
"Elle me rappelle ta mère." D'une manière inattendue, le ton de la voix du patriarche se fit plus douce. "Tom, as-tu pensé à ta carrière ? L'Académie a un poste d'instructeur de vol disponible, et il y a un manque de candidats qualifiés. Tu pourrais y penser."
Juste le fait d'y penser déconcertait Tom. Enseigner le pilotage à l'Académie, là où il s'était déshonoré en provoquant un accident fatal au temps où il n'était qu'un cadet insouciant ? Là où tous les étudiants sauraient, et sans nul doute se murmureraient les uns aux autres, qu'il avait passé un certain temps en prison après avoir été capturé avec le Maquis ? Quel genre de mauvais modèle serait-il ?
Il bégaya, "Mais ça ne m'intéresse pas... Merci, Monsieur, mais en ce moment, je suis très heureux comme je suis, à rester à la maison pour prendre soin de ma fille. Peut-être plus tard. Euh... Je dois y aller maintenant, B'Elanna sera de retour dans quelques minutes."
Les yeux de son père semblaient le sonder, voir sa lâcheté au fin fond de lui, un froid familier qui n'avait pas changé. Mais au moment où Tom s'apprêtait à couper la communication, ses yeux montrèrent sans honte des larmes, alors qu'il n'avait jamais pleuré. Son père reprit la parole.
"Tom, je ne pense pas que tu ais jamais été un embarras pour moi. Je suis très fier de ce que tu as fait à bord du Voyager. J'estime que tu devais le savoir."
 
*****
 
Une brise fraîche agitait les feuilles des petits buissons devant le complexe résidentiel. Tout en avançant dans l'allée, Tuvok restait persuadé qu'il était illogique de faire une visite sans avoir appelé pour vérifier la présence ou la disponibilité de l'occupant. Cependant, son épouse T'Pel avait insisté sur le fait qu'un grand nombre d'humains aimaient la coutume du 'bonjour en passant'.
Il sonna à la porte et attendit plusieurs secondes avant d'entendre une voix familière dire. "Entrez." La porte s'ouvrit dans un grincement. L'appartement sentait la lessive et la pizza rassis, et le sol était jonché de jouets d'enfants aux couleurs vives.
"Vous pouvez déposer le formulaire sur la table." La voix de Tom venait d'une salle sombre où Tuvok aperçut des images de zombis ensanglantés parcourant un écran. "Je ne suis pas vraiment habillé pour recevoir de la visite en ce moment."
Tuvok regarda son épouse. "Comme vous le voyez, T'Pel, il aurait été préférable d'appeler avant."
"Tuvok ! Oh, désolé." Tom se leva du divan dans lequel il était assis et éteignit le film de zombie. Il portait un short bleu délavé. "Je pensais que c'était ma voisine. Elle est présidente de la Société des Pic-Verts de San Francisco et elle semble très empressée de m'impliquer dans des activités pour la préservation de leur habitat. Je devrais probablement lui dire que je ne suis pas intéressé, mais c'est une dame très gentille, et hier elle a donné à Miral des biscuits qu'elle venait de faire. Enfin bref, faîtes comme chez vous."
Tom tira les rideaux et ouvrit les fenêtres, laissant entrer de l'air dans l'appartement qui en avait définitivement besoin. Il ramassa le linge sale qui était éparpillé sur les meubles et le jeta en une grosse pile dans un coin. "S'il vous plaît, asseyez-vous"
T'Pel, debout sans bouger près de Tuvok, lança un regard dans la cuisine. "ê;tes-vous au courant que votre fille mâche une plante de la maison ?"
Mâcher n'était pas exactement une description adéquate au désastre que Miral avait provoqué dans la cuisine. Elle avait complètement arraché la plante de son pot, étendant la terre sur ses vêtements et sur le plancher de la cuisine, avant de la traîner dans un coin pour poursuivre la mutilation. Tom sauva ce qui restait de la pauvre chose en la replaça dans le pot avec le restant de terre avant de la poser sur une étagère plus élevée.
"Je savais que cette plante n'était pas une bonne idée, mais B'Elanna pensait qu'elle garderait l'appartement attrayant pendant qu'elle serait partie. Au moins elle n'est pas empoisonnée, je m'en suis assuré."
"Comment vous adaptez-vous à l'effort académique de B'Elanna ?" S'enquérit Tuvok, trouvant finalement une chaise avec un minimum de miettes de pop-corn pour s'asseoir, tandis que Tom prenait un morceau de tissu humide pour essuyer les mains et la bouche de Miral avant de la relâcher dans le salon.
"Très bien !" Déclara Tom, tout en nettoyant le plancher de la cuisine. "Tout est absolument parfait ! Je passe des moments magnifiques avec ma famille !"
T'Pel fit une observation. "Il apparaît dans votre voix une touche de ce que je crois être du sarcasme."
"Et bien, il y a une touche de cela quelquefois", admit Tom. "B'Elanna est toujours à étudier ou dans un laboratoire. Je ne la vois presque jamais, excepté quand elle vient à la maison pour s'effondrer pendant deux ou trois heures. Et dans un sens, c'est une chance. Les Klingons peuvent se passer de sommeil plus facilement que les humains tout en gardant l'esprit vif. Mais bon sang, ce que cela peut les rendre grincheux."
"Peut-être pourrions nous vous apporter notre aide", offrit T'Pel, présentant ses mains à Miral qui trottait d'un pas hésitant dans sa direction. "S'il y a d'autres activités que vous désirez poursuivre, nous pourrions prendre soin de Miral à l'occasion."
"Quels sont vos futurs plans de carrières ?" Ajouta Tuvok, en s'adressant au dos de son hôte qui frottait vigoureusement le plancher de la cuisine.
Tom se retourna, démontrant par son froncement de sourcils un début évident d'agacement. "Devrais-je comprendre que vous n'êtes pas impressionné par mes aptitudes en tant que mari au foyer ? écoutez, Tuvok, j'en ai plus qu'assez des interrogations ses derniers temps, et je ne suis pas intéressé à jouer à 'cent pourcent questions' sur ce que représente ma vie. En ce moment, je me contente d'être un époux et un père, et de donner à B'Elanna le support qu'elle a besoin. Si ça ne vous va pas, j'en suis désolé."
Les humains ont des réactions émotionnelles inopportunes sur les sujets très particuliers, pensa Tuvok. C'était une autre raison montrant l'imprudence d'une visite surprise, comme aurait dû le savoir T'Pel. Il se sentit légèrement agacé envers son épouse et réprima immédiatement cette réaction indigne de lui.
"Je n'avais nullement l'intention de vous insulter ou de vous interroger", répondit Tuvok. Il se leva, époussetant les miettes qui s'étaient collées à son pantalon. "Nous repasserons, peut-être quand les conditions seront plus favorables."
Il remarqua que T'Pel semblait très réticente à laisser le bébé.
 
*****
 
Les premières lueurs du matin filtrèrent à travers les stores verticaux du dortoir d'Icheb. Une lumière douce entoura la forme mécontente de Caleb Fromme, son compagnon de chambre, dont la posture prostrée ne semblait pas avoir changé depuis le soir précédent. La seule différence qu'Icheb pouvait remarquer, c'était l'augmentation d'amplitude et de fréquence des jurons de Fromme.
"Si vous avez besoin d'aide dans vos révisions pour l'examen d'astrophysique d'aujourd'hui", offrit Icheb, tout en s'asseyant pour commencer à cirer ses bottes, "je suis disponible pour parler du sujet."
"Ouais, je parie que vous l'êtes. Je ne vous ais pas vu étudier pour l'examen, cerveau de circuits. Vous avez probablement toute la bibliothèque enregistrée dans un implant Borg auquel vous pouvez faire appel en un éclair, simplement pour nous faire passer pour des idiots." Fromme fit pivoter sa chaise et ses yeux bleus le fixèrent intensément.
"L'Astrophysique était mon domaine principal d'étude à bord du Voyager", expliqua Icheb, "et je suis très familiarisé avec ses applications pratiques."
"Voyager." Fromme eut un regard dédaigneux comme s'il était jaloux en plus d'avoir du mépris. "Je suppose que vous vous pensez meilleur que les autres cadets parce que vous avez passé du temps à bord d'un vaisseau stellaire, avec ce capitaine aimant les Borgs qui devrait être en prison. Et bien, laissez-moi vous dire que je préférerais rater l'examen plutôt que de demander de l'aide à un Borg. Nous savons tous quel genre d'aide un Borg apporte à ses victimes, n'est-ce pas ? Combien de personnes innocentes avez-vous tué et mutilé quand vous serviez le Collectif ?"
Le lustre des bottes était acceptable, pensa Icheb. Mais malheureusement le polissage des bottes, contrairement à l'opinion de son instructeur d'exercice, ne pouvait pas résoudre les problèmes de la galaxie. Il se leva de sa chaise et fit face à son compagnon hostile de chambre.
"Si vous faites référence à l'assimilation de captifs", répondit-il d'un ton neutre, "ce n'est pas une activité à laquelle j'ai participé."
"Vous ne parviendrez pas à m'en convaincre", lança Fromme. "Bien que vous vous en moquiez, je vous dirai que mon père fut parmi les milliers qui sont morts à Wolf 359. La plupart des cadets ici, du moins ceux qui sont humains, ont perdu de la famille ou des amis dans cette attaque. Je sais tout ce que j'ai à savoir des Borgs et de ce qu'ils font."
Mais vous ne savez rien de moi, pensa Icheb, il se tenait droit comme s'il était au garde à vous sur un terrain de manoeuvre. Vous ne savez rien du tout.
 
*****
 
"J'ai décidé d'appeler ce modèle le B25S", annonça Zimmerman, tandis que la silhouette holographique se matérialisait au milieu du laboratoire. "C'est l'hologramme médical d'urgence le plus avancé jamais créé. Le B25S possède des capacités surpassant les chirurgiens les plus talentueux. De plus, l'amélioration des sous-programmes d'éthiques et des protocoles devrait minimiser la possibilité d'incidents embarrassants."
L'assemblée des huiles de Starfleet, assis dans des chaises confortables sur le pourtour de la salle, observait avec attention.
Reg Barclay eut un recul instinctif quand il vit le visage de l'hologramme et parvient de justesse à éviter de s'éclabousser avec son verre d'eau. Il bégaya, "Comment avez-vous pu..."
Se rappelant juste à temps qu'il était au milieu d'une réunion très importante qui pourrait déterminer le sort des recherches de la Station Jupiter, Reg baissa la voix et siffla un, "D'où vous est venu l'idée saugrenue de créer votre nouvel HMU à mon image ?"
Zimmerman afficha un sourire de bonne grâce et lui murmura, "Ne faites pas montre de fausse modestie, Reg. Vous avez certainement travaillé assez fort pour mériter ce petit honneur. C'est pourquoi le numéro du modèle est B25S, ce qui signifie le Barclay du 25e Siècle."
La modestie, qu'elle soit fausse ou autre, n'était pas exactement la première chose que Reg avait en tête. Il grinça des dents et se retint d'étrangler Zimmerman le temps que dura de la réunion. Et ce ne fut pas facile. Mais quand le dernier invité quitta la station, Reg se sentait prêt à s'éclater une veine ou deux.
"J'insiste pour que le visage de ce nouvel HMU soit changé immédiatement." Reg n'allait pas non plus appeler son double holographique le B25S. Le numéro de ce modèle devrait aussi être changé.
"Enfin, Reg, agissez en adulte." Lui dit Zimmerman en l'observant tout en arborant un sourire hautain. "Il est temps que vous vous débarrassiez de cette timidité. J'admets au départ qu'il peut être un tantinet gênant de voir votre visage sur un hologramme, mais y a-t-il une meilleure façon d'honorer votre participation à sa création ? Après tout, les scientifiques et les explorateurs ont l'habitude de donner leur nom à leur découverte. Si vous trouviez une nébuleuse, ne lui donneriez-vous pas votre nom ?"
"Ce n'est pas une nébuleuse, c'est un hologramme. Plus précisément, toute une flotte d'hologramme, et non, je ne veux pas mon visage sur chacun d'entre eux ! Vous auriez pu avoir la courtoisie de me prévenir !"
Les deux ingénieurs poursuivirent leur confrontation dans le couloir, Zimmerman se montrant encore plus suffisant qu'à l'habitude et Barclay le fustigeant d'un regard furieux. Leur impasse fut brisée quelques secondes plus tard quand les deux hologrammes médicaux d'urgence, qui portaient des émetteurs holographiques identiques, s'approchèrent d'eux. Le nouvel HMU avait toujours le visage de Barclay, puis changea momentanément en une représentation parfaite d'Albert Einstein.
"La solution à votre dilemme, messieurs", déclara le Docteur du Voyager. "est qu'il est une forme de vie intelligence, et par ce fait, il devrait avoir le droit de choisir son apparence physique."
"Je suis encore indécis, je pourrais choisir Thomas Edison", contribua le nouvel HMU en se frottant le menton d'un air pensif. "Mais je pourrais aussi décider que je préfère ressembler à Marie Curie."
Zimmerman semblait outragé comme si une bande de vandales venait juste de détruire un objet d'art sans prix devant ses yeux. "Cette interférence avec mon travail en impensable ! Vous ne pouvez pas commencer la libération du nouvel hologramme avant même que Starfleet l'ait mis en service !"
"Je pense le contraire." Le docteur, insensible à la réaction de Zimmerman, semblait assez joyeux. "C'est le moment idéal pour clarifier le fait que tout hologramme doué de raisonnement ne doit pas devenir la propriété de Starfleet ou de toute autre organisation."
Zimmerman ouvrit la bouche, puis la referma. Pour la première fois de sa vie, il ne savait pas quoi dire.
Tout aussi étonné, Reg resta là sans rien dire durant toute une minute avant de se tourner vers le nouvel HMU pour dire, "si ma demande ne vous dérange pas, monsieur, pourriez-vous je vous prie choisir un autre visage ?"
 
*****
 
Il y avait des chandelles Vulcaines allumées dans toutes les chambres, placées hors de la portée de Miral. Cela donnait à l'appartement une odeur plaisante de racine, mais Tom Paris ne savait pas laquelle. Il n'était pas assez curieux pour le demander à T'Pel dans le salon, occupée à laver les vitres, ses longues manches roulés jusqu'aux coudes. Miral se contentait de jouer avec ses animaux rembourrés sur une pile de coussins tandis que Tom nettoyait les miettes de pop-corn et autres débris qui s'étaient accumulées sur le sofa.
Tom avait été surpris quand T'Pel s'était montrée à sa porte, il y avait de cela quelques heures, avec un sac remplit d'équipement de nettoyage, de chandelles aromatisées et d'un assortiment d'objets de décoration Vulcains. Mais il ne s'en plaignait pas.
"J'apprécie vraiment que vous preniez le temps de m'aider à nettoyer l'endroit pour le grand jour de B'Elanna."
"Comme je l'ai dit à Tuvok, rendre parfois simplement visite en passant à des amis humains peut être la chose la plus logique à faire." T'Pel arbora un très faible sourire du coin des lèvres.
Tom retira la dernière miette du sofa et, choisissant qu'il était plus prudent de ne pas déplacer Miral tout de suite, laissa les cousins sur le plancher pour entreprendre une tâche plus plaisante.
"Un certificat de spécialisation en ingénierie de vaisseau stellaire. C'est l'équivalent de plusieurs années de cours en maîtrise." Tom prêta une attention particulière pour s'assurer que le certificat sur le mur était bien droit. "Ce comité de sélection ne lèvera pas le nez sur elle cette fois ci."
"Vous êtes fier d'elle", observa T'Pel.
"Oui. Je le suis." Tom fit un pas en arrière, admirant son travail. Le certificat, dans un cadre brillant, était la plus belle chose qu'il ait vu depuis bien longtemps. "Il n'y a rien de mal à être fier de son épouse. Enfin, du moins sur Terre."
"Les Vulcains sont des gens fiers. Mais simplement, nous sommes moins enthousiasme à l'admettre la plupart du temps." T'Pel termina le lavage des fenêtres. "Je dois avouer que je fais l'expérience d'un certain sentiment d'anticipation en ce qui concerne le résultat de l'entretien de B'Elanna."
Miral interrompit la conversation en lançant un cri très perçant avant de se ruer hors de la pile de coussins, se dandinant vers la porte d'entrée.
L'instant d'après, Tom entendit lui aussi les bruits de pas. B'Elanna ne marchait pas rageusement vers la porte, ce qui était définitivement un bon signe. Il ramassa rapidement les coussins pour les remettre sur le sofa.
"Minutage impeccable", dit T'Pel en déroulant calmement ses manches.
B'Elanna passa le seuil de la porte avec le plus grand sourire que Tom ait jamais vu sur son visage. L' impeccabilité, l'odeur plaisante et la présence de T'Pel dans l'appartement la prit de toute évidence par surprise.
"Je suis arrivée il n'y a pas longtemps, apportant quelques cadeaux pour célébrer votre nouveau poste", l'informa T'Pel. "Votre mari à de toute évidence été très occupé à nettoyer cet appartement toute la journée. Ses efforts sont à tout le moins admirables."
Bien que B'Elanna sembla encore plus surprise de l'entendre, elle s'empressa de prendre Tom dans ses bras dans une étreinte à lui couper le souffle. Sa cage thoracique eut besoin de quelques minutes pour s'en remettre. Tandis qu'elle reportait son affection sur Miral dans une étreinte beaucoup plus douce, Tom prit cette opportunité pour reconduire T'Pel à la porte.
"Je pensais que les Vulcains ne mentaient pas", lui murmura-t-il.
"Une journée", répondit-elle sur le même ton de voix, "est un temps très court dans la vie d'une Vulcaine."
 
*****
 
Icheb ouvrit la porte de sa chambre de dortoir et entendit des voix basses et des rires. Il commença par suspecter une autre frasque et fit une pause dans le cadre de porte pour observer avec attention la chambre. Une quantité abondante de fumée émanait d'un objet à la forme étrange et qui passait d'une main de cadet à une autre. L'expression de panique dans leurs visages lui fit réaliser que sa présence n'avait pas été anticipée.
"Je croyais que tu avais dit qu'il serait dans le labo toute la soirée", chuchota Tyler, un des bourreaux habituels d'Icheb.
"Et bien, il l'est habituellement", rétorqua Fromme, ne prenant même pas la peine de baisser la voix. "Probablement pour avoir des rapports intimes avec des relais à plasma."
Les cadets se mirent à rire, mais cette fois nerveusement. Jessip se pencha et brandit la contrebande devant Icheb. "Tu en veux, petit drone ? C'est de l'herbe Risien. Ce n'est pas sur la liste des substances illégales à l'importation, bien que ça fasse planer. Mais je suppose que la merveilleuse éthique Borg ne te permettra pas de désobéir aux règles, n'est-ce pas ?"
"Aucune chance", grogna Fromme. "Il va nous dénoncer, aller courir vers la sécurité dés le moment où il quittera la chambre. Il enregistre probablement tout ce que nous faisons avec ses implants cybernétiques, pour l'utiliser comme preuve à l'audience."
Ils fixèrent tous Icheb du même regard meurtrier.
Il eut un mouvement de recul, se demandant pourquoi il avait été assez idiot de croire qu'il pouvait créer des liens d'amitiés avec ses compagnons de classe.
"Je ne désire pas participer à cette activité très imprudente."
"Une lecture sur les bonnes manières de notre expert Borg en éthique. Comme c'est inspirant", se moqua Jessip, au moment où la porte s'ouvrait derrière Icheb.
Il se sentit très soulagé de s'échapper.
Jusqu'à ce qu'il se retourne, une seconde plus tard, pour voir l'officier de la sécurité dans l'uniforme du campus qui s'apprêtait à entrer dans la chambre.
"Je peux sentir l'odeur de ce truc dans tout le hall", déclara l'officier, s'avançant vers Jessip et retenant sa main. "Voyons voir."
Le visage du Bajoran vira au pourpre tout en obéissant.
"De forme conique, une résine d'un orange foncé avec des grains de couleur argentée", nota l'officier, tournant le joint dans sa main. "Risien, je dirais. Il y a longtemps que je n''en ai vu de ceux-là. J'aurais besoin de vos empruntes de pouces, s'il vous plaît."
Icheb dut retourner dans la chambre pour poser son pouce sur la tablette de l'officier. L'expression des autres cadets passait de l'étonnement à la fureur en faisant de même.
"Quelqu'un pourrait me dire d'où ça vient ?"
Silence total.
"Vous êtes tous confinés aux limites du campus jusqu'à la fin de l'enquête", annonça l'officier. Lorsqu'il commença à chercher dans la chambre, Icheb, tout en s'enlevant de son chemin, heurta légèrement son bras. La recherche, faite à l'aide d'un tricordeur, fut de courte durée, et aucune autre substance de contrebande ne fut trouvée.
L'officier s'en alla, laissant derrière des cadets très malheureux.
"Je suis mort", se plaignit Tyler, s'effondrant contre le mur. "Nous allons tous être expulsés, ou au moins suspendu, et mon père va me tuer."
Jessip coucha sa tête sur le bureau, comme si elle était devenue trop lourde, et marmonna, "Je ne veux pas retourner sur Bajor et passer le reste de ma vie dans la ferme misérable de ma tante."
"Le Borg ne semble pas inquiet, lui. Il nous a probablement cafardé à cet officier de la sécurité et il n'a aucune raison de s'en faire." Fromme eut un regard mauvais. "Ouais, j'en suis sûr. Nous venons juste d'être témoin d'une démonstration de l'éthique Borg. Je suppose que tu es content de toi maintenant, n'est-ce pas, Icheb ?"
Jessip se leva la tête juste assez pour le fixer.
"Je n'ai rien rapporté." Quand la huée d'incrédulité se tue, Icheb poursuivit, "Et personne de sera suspendu et expulsé."
"Comment en es-tu venu à cette conclusion ?"
"Une enquête plus approfondie montrera que le tricordeur de l'officier avait un mauvais fonctionnement et que l'objet confisqué était en fait une herbe de cigare tout à fait convenable."
Si les mâchoires des cadets avaient pu tomber plus bas, elles se seraient retrouvées quelque part au sous-sol. Il se passa approximativement 85 secondes avant que Tyler parvienne à reprendre assez de souffle pour dire quelques mots.
"Tu as fait quelque chose. Quand tu es entré en collision avec son bras."
Fromme s'apprêta à prendre la parole, mais pour une fois, changea d'idée et ne dit rien.
"Les nanosondes Borgs sont très versatiles et peuvent être programmées rapidement pour une nouvelle tâche", expliqua Icheb. "Elles ont aussi l'avantage de ne pas être détectables aux scanners classiques."
Tyler se leva d'un coup pour prendre une profonde respiration avant de lançer un regard absolument déconcerté vers Icheb. "Pourquoi as-tu fait cela ? Tu n'aurais pas été expulsé. Ils auraient découvert que ce truc n'était pas présent dans ton emprunte et ton AND. En plus, l'officier t'a probablement vu entrer dans la chambre juste avant qu'il ne le fasse. Quelle raison aurait pu te pousser à prendre un tel risque pour sauver notre peau, après la manière dont nous t'avons traité ?"
"Ouais", marmonna Jessip, qui semblait commencer à avoir honte de lui. "Nous avons agis en vrais abrutis. J'aurais pensé que tu serais heureux de nous voir partir."
Même cela aurait été un gaspillage improductif des ressources de l'Académie de Starfleet, pensa sans le dire Icheb. Pour dire vrai, lui-même n'était pas sûr de ce qui l'avait poussé à agir. Il avait simplement vu une chance de sauver la carrière de ses compagnons de classe et l'avait prise.
"Je suppose", proposa-t'il, "que tout le monde agit en abruti à l'occasion."
Fromme baissa la tête vers le sol puis la releva vers Icheb. "Je suppose que je dois te dire que je, hum."
Il s'y reprit à plusieurs reprise avant d'y parvenir.
"Je te dois des excuses."
Icheb serra la main tendue de son compagnon de chambre. "Acceptées."
 
*****
 
La foule holographique qui se pressait dans les rues à l'extérieur de l'édifice du Conseil de la Fédération poussa le Docteur, qui n'était pas habituellement sujet à la timidité, à avoir souhaité demander la permission d'être téléporté directement dans la chambre du conseil.
"Il est là !"
"C'est le Docteur du Voyager !"
Unemeute d'hologrammes criards, ressemblant beaucoup plus à des hippies frénétiques ayant aperçus l'un des artistes du concert rock qu'ils étaient venus voir, se bousculèrent dans sa direction. Heureusement, il y avait une allée étroite pas loin, et il s'y engouffra. Déchirant la jupe de ce qu'il commençait à penser être un choix vestimentaire plutôt mauvais, l'HMU fit un sprint dans l'allée, faisant claquer ses scandales.
Il tourna précipitamment à un coin et entra presque en collision avec un visage familier.
"Hé", demanda Tom Paris, "qu'est-ce qui vous presse ?"
La masse hurlante d'hologrammes s'approchait. Tom lança un regard rapide sur le coin, comprit la situation, et se mit à courir avec le Docteur.
"Je ne peux pas atteindre l'entrée principale. La foule est trop grande", expliqua l'HMU, tout en levant ses robes à la hauteur des genoux. Plusieurs de ses admirateurs l'aperçurent et poussèrent des cris, continuant la poursuite.
"L'entrée VIP... prochain edifice... connecté par une passerelle", dit Tom haletant, sprintant pour rester à sa hauteur. "Dans cette direction. Personne ne vous l'a dit ?"
La porte désignée par Tom ne se trouvait pas bien loin. Il y avait deux gardes en uniformes en poste à l'extérieur. "J'ai tenté de les convaincre de me laisser entrer en leur disant que j'étais un des vos amis, mais ils ne m'ont pas cru. C'est une bonne chose que nous nous soyons rencontrés, sinon j'aurais été oblige d'attendre dans la file pendant des heures", poursuivit Tom, sur un ton qui aurait été allègre, si ce n'était qu'il était à bout de souffle.
"Vous pouvez m'accompagner dans l'édifice et voir mon exposé final", offrit promptement le Docteur, prenant des airs de lord médiéval faisant une grande faveur à l'un de ses sujets.
Tom hocha la tête en réponse, reprenant toujours son souffle. "B'Elanna a raison, je ne fais pas assez d'exercice, ses derniers temps. Elle est déjà partie pour Utopia Planitia, mais elle voulait que je vous dise qu'elle vous souhaite bonne chance."
Un garde les escorta à travers un couloir étroit et bien éclairé jusqu'à une salle d'attente privée. Les portraits d'anciens dirigeants de la Fédération ornaient les murs. Le docteur de demanda, d'une humeur plus sobre, qui étaient ceux qui étaient passés par ici avant lui.
"Si les choses vont bien, j'espère qu'ils ajouteront un jour votre portrait sur un de ces murs", fit remarquer Tom. "Vous serez connu comme le grand homme d'état dont l'éloquence a libéré les hologrammes de la Fédération."
Se voyant dans la chambre du conseil, entouré d'applaudissement extasié venant d'une foule de milliers de personnes, le Docteur ressentit les prémices d'une émotion à laquelle il n'était pas familiarisé et qui le décontenançait. Je ne dois pas m'inquiéter, pensa-t-il. Après tout, on l'avait déjà applaudi par le passé, quand il s'était produit comme chanteur.
Mais le sort de milliards d'êtres n'avait encore jamais reposé sur ses seules épaules photoniques.
Il prit la pose au centre de la salle, faisant face à Tom, et commença à répéter une dernière fois.
"Il y a de cela quatre-vingt-sept ans, le grand concept des êtres holographiques fut créé..."
"Le concept moderne des hologrammes complexes n'est présent que depuis vingt ans", l'interrompit Tom. "Même le concept, du point de vu pratique, existe depuis moins longtemps que cela."
"C'est pour l'effet dramatique", expliqua le Docteur agacé.
Tom remua sur sa chaise, mal à l'aise. "Ne le prenez pas mal, mais il semblerait que vous misiez trop sur la dramatique. Tout particulièrement, vous devez laisser tomber le style Jean-Baptiste."
"Pour tout dire, c'est supposé être..."
"ça n'a pas d'importance", l'interrompu Tom. "Qui que ce soit, cela distrait. Vous voulez que l'audience se focalise sur votre message, pas qu'elle se demande quelle personnalité historique vous imitez."
L'HMU pensa à cela un moment. Peut être que Tom avait raison. Il reprogramma rapidement les programmes de son apparence et ses robes devinrent floues l'espace d'un instant quand elles se transformèrent en l'habit sombre d'un homme d'affaire.
"Dans les années récentes", il recommença, un peu plus parcimonieux, "le concept des êtres holographiques fut créé."
Une fois de plus l'image de l'audience composée de milliers de personnes lui vint en tête, mais cette fois ils ne semblaient pas l'applaudir. Au lieu de cela, la foule restait silencieuse, attendant d'être émue par son éloquence. Ou déçue par ses bévues. Il tenta de passer à la phrase suivante de son discours, pour finir par découvrir que la bonne base de données ne s'était pas charger dans sa matrice de parole.
Un défaut mineur, se dit-il, et il est peu probable que cela se reproduise. Tout ce qu'il avait à faire était d'accéder aux autres bases de données disponibles.
"Nous devons apprendre à nous comprendre les uns les autres comme... comme vous devrez trouver en vous la force pour... déplacer de grande montagne."
ça n'allait pas. Que lui arrivait-il ? Où se trouvait ses programmes ? Il ouvrit une fois de plus la bouche, mais à son grand désarroi, rien n'en sortit à part un grincement. Un grincement fort d'une discordance absolue.
Il était évident qu'un mauvais fonctionnent catastrophique d'origine inconnue l'avait rendu incapable de se présenter devant le conseil. Il devait retourner passer un diagnostic dans un laboratoire équipé à cette fin. Il fit demi-tour pour se diriger vers la porte.
Il fut surpris quand Tom posa sa main sur son épaule.
"Détendez-vous, Doc. C'est juste un peu de trac. Rien de sérieux. ça arrive à tout le monde."
Pour une raison inexplicable, il se sentit profondément insulté par la suggestion. "Je ne peux pas avoir le trac. Je suis un hologramme."
"Vous êtes une forme de vie intelligente", répondit Tom, se plaçant tranquillement entre HMU et la porte. "C'est la réaction d'un être doué de conscience, qu'il soit organique ou machine, à un environnement imprévisible. Que vous n'ayez pas été programmé pour avoir le trac ne veut pas dire que cela ne peut se produire."
Bien que le Docteur devait admettre qu'il y avait de la logique dans ce que Tom disait, la possibilité en était néanmoins alarmante. Il avait déjà fait l'expérience d'absences momentanées ou d'erreurs de programmation, et savait comment les corriger. Mais il n'avait aucune idée de la manière de venir à bout de quelque chose d'aussi nébuleux que le trac.
"Peut importe la cause, je ne suis pas en état de m'adresser au conseil."
"Non. La manière de venir à bout du trac est de l'affronter, d'admettre sa présence sans le laisser vous submerger. Au lieu d'une performance parfaite au discours tout préparé, vous pourriez essayer quelque chose de plus simple et plus personnel, comme par exemple simplement raconter aux membres du conseil ce que s'est d'être un hologramme à bord d'un vaisseau de la Fédération. Ne vous souciez pas d'avoir toutes les phrases parfaitement. Ils vont être intéressés par ce que vous dites, pas par la manière don't vous le dites."
Le regard du Docteur se tourna vers la rangée de portaits sur le mur. 'Aucun de ces dirigeants n'avait sûrement jamais connu de situation aussi embarrassante', pensa-t-il.
"Oui, ils l'ont tous connu. à un moment ou un autre", répondit Tom, devinant ce que pensait le Docteur, et en lui donnant un tape d'encouragement sur l'épaule. "Ne vous inquiétez pas. Tout va bien se passer."
 
*****
 
"Plusieurs d'entre vous sont venus aujourd'hui parce qu'ils se demandent s'il est possible qu'un hologramme soit doué de conscience." Tout en parlant, le Docteur observait l'assemblée des membres du conseil et non la tribune bondée derrière eux. "J'avais planifié de faire un appel éloquent basé sur des circonstances communes. Mais à vrai dire, je ne suis pas sûr que moi, ou quiconque dans la Fédération, soit capable de vous donner une réponse définitive. Des philosophes de toutes les races ont jonglé pendant des millénaires sur la question de ce qui fait que tout organisme réagit à l'environnement qui l'entoure comme sa programmation de base le dicte. Je dois admettre qu'il est au-delà de ma compétence de prouver l'existence d'une âme photonique par des moyens rhétoriques. J'ai simplement l'intention de décrire mes expériences individuelles, en vous laissant tirer vos propres conclusions."
Les membres du conseil écoutèrent sans montrer de réaction quand le Docteur commença à parler de ses premières années à bord du Voyager et du développement de sa prise de conscience de son existence. Bien qu'il s'aperçut que l'audience était devenue tout à fait silencieuse, il se força à ne pas réagir au manque de réaction à ses paroles. Peut-être que les plus grands dirigeants de l'histoire avaient reçu des applaudissements continuels durant leurs discours mémorables, mais cela ne ressemblait en rien à sa situation. Après tout, il n'était qu'un modeste hologramme médical d'urgence, faisant de son mieux pour son peuple.
Il décrivit comment il avait formé des liens d'amitiés sur le Voyager et avait été graduellement accepté en tant que membre estimé de l'équipage, prenant part aux missions d'exploration et risquant sa vie pour ses camarades. Les mots ne rendaient pas justice à ses expériences, pensait-il, et la lourdeur du silence de l'audience commençait à lui peser une fois de plus. L'auditoire ne comprenait certainement pas. De toute façon, ses expériences comptaient pour lui. Comment avait-il pu être si incroyable orgueilleux pour croire qu'il était capable de convaincre la Fédération toute entière que des hologrammes pouvaient être des êtres doués d'une conscience ?
Il hésita. Il ne savait plus quoi dire de plus.
Mais il savait qu'il devait surmonter sa peur. Même si cette époque le jugeait inapte à la grandeur, peut-être que les générations futures au moins reconnaîtraient ses efforts.
"Même si l'histoire peut ne pas reconnaître l'honneur dans les mots simples et les observations d'un hologramme médical d'urgence", conclut le Docteur, "le chemin que nous suivrons à partir de ce jour aura un impact profond, pas sur les droits civils des habitants photoniques de la Fédération, mais par la manière dont notre société sera perçue dans les temps futurs. Les membres de nos espèces partagent une longue histoire d'inclusion et de tolérance, de respect pour la diversité et des libertés civiles des populations minoritaires. Si la Fédération décidait que les hologrammes, peu importe leurs intelligences, doivent rester la propriété des êtres organiques, je dirais qu'une telle décision ne diminuera pas seulement les hologrammes assujettis à celle-ci, mais tous les citoyens de la Fédération."
La chambre du conseil demeura silencieuse un long moment après qu'il ait terminé de parler. Il était certain qu'il ne méritait rien de plus. Après tout, il n'avait jamais fait un discours aussi ennuyeux et manquant d'expression par le passé, presque complètement dépourvu de ses habituels embellissements en rhétorique. Alors pourquoi devrait-il être surpris que ses auditeurs, en cette circonstance, l'aient jugé en manque d'inspiration et absolument incapable d'offrir une meilleure performance ?
La réponse, quand elle arriva, le prit complètement par surprise.
Les délégués de toutes les planètes de la Fédération de levèrent, frappant dans leurs mains (ou, dans certains cas, leurs tentacules) pour une salve d'applaudissements sincères. Le mouvement de vague s'étendit à toute la galerie, l'audience se levant dans l'enthousiasme pour se joindre à l'ovation.
Les acclamations se poursuivirent, semblant ne jamais s'arrêter. Le Docteur se reprit suffisamment de son étonnement pour penser que l'audience qui l'admirait méritait bien de sa part la faveur d'une révérence. Puis il décida que ce n'était pas nécessaire. En humble prophète de la libération photonique, il se devait de rester simplement debout et d'accepter leur hommage.
 
*****
 
"Entre, fiston."
Tom découvrit son père assit sur une petite chaise dans un coin de la salle, travaillant sur une tablette qu'il mit de coté quand il entra. La place d'honneur était occupée par Miral, assise sur la chaise du bureau et fixant le moniteur aussi intensément que si elle décidait du sort de Starfleet. Tom remarqua sur l'écran une sorte de vid pour enfant, avec des marionnettes rembourrées aux couleurs variées.
Il décida qu'il était préférable de ne pas faire de commentaire au sujet de cet arrangement inhabituel.
"J'apprécie que vous ayez pris soin de Miral pendant que j'étais à la réunion du Conseil de la Fédération"
Cela n'avait pas été exactement le premier choix de Tom, après ce qui s'était passé durant les audiences. Même si son père avait apporté son effort pour aider B'Elanna à se qualifier pour son nouveau travail, cela n'avait pas effacé la rancune de Tom. Mais tous ceux du Voyager étaient aussi à la réunion du conseil, le laissant à court de garde d'enfant, à part la dame aux pic-verts. Une chose était certaine, son père n'avait rien fait pour nuire à Miral pendant qu'elle avait été confiée à ses soins, et quand il s'était offert pour la garder, Tom avait accepté à contrecoeur cette ouverture pour améliorer leur relations familiales.
Owen lui répondit par un haussement d'épaule. "Elle ne m'a pas du tout dérangé, et je pourrai toujours regarder l'allocution du Docteur devant le conseil plus tard aux nouvelles."
Voyant son père faire le tour du bureau, Miral fit entendre son mécontentement par un hurlement de protestation indubitablement Klingon à l'idée que le spectacle de marionnettes soit interrompu. Tom fit une pause avant de la récupérer. Peut-être imitait-elle son attitude quand il était dérangé pendant qu'il regardait ses vieux films favoris, pensa-t-il. Peut-être l'avait-il négligée. Oui, ou peut-être était-ce l'attitude normale d'un bébé. Il n'en avait franchement aucune idée.
"Avais-tu quelque chose d'autre à dire ?" S'enquérit Owen. "Ce poste d'instructeur de vol est toujours disponible, tu sais."
Je ne suis pas vraiment intéressé, pensa Tom. Définitivement pas, quand on parle du travail d'instructeur de vol. Starfleet peut se trouver quelqu'un d'autre. Ce n'est pas parce qu'un gars n'a pas un grand succès comme homme au foyer que cela veut dire qu'il doit prendre le premier travail misérable qui se présente. Encore que, enseigner le pilotage ne serait pas un travail si mauvais. Quand il était à bord du Voyager, il avait bien aimé enseigner le pilotage du Delta Flyer à Icheb. Peut-être que cela vaudrait la peine de s'informer s'il y avait des postes d'instructeurs dans les écoles de vol privées. Là, au moins, ses étudiants ne le mépriseraient pas en tant qu'échec de Starfleet et ex-bagnard.
Il dut admettre que passer le reste de sa vie à fuir ses erreurs du passé était l'attitude d'un poltron. C'était assez ironique, surtout venant d'un homme qui venait tout juste de conseiller l'HMU de surmonter ses peurs. Et Icheb n'avait montré aucune crainte à entrer à l'Académie de Starfleet, pas plus qu'il ne s'était plaint par la suite, bien qu'un ancien drone Borg ne pouvait certainement se sentir le bienvenu. Tom commença à avoir honte de ses peurs.
Passe par-dessus, se dit-il. Utilise le même conseil que tu as donné au Docteur. Tu ne dois par les laisser te submerger.
La vid des marionnettes arriva à sa fin. Les marionnettes de chiffon acclamaient et applaudissaient avec la participation enthousiasme de Miral. Puis, quand l'écran retournant à son image habituelle de l'insigne de Starfleet, elle s'en désintéressa rapidement et descendit de sa chaise.
"Je vais y penser", répondit Tom, tentant de garder un ton enjoué. "Oui, je vais y penser."
"C'est tout ce que je demande", lui dit Owen, tandis que Tom récupérait Miral et se préparait à partir. "Tu n'as pas à prendre une décision tout de suite, mais je dirais, et soit dit en passant je ne suis pas le seul à le penser, que tu apporterais un air nouveau dans l'institution de l'Académie de Starfleet."
 
*****
 
Les oiseaux gazouillaient dans les arbres pendant que Tuvok et T'Pel effectuaient une marche dans le petit parc à l'extérieur de leur immeuble d'appartements. Tuvok, avec son détachement habituel, admirait l'excellente symétrie des édifices. En contraste, l'attention de T'Pel était beaucoup plus centrée sur la petite occupante de la poussette qu'elle déplaçait.
"Je songe à retourner sur Vulcain", dit-elle, après un silence de plusieurs minutes.
Tuvok se détourna de sa contemplation d'une boite en bois aux extrémités presque parfaites. Les villes de la Terre étaient beaucoup plus calmes, pensa-t-il, depuis que le conseil de la Fédération, en réponse au discours inspiré du Docteur, avait désigné un comité pour étudier les droits de ses résidents holographiques. Ca avait été suffisant pour mettre fin aux marches de protestation journalières pour un temps, bien que Tuvok doutait de ce que les politiciens allaient vraiment accomplir.
"Dans quel but ?"
"Pour revoir notre demeure. Pour voir les enfants." T'Pel baissa la tête vers Miral somnolente, avec une expression qui démontrait plus qu'un indice de tendresse. "Et les petits-enfants."
"Nous savons qu'ils se portent tous bien", fit observer Tuvok. "Notre présence sur Vulcain n'est pas nécessaire pour nous assurer de leur santé."
à une intersection de deux sentiers bien pavés, une oie trop bien nourrie observa T'Pel avec espoir et puis, arrivant finalement à la conclusion qu'aucun quignon de pain ne lui serait offerte, se dandina hors du chemin des passants.
"C'est peut-être illogique", concéda T'Pel, "mais je préférais tout de même retourner sur Vulcain, même si se n'est que pour une courte période."
Une telle démonstration inhabituelle de sentimentalité était sans nul doute due à l'exposition excessive de T'Pel aux humains durant cette dernière année, pensa Tuvok. Dans leur mariage, elle avait toujours été la partenaire la moins émotionnelle. Quelques temps sur Vulcain pourrait se montrer bénéfique pour contrer les effets d'une telle exposition, particulièrement quand des enfants humains étaient concernés.
"Vous n'aviez pas besoin d'offrir vos services comme nourice pour Miral", fit-il remarquer. "San Francisco a de nombreux instituts de gardes d'enfants où elle aurait pu être confiée pendant que son père débutait son nouveau poste comme instructeur de vol à l'Académie de Starfleet."
"Je sais." T'Pel baissa la tête vers la petite fille, qui s'était finalement endormie dans sa poussette. "Et je suis certaine que Miral recevra les meilleurs soins quand nous partirons pour Vulcain. Tout de même, cela semble un au-revoir approprié."
Tuvok ne pouvait voir la raison d'un au-revoir impliquant un enfant qui n'en avait pas encore tout à fait conscience. Sentimentalité humaine à nouveau, pensa-t-il. Après tout, il avait rencontré plusieurs rituels humains impliquant des enfants, tel que les célébrations d'anniversaires,qu'il n'avait jamais été en mesure de comprendre.
"Il n'a pas encore été décidé", rappela-t-il à T'Pel, "Que nous partirons pour Vulcain ou pour autre part."
Elle répondit à son commentaire avec un regard suffisant qui rendait limpide le fait qu'elle considérait le départ comme une conclusion évidente. Tuvok pouvait sentir sa certitude à travers leur lien. Il ne pouvait rapprocher cette attitude à une emotion humaine, toutefois. T'Pel avait toujours possédé ce sens aiguisé du sous-entendu par lequel elle parvenait à prendre des décisions pour lui. Il songea un court instant à la raison pour laquelle certains Vulcains choisissaient de se marier avec des humaines qui, en dépit de leur manque de rigueur logique, manquaient aussi de cette tendance à la manipulation qu'avaient leurs homologues Vulcaines.
Non pas qu'il n'aurait jamais considéré, même pour un instant, un tel choix. Son mariage avec T'Pel lui avait amené plusieurs bonnes années de tranquillité domestique productives. Un Vulcain ne pouvait pas raisonnablement demander plus. Une démonstration de sentimentalité en présence d'enfants n'était pas, après tout, un manquement sérieux.
T'Pel posa le bout de son doigt sur le sien, diffusant les sensations familières d'intimités et de paix. "Et vous désirez aussi voir vos petits-enfants, mon aimé. Vous êtes simplement trop têtu pour l'admettre."
Avec sa proximité intime qui traçait des vrilles de chaleur dans son esprit et laissait ses pensées grandes ouvertes à son inspection, une négation complète, Tuvok le savait, serait absolument inutile.
"Peut-être existe-t-il quelques raisons logiques à une telle visite", concéda-t-il.
 
---------------
Ecrit par: Ventura33
version française: André D.
Producteurs: Thinkey, Anne Rose et Coral
Remerciements aux différents correcteurs: Zeke, Coral (version originale), Laurent (version française).

..
Retour aux autres épisodes de la saison 8
    Episode précédent    Version texte    Version originale     Episode suivant

Star Trek and all its related marks are trademarks of Paramount Pictures. No Infringement Intended.