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Episode 9.03 - NOUVELLE LUNE
Par: Zeke (quiproquo@lycos.com)
Version française: Laurent (stvoyager@free.fr)

Note: Star Trek: Voyager, personnages et autres produits dérivés sont des marques déposées de Paramount Pictures. Aucune infraction aux droits d'auteurs de Paramount voulue. La Saison 8 virtuelle de Voyager (Voyager Virtual Season 8, VS8) est une entreprise à but non lucrative. L'histoire est propriété de son auteur. Pas de reproduction sans sa permission.

"Coupé de son vaisseau et de son équipage, le Commandeur Chakotay doit livrer combat à un sombre ennemi"

"C'était l'aube du Troisième Age de l'humanité", entonna Sam Morgan d'une voix grave. "L'année où la Grande Guerre nous a tous frappés."
Il sourit. Assis à côté de lui, Barry Bruner le regarda étrangement, mais Shari Young lui fit un de ses sourires en coin. "D'accord, Sam", dit-elle. "De quoi parles-tu, cette fois ?"
"Laisses-moi te montrer." Morgan saisit sa tasse de synthétol et la tendit devant lui. "Ceci", dit-il, "est l'Univers."
"Sam, faut-il que nous te traitions pour overdose de synthétol, à nouveau ?" Le taquina Marsha Jones. Les autres gloussèrent.
Imperturbable, Sam continua. "Appelons cela le Premier Age. L'univers forme un tout, homogène et tranquille. Mais maintenant, supposons que nous prenions ceci." Morgan saisit la tasse vide de Bruner. "Et que nous versions une partie de notre univers dedans."
"Et alors ? Nous obtenons un Bi-vers ?" Demanda Bruner.
"En quelque sorte. Appelons cela le Deuxième Age. Tu vois, de la manière dont je vois les choses, l'Univers dont viennent ces Sernaix a fait partie du nôtre autrefois, puis il a été isolé du nôtre dans sa propre petite bulle." Morgan gesticula avec sa tasse. "Là-dedans toute seule, la bulle s'est simplement maintenue dans son état initial. Mais notre univers l'a entourée et s'est agrandi." Morgan tendit la main vers le verre d'eau de Jones. "Je peux ?"
Jones lui jeta un regard suspicieux, mais accepta. "Bien sûr."
Morgan versa un peu d'eau dans sa tasse, puis mélangea le tout. "Et voilà notre situation. Un univers qui grandit et l'autre qui ne bouge pas. C'est ce que nous avions, il y a encore quelques semaines." D'un geste élégant, Morgan vida le restant du verre de Bruner dans sa tasse et le remua encore une fois. "Et voilà ! Qu'est-ce que nous obtenons ?"
"Plein de synthétol à l'eau", dit Young avec un large sourire.
Morgan le regarda méchamment. "Un univers totalement nouveau, différent de celui que nous avions au début. Le Troisième Age."
"Toi", dit Young, "tu as trop d'imagination." Elle avala une gorgée de son brandy saurien.
Bruner grimaça en le regardant faire. "Comment peux-tu avaler un machin pareil ? Ca ressemble à du refroidissant de réacteur, en plus costaud."
"Ha ! Si le Chef peut supporter ce brandy, je serais un Horta si je ne pouvais pas en faire de même."
Tout le monde savait ce que cela signifiait. A la dernière fête du Jour du Premier Contact, le Capitaine Grant s'était avalé rien moins que cinq tasses de brandy saurien, tout en réussissant à rester à peu près sobre. C'était un exploit que Shari Young était bien déterminée à réussir l'année prochaine.
"D'accord", dit Bruner, s'adressant à nouveau à Morgan. "J'ai saisi l'idée de ton Troisième Age. Mais pour 'la Grande Guerre' ?"
Morgan gloussa. "C'est une guerre, et une grande. En tout cas jusqu'à maintenant."
"Oui, mais si nous finissons par obtenir ces nouvelles armes ? Ta grande guerre ne durera que quelques semaines."
"Oh, allons. Personne n'a l'air de montrer une faiblesse de cette ampleur."
Bruner était sur le point de contre-attaquer quand il remarqua un nouvel arrivant dans le mess. "Oh, oh", murmura-t-il aux autres, faisant un geste discret du pouce. "Voilà le plus beau."
Les officiers se retournèrent et virent le Commandeur Chakotay, le nouveau Premier Officier du vaisseau stellaire Logan, commander une sorte de plat de pâtes au réplicateur. Jones se sentit soudainement mal à l'aise. Le sourire presque permanent de Young s'évanouit. Seul Morgan semblait inconscient de la gêne des autres. "Hé, Commandeur !" Appela-t-il avec un large sourire. "Prenez donc une chaise !"
Chakotay se retourna et regarda le groupe. Il les observa un moment, jaugeant apparemment dans quelle mesure il était réellement le bienvenu. Il finit par faire un signe de la main à Morgan et répondit gentiment. "Merci, Lieutenant, mais ça va aller. Vous êtes déjà assez nombreux à votre table."
"Vous êtes sûr ?"
Le Premier Officier hocha de la tête et se tourna pour se diriger vers une table vide. A côté de Morgan, Jones sembla se décontracter, mais Bruner fronçait toujours les sourcils.
Young baissa la voix. "Alors... qu'est-ce que vous pensez tous de ce nouveau type ?"
"Je ne l'aime pas", dit Bruner. "Il n'est pas tellement ouvert d'esprit selon moi. Je sais, c'est juste une impression personnelle." Jones hocha la tête en approbation.
"Oh, allons, les gars", dit Morgan. "Pourquoi ne lui laissez-vous pas une chance ? Vous l'avez bien fait pour moi."
"Tu as été affecté à bord de ta propre volonté", lui rappela Jones. "Et le Chef était content de t'avoir. Mais Chakotay n'est pas content de son affectation, pas plus que ne l'est le Capitaine Grant."
"Vous savez ce que j'ai entendu dire ?" dit Young, se penchant avec une allure de conspiratrice. "Ce gars ne peut pas s'empêcher de courir après toutes les femmes aliens qui passent près de lui, même s'il s'agit d'une espèce ennemie. On dit qu'il a eu des aventures avec des Cardassiennes, des Borgs, l'espèce 8472..."
"Le Capitaine Janeway, aussi", ajouta Jones, provoquant des gloussements chez tous ses camarades.
Morgan termina d'avaler le reste de son synthétol dilué et se leva. "Hélas, camarades. Le devoir m'appelle. Je suis de quart à une console tactique."
Young lança un regard confus à Bruner. "Ce n'était pas ton quart, Barry ?"
"Ca l'était", répondit Bruner avec un léger soupir. "Mais le Chef m'a fait refaire deux fois l'analyse des rapports de la bataille Sernaix, et si je ne me repose pas un peu, je vais finir par m'effondrer à mon poste."
"Alors tu laisses le pauvre Sam prendre ton quart ? T'es un enfoiré", dit Young avec un air de dégoût.
"Hé, si je m'endors à la console tactique, ma tête risque de tomber sur la commande de tir des torpilles quantiques. Et la loi de Murphy veut que si cela arrive, ce sera au moment où nous serons juste devant un quelconque transport civil. Tu imagines les conséquences ?"
"De plus", ajouta Morgan avec le sourire, "c'est un remboursement."
Young rit. "De quoi ? Nous vivons dans une société sans argent, les gars !"
"La prochaine fois que nous aurons une permission", lui expliqua Bruner, "je prendrai le quart de passerelle. Sam s'y est retrouvé coincé la dernière fois."
"Hé, ce n'est pas un si mauvais plan", répliqua Jones. "Tout ce que tu auras à faire sera d'y coller le nouveau !"
Les quatre officiers éclatèrent de rire ensemble. Puis Morgan leur adressa un geste de la main et se dirigea vers la sortie... se demandant s'ils avaient remarqué son manque de sincérité quand il avait ri à cette dernière remarque.
 
***
 
C'était l'un des derniers développements du Département d'Ingénierie de Starfleet, une salle de conférences à émetteurs holographiques reliés à chaque siège, afin que les participants puissent assister 'en personne' à la réunion depuis leur monde natal. Le tout avait passé le niveau des tests en comité restreint avec brio, et le DIS avait donné son aval pour sa mise en service.
Bien sûr, le DIS n'était qu'une bande d'idiots.
Depuis sa place à la tête de la table de conférence, l'Amiral Alistair Warhol se fit une note mentale pour savoir qui avait approuvé la mise en service de cette salle d'holoconférence, et faire en sorte que lui, ou elle, soit transféré au Bureau de recyclage. A côté de lui, le Chancelier Martok fluctuait et disparaissait régulièrement, tandis que le Légat Gadur était visiblement dépourvu de torse. Le Praetor Ru'Vraes semblait intact, mais le Vorta à côté d'elle était présente en très basse résolution. Quant au Grand Nagus Rom, il avait soit un bras gauche, soit un bras droit, mais jamais les deux en même temps.
S'ils ne se rendaient pas compte de cela, mieux ne valait pas le leur dire. C'était la philosophie de la section 31. Mais Warhol était celui qui devait les regarder face à face.
"... C'est donc pourquoi", finit l'Amiral William Ross, "que nous, Starfleet, considérons comme impératif de joindre nos forces avec vous. Ensemble, nous avons de bien meilleures chances de combattre cette nouvelle menace qui pèse sur notre quadrant."
"En tant qu'ancienne menace envers de quadrant", dit le Vorta avec un sourire amusé, "je me dois de me demander ce que le Dominion aurait à gagner d'une telle alliance. Il n'y a aucune garantie que les Sernaix s'en prennent un jour à nous si nous les laissons simplement tranquille."
Assis en face de Warhol, l'Amiral Owen Paris fronça les sourcils. "Je vous rappelle que Starfleet n'a pas déclaré la guerre contre les Sernaix. Ce sont eux qui nous ont attaqués."
"Pour quelle raison ?" demanda Ru'Vraes. Le ton de la Romulienne ne laissait aucune équivoque. Elle connaissait la réponse et voulait que la situation soit claire.
"Nous ne connaissons pas encore tous les détails", répondit Ross. "Mais leurs premières attaques étaient dirigées contre le Voyager, et n'étaient pas provoquées."
"Pas si sûr. Le Voyager se trouvait dans leur espace, que ce soit par hasard ou délibérément, et de nombreuses espèces considèrent une telle transgression comme un acte de guerre."
Touché, pensa Warhol, se frottant le menton. Les insinuations du Praetor Romulien étaient évidentes. Starfleet lui-même appliquait cette règle aux Romuliens, vice-versa. De ce point de vue, La FPU avait de fait commencé la guerre.
C'était cependant un argument discutable. "Praetor", lui rappela-t-il. "Est-il exact que les Sernaix ont récemment détruit l'un de vos Oiseaux de Guerre ?"
"C'est exact, oui."
"Alors je ne vois pas quelle preuve supplémentaire il vous faut pour vous convaincre que les Sernaix considèrent notre univers comme un tout unique. L'Empire Stellaire Romulien et la Fédération n'ont encore signé aucune alliance militaire. Les Sernaix ont détruit votre vaisseau car ils pensaient non pas que c'était justifié mais parce qu'ils sont tout simplement avides de combat."
"Si c'est un combat qu'ils veulent", grommela Martok, montrant ses dents en souriant, "ils ne verront pas l'Empire Klingon en fuite."
"Heureux de vous compter parmi nous, Chancelier", dit Ross en souriant. "Praetor Ru'Vraes, mon collègue a renforcé mon argument. Les Sernaix ont l'intention de tous nous détruire, et pas seulement la Fédération. Ne serait-il pas dans notre intérêt de joindre nos forces pour répondre à cette menace ?"
Ru'Vraes resta silencieuse un moment, puis se leva et annonça. "L'Empire Stellaire ne signera pas une alliance militaire avec la Fédération sans en discuter avec la plus grande vigilance. Je vous ferai savoir ma réponse dans sept jours." Sur ce, l'hologramme s'évanouit.
Mentalement, Warhol ajouta Romulus à la liste des alliés de la Fédération. Ru'Vraes avait fait ce qu'il fallait pour paraître non intéressée, mais il savait que le Praetor était convaincu. Ces dernières années de trêve avaient adouci les Romuliens, pensait Warhol avec une touche de regret. Le Tal Shiar dont il se souvenait n'aurait jamais laissé un Praetor aux idées si proches de la Fédération au pouvoir.
Le Grand Nagus Rom sourit. "Je me joins à vous !"
"Nous savons", dit Ross. "Cela fait cinq fois que vous le dîtes."
Le Nagus baissa la tête. "Désolééééééé", dit-il, obligeant Martok à se couvrir les oreilles de ses mains. Ross aurait voulu pouvoir faire de même.
Le Légat Gadur, qui était resté silencieux et pensif pendant toute la réunion, finit par se redresser et commença à parler. "Comme vous le savez", dit-il, "ce sont des temps difficiles pour l'union cardassienne. Nous sommes encore dans une phase de reconstruction après les pires destructions jamais subies par notre monde natal, que ce soit du point de vue des dommages ou du nombre de vies perdues. Les dommages peuvent être réparés, mais pas les vies. La dernière chose dont Cardassia ait besoin, surtout en ce moment, est une guerre. Cependant, je dois aussi admettre que nous sommes, par-dessus tout, un peuple d'honneur. Nous pensons ce que nous disons. Nous payons nos dettes. Pour l'instant, aussi peu disposés à l'admettre que ne le soient certains d'entre nous, l'Union a une dette envers la Fédération et ses alliés. Vous avez libéré notre peuple du joug du Dominion et rendu la liberté. Ce n'est que justice de devoir se souvenir de cela. Les forces cardassiennes ne sont plus ce qu'elles ont été. Notre puissance militaire n'est plus que l'ombre de celle qui était crainte dans des millions de secteurs il n'y a encore que quelques années. Mais nous sommes encore un allié puissant, et aujourd'hui je porte allégeance à la Fédération des Planètes Unies. Nous nous dresserons devant vos ennemis comme vous vous êtes dressés devant les nôtres."
Le Légat se leva, fit la révérence Cardassienne formelle, puis désactiva le transmetteur holographique.
Paris et Ross échangèrent un regard d'agréable surprise. Intérieurement, Warhol jura. Les Klingons et les Romuliens étaient des paramètres connus, et la section 31 s'était attendue à ce qu'ils se joignent à cette bataille, mais les Cardassiens ? D'après leurs simulations, leur honneur blessé aurait dû les garder hors de l'arène militaire pour les dix prochaines années. La dernière chose à laquelle quiconque dans la section s'était attendu était de la gratitude.
Warhol se demanda si Gadur lui-même avait recherché délibérément cet effet. Les Cardassiens étaient connus pour toujours agir en subtilité. Peut-être s'était-il engagé dans cette voie surprenante parce qu'il en avait envie. Mais là encore, connaissant la chute de l'ancien idéal Cardassien, il aurait pu aussi vouloir créer une voie différente pour voir si elle apporterait de meilleurs résultats. Ou bien encore tout cela n'était-il qu'un piège du nouvel ordre Obsidien ?
L'amiral vida de son esprit ce débat mental quand il remarqua que le Vorta, Eris 291, s'apprêtait à prendre la parole. "Amiraux", commença-t-elle, il est clair qu'il n'y a aucune attraction entre la Fédération et le Dominion."
"C'est vrai", admit Ross. "Tout comme il est clair que la guerre est encore fraîche dans nos mémoires."
Eris hocha la tête. "Mais l'Histoire a montré que la distance entre ennemi et ami est fortement réduite quand une nouvelle puissance entre en jeu. Sur votre monde, par exemple, les deux plus grands ennemis militaires de votre second conflit mondial ont ré-établi des liens étroits très tôt après la guerre quand une nouvelle menace s'est fait ressentir."
"Les Etats-Unis et l'Allemagne", reprit Paris. "A n'en pas douter, vous connaissez bien l'Histoire de la Terre."
"C'est dans les habitudes des Vortas de comprendre les mondes avec lesquels ils ont affaire", dit Eris avec un sourire. Mon argument, donc, est que cette nouvelle menace pourrait bien être suffisante pour faire disparaître l'animosité entre nos peuples. Mais cela n'a de sens que si les Sernaix sont une menace pour nos deux puissances. Il vous reste à me le prouver."
"Laissez-moi vous le présenter de la manière suivante", dit Ross. "Supposez que les Sernaix dominent le Quadrant Alpha et occupent tout le territoire de la Fédération. S'il y a une chose qui les intéressera, c'est bien le système de Bajor, sachant comme il a été d'une importance capitale dans la politique galactique de ces dernières années. Et ce n'est qu'à une courte distance du Wormhole."
"Vous oubliez quelque chose, Amiral. Le Wormhole est plus qu'un simple phénomène cosmique. C'est la demeure d'aliens qui ne laissent pas passer n'importe qui."
"Mais ils vous ont bien laissé passés, vous."
"Seulement au début. Je suppose que je n'ai pas à vous rappeler les pertes que nous avons subies quand les aliens ont décidé de révoquer cette décision."
"Mais ce n'est qu'après que vous vous soyez fermement installés ici. Pouvez-vous vraiment vous permettre de prendre le risque que les Sernaix se contentent de l'approbation des Prophètes, comme vous l'avez fait au début ?"
Eris fronça les sourcils. Ou bien était-ce un sourire ? "Vous marquez un point. Discutable, certainement, mais important. C'est suffisant pour en discuter avec les Fondateurs." Elle se leva. "Je leur soumettrai votre proposition, Amiral, et si elle leur convient, nous pourrions devenir très prochainement des alliés. Il sera étrange de s'y habituer. Cependant, l'effet des paroles du Légat Gadur ne vous étaient pas limité. C'est grâce à des penseurs avant-gardistes comme lui que Cardassia était un ajout désiré du Dominion."
Le Vorta secoua tristement la tête. "Si seulement ils avaient compris ce à quoi ils avaient tourné le dos."
"Je pense qu'ils en ont une idée assez claire", dit Warhol, sans se déranger de laisser transparaître sa colère dans sa voix. Il savait que les autres Amiraux penseraient que c'était l'attitude hautaine d'Eris qui l'avait mis en colère. En fait, c'était le fait que le Dominion, lui aussi, semblait sur le point de se joindre à eux dans cette guerre. Encore un autre de ces damnés facteurs inconnus ! Comment les simulations pouvaient-elles être si fausses ?
Les mains jointes, Eris s'inclina vers chacun des Amiraux. "Portez-vous bien. Je parlerai aux Fondateurs."
"Dites bonjour à Odo pour moi", lança l'Amiral Ross. En disparaissant, Eris semblait ennuyée d'entendre prononcer par un nom l'un de ses Dieux.
Martok secoua la tête. "Un 'peuple d'honneur', nuS (*) (ridicule). Les mouches à viande de mon Targ ont plus d'honneur qu'aucun Cardassien."
Warhol fronça les sourcils à cette généralisation, comme tout officier de Starfleet aurait dû le faire, mais Ross se contenta de sourire et se leva pour serrer la main de Martok. "C'était bon de vous revoir, mon vieil ami. Prenez bien soin de vous."
Le Klingon attrapa l'avant-bras de Ross et le secoua énergiquement. "Ha ! Gardez vos voeux pour mes ennemis. Il fera chaud sur Breen quand un homme réussira à m'avoir."
Relâchant le bras de l'Amiral, Martok se recula et resta un moment à contempler son propre bras. "Remarquable", médita-t-il, plus pour lui-même que pour quiconque d'autre dans la salle. "Pendant deux siècles, mon peuple a utilisé cette technologie, mais cela n'a jamais perdu de son pouvoir de surprise." Puis, d'un seul coup, le Klingon s'évanouit.
Les Amiraux passèrent un moment à réfléchir. Quelque chose était allé terriblement mal dans les projections de cette réunion, pensa sombrement Warhol. Il aurait dû y avoir des résistances, de la tension. Au lieu de cela, même les représentants Klingon et Romulien semblaient aller dans le sens de la Fédération. Il faudrait qu'il repense certains aspects du plan.
"Je me joins à vous !" cria Rom.
Certain qu'aucun membre de cette délégation ne lui en porterait rancune, Warhol désactiva l'hologramme du Nagus.
 
***
 
A bord du Voyager, Chakotay avait toujours adoré son bureau. Cela ne voulait pas dire qu'il y passait beaucoup de temps. En général, on avait plus de chances de le trouver dans ses quartiers ou au mess hors de ses heures de service. C'était intentionnel. Chakotay aimait tellement son bureau qu'il ne voulait pas en prendre l'habitude et perdre cette impression 'd'odeur de voiture neuve'. En y limitant son temps, il avait réussi à y garder de l'intérêt durant les huit années de leur voyage.
Le bureau du Premier Officier sur un vaisseau de classe Intrépide était parmi les plus larges ayant existé, puisque cette classe de vaisseaux avait été construite pour un équipage réduit. La perte de celui du Voyager était équivalente à une rétrogradation. Mais ça irait quand même, un petit bureau valait toujours mieux que rien du tout.
Malheureusement, Chakotay n'avait pas un petit bureau.
Assis dans ses quartiers à passer en revue les suggestions de changements des rotations de services, il fut surpris de vois combien ce bureau lui manquait. Les tâches mineures comme celles-ci étaient de celles qu'il gardait souvent à faire dedans. Cependant, se reprit-il, de tous les ajustements qu'il devrait faire dans sa nouvelle vie à bord du Logan, celui-ci était sans doute l'un des plus simples. De plus, c'était l'heure de se relaxer et de se reposer après une dure journée. Alors Chakotay s'assit sur la couchette et parcourut sa tablette. Il commença à siroter son thé, mais le recracha instantanément. C'était un thé immonde ! Qu'est-ce que ce réplicateur avait eu comme idée en lui produisant cela ?
Même les réplicateurs n'allaient pas... Catherine lui manquait.
La porte sonna.
"Entrez", dit le Premier Officier, reposant sa tasse d'ersatz de thé sur sa soucoupe.
La porte chuinta pour s'ouvrir. Derrière elle se tenait Sam Morgan, avec dans les mains une sorte de présent. "Hello, Patron !" dit-il. "Cadeau de bienvenue."
Chakotay était touché de l'attention. "Merci", dit-il chaleureusement, acceptant la boîte.
Alors qu'il s'apprêtait à l'ouvrir, Morgan leva la main et lui dit, "Il faut que je vous avertisse tout de suite, on dit qu'il vaut mieux se méfier d'un cake quand il offre un cadeau."
"Hein ? Que voulez-vous dire exactement par cake ?"
Morgan sourit. "Désolé. Je n'ai pas trouvé mieux pour rimer avec 'grec'."
En gloussant, Chakotay finit de déballer le cadeau. Dans la boîte, il découvrit une plante. Le Premier Officier l'inspecta pendant quelques secondes. "Oh ! Des orchidées de Vagran, n'est-ce pas ?"
"Dans le mille... enfin, c'est une plante. Ma soeur a toujours adoré ce genre de choses."
"La mienne aussi", dit Chakotay. "Maintenant, voyons où cela pourrait bien aller... ah, voilà un bon endroit." Il installa la plante dans le coin de la table basse à café, à côté de la fenêtre et la regarda là pendant un moment. "Heu, non. Ca ne va pas aller... C'est un bon emplacement, mais la couleur ne va pas avec les chaises. Ou est-ce que pourrais..."
"Une seconde", dit Morgan. "Essayez ceci." Il passa sa main sous le pot de la plante. Chakotay entendit un léger bip, et soudain, les pétales de la plante commencèrent à changer de couleur. Au bout d'un moment, Morgan rappuya, le bip retentit à nouveau, et le changement s'arrêta. "C'est mieux ?"
"Parfait", dit Chakotay, soulevant la plante, ébahi. "Comment arrive-t-elle à faire cela ?"
"Pour vous dire le secret, la plante n'est en fait qu'un simple hologramme. La base contient une version spécialisée de l'émetteur que votre Docteur a publié sans droit l'année dernière. Tout ce que vous avez à faire est d'appuyer une fois pour lancer le cycle et de rappuyer pour le stopper quand la couleur vous plaît."
"C'est une idée géniale. Qui l'a créée ?"
"J'en sais rien. J'ai eu les plans du réplicateur lors d'une permission, récemment. Mais le gars chez qui je l'ai eu m'a dit que ça avait déjà été créé par un hologramme."
Je me demande si le Docteur sait sur quelles applications son idéalisme a débouché, pensa le Premier Officier. J'espère que j'aurais l'occasion de le lui dire."
"Et bien, merci encore. Je vous en pris, asseyez-vous." Morgan prit un siège, et Chakotay se dirigea vers le réplicateur. "Puis-je vous servir quelque chose ?"
"Non. J'ai déjà trop bu d'univers."
"Pardon ?"
"C'est une longue histoire."
Chakotay revint avec une nouvelle tasse de thé, recyclé de la précédente. Il en but une gorgée, l'avala, posa la tasse, et repartit chercher son phaseur.
"Un problème avec le thé, grand chef ?"
"Non, non, pas avec le thé. Le problème vient du réplicateur. Entre nous, savez-vous s'il existe une règle qui interdise de tirer au phaseur sur ses appareils ?"
"Probablement pas exactement en ces termes."
"Et bien alors ce sera parfait pour moi."
En attendant que Chakotay revienne, Morgan prit la tasse et en but une gorgée pour voir jusqu'à quel point c'était mauvais. A sa surprise, le thé sembla tout à fait correct. "Heu, Commandeur ? Je ne vois pas quel est le problème avec ce thé."
Chakotay revint et essaya une nouvelle gorgée. "Et bien, entre autre le fait que cela ait le goût d'un liquide de frein."
"Hein ?"
"Désolé, j'ai dû passer un peu trop de temps en compagnie de Paris. Tout ce que je voulais dire était que cette boisson, quoi que ce soit, n'a rien à voir avec le mélange traditionnel de ma famille."
Morgan cilla. "Vous n'êtes pas de la famille des Earl Grey ?"
"Earl Grey ?"
"Oui, m'sieur. C'est le favori du Chef. Il l'a programmé par défaut dans les systèmes du réplicateur. Je pensais que vous saviez."
"Mais je ne me suis pas contenté de dire 'thé', j'ai spécifié le mélange. J'ai apporté le programme moi-même..."
"Ca ne change rien. Décision du Chef. Je l'ai entendu expliquer une fois, 'si un officier n'est pas capable de boire de mon thé, il n'est pas capable de diriger mon navire."
Chakotay n'en croyait pas ses oreilles. Il avait vu de drôles de commandement auparavant, mais jamais de ce genre ! "Et moi qui pensais que Catherine prenait sa boisson trop au sérieux..."
"Catherine Janeway ?" demanda Morgan, l'air un peu affolé en prononçant ces mots.
"La seule et unique. Si elle n'avait pas son café du matin, il y avait une planète en pièce avant le soir."
Morgan sourit. "Ca devait être spécial de servir sous son commandement." Après un moment de silence pendant lequel Chakotay essayait de comprendre comment il devait prendre cette remarque, le Lieutenant reprit. "Bon sang, si la moitié des histoires que j'ai entendues sur elle sont vraies, je suis étonné qu'il vous ait fallu si longtemps pour rentrer sur Terre. Dites-moi, est-il vrai que lorsque la Reine Borg a choppé l'un des membres de l'équipage, elle a foncé jusqu'au coeur du territoire Borg pour obliger la Reine à la lui rendre ?"
Chakotay afficha sa fierté. "C'est la pure vérité."
"Et ce qu'on dit sur la première fois que vous avez réussi à revenir, qu'il y avait deux versions d'elle-même travaillant ensemble pour y arriver ?"
"Encore exact." Le Premier Officier repensait encore à ce moment avec joie, en dépit de la brièveté de leur retour à la maison. Travailler avec deux Catherine Janeway avait été une expérience inoubliable.
"Waouh." Morgan s'adossa sur son siège, émerveillé de ce qu'on collègue avait dû vire. "J'aurais voulu faire partie de ce voyage. Ca a dû être un voyage d'enfer."
"Vous pouvez le dire", répondit Chakotay, sans toutefois pouvoir s'empêcher de laisser transparaître de la tristesse dans sa réponse. Intérieurement, il savait qu'il parlait de l'épopée du Voyager au passé, mais qu'en fait, ce n'était pas fini. Il était toujours là-bas, quelque part... Son histoire était toujours en cours d'écriture. Seulement, il n'en faisait plus partie."
La mélancolie du Commandeur n'échappa pas à Morgan, pas plus que cela ne lui avait échappé durant le reste de la journée qui venait de s'écouler. Il était temps de crever l'abcès. "Hé, chef... Vous avez quelque chose qui vous trotte dans tête, non ?"
"Ce n'est rien", répondit Chakotay. "Ne vous inquiétez pas de ça."
"Vous ne voulez pas en parler, vous voulez dire."
Il soupira. "Je ne veux pas embêter les autres avec mes problèmes."
"De quel genre de problème parlez-vous ?"
"Ecoutez, comme je viens de dire, je préfère ne pas en parler. Pouvons-nous changer de sujet ?"
"En fait", dit Morgan, dont le ton était soudainement devenu beaucoup plus sérieux, "non. L'une de mes tâches est d'identifier et de résoudre les problèmes qui apparaissent sur ce navire. Si vous avez des inquiétudes, je suis celui à qui il faut en parler."
Le saut du personnel au professionnel prit Chakotay par surprise. Il a raison, pensa-t-il. Tant qu'il n'aurait pas une réponse, il resterait sur sa présomption que ces 'problèmes' étaient de son ressort. Il n'avait pas caché cela avec assez de soin, et maintenant, il devait s'expliquer. Mais pouvait-il lui faire confiance ? Le Premier Officier décida qu'il le pouvait probablement.
"C'est à propos du Capitaine Grant, Sam. Il est rude, contradictoire... Je suis inquiet de son jugement."
"Je ne dirais pas que vous avez tort, chef. Mais je sers sous ses ordres depuis quelque temps, et jusqu'à maintenant, il me semble parfaitement stable."
"Vous avez sans doute raison." Chakotay fronça les sourcils. "Il y a quelque chose dans toute cette histoire qui me donne l'impression qu'autre chose se passe, caché derrière ces apparences. Je voudrais juste savoir en qui je peux avoir confiance."
Désormais sérieux comme un mort, Morgan se pencha en avant. "Pour ce que ça vaut... Vous pouvez avoir confiance en moi."
"J'apprécie", dit le Premier Officier. Les deux hommes se serrèrent fermement la main.
Morgan se leva et croisa les bras. "Bon, il faut que j'y aille... Vous tenez le coup, d'accord ?" Chakotay hocha la tête et le Lieutenant sortit de ses quartiers.
"Vous pouvez avoir confiance en moi", répéta Chakotay dans sa tête. Il espérait que ce serait suffisant.
 
***
 
Depuis ses quartiers, Marsha Jones écoutait la conversation entre Chakotay et Morgan avec inquiétude. Ce nouveau Premier Officier pourrait devenir un risque sérieux...
 
***
 
"Le risque fait partie du jeu", déclara Sycorax. "C'est la raison d'être des Sernaix. Une bataille sans élément de risque n'est pas une bataille."
L'officier Johns soupira en lui-même. "Loin de moi toute idée de vous demander d'enlever la part d'amusement de votre guerre. Tout ce que je dis est qu'il serait peut-être plus prudent de changer de théâtre d'opérations pendant un certain temps. Le quadrant Alpha est en plein changement en ce moment. Des alliances se forment. Il est concevable que les forces combinées de Starfleet et de ses alliés soient capables de vous vaincre."
Sycorax sourit d'un air effrayant. "Bien ! J'adore les défis, et il y a si longtemps que mon peuple n'en a pas eu un vrai."
"Mais ne pensez-vous pas qu'il serait..."
"NON !" rugit la matriarche, soudainement si furieuse que Johns recula de plusieurs pas. "Notre but n'est pas le même que celui de votre insignifiante section ! Nous capturerons le Voyager ! Nous récupèrerons l'Etre Touché ! Tout le reste n'est que secondaire !"
"Recevez mes excuses, Sycorax", dit Johns avec une révérence. Il reconnaissait quand une conversation était finie. "Puisse la campagne du quadrant Alpha continuer d'apporter la gloire dans le Royaume."
"De cela", répondit Sycorax, "je n'en ai aucun doute."
 
***
 
"J'ai essayé de la persuader, Amiral, mais elle ne voulait pas en entendre parler. L'idée que Starfleet soit rejoint par des alliés a en fait rendu la guerre encore plus attractive pour elle."
Warhol fronça les sourcils. "C'est du Sycorax tout craché. Ces Sernaix doivent avoir du sang Klingon caché quelque part en eux. Aucun doute que le Chancelier Martok serait heureux d'entendre cela."
"Monsieur, pensez-vous qu'il est temps de passer à la phase quatre ?"
L'Amiral réfléchit une minute. "Non, non... C'est trop tôt. Nous sommes toujours dans les limites acceptables des paramètres de la phase trois pour l'instant."
"Pour être honnête, Monsieur, je deviens extrêmement mal à l'aise face à toute cette situation. Je pense que nous devrions penser à accélérer l'allure. Travailler avec les Sernaix augmente de plus en plus les risques au fur et à mesure que la guerre s'intensifie."
"Monsieur Johns, je n'ai pas besoin de vous rappeler que nous faisons cela pour le bien de la Fédération. Tout doit être considéré dans cette perspective. Nous engagerons la bataille contre les Sernaix quand les probabilités de succès seront les plus fortes, et pas avant. Suis-je bien clair à ce propos ?"
Johns se redressa. "Parfaitement clair."
"Heureux de l'entendre. Disposez."
L'exécutant se retourna pour partir. En s'approchant de la porte, il entendit Warhol ajouter, "Continuez juste de faire de l'aussi bon travail, Officier. La phase quatre arrivera bien assez tôt." L'Officier hocha la tête et sortit.
Son travail pour la section étant réglé pour le moment, Warhol regarda la pile de tablettes sur son bureau et soupira. Il saisit celle du dessus. Hum... Le dernier rapport de Thalia. Cela devrait être intéressant. Il venait de commencer à lire le contenu de la tablette quand la porte sonna à nouveau.
"Entrez", dit Warhol, se demandant qui cela pouvait être. Il n'avait de rendez-vous avec personne cet après-midi.
La porte glissa, laissant entrer l'Amiral Ross. "Alistair. Est-ce que je vous dérange ?"
"Pas du tout. Me m'occupais juste de paperasse", dit-il en montrant la pile de tablettes. "Prenez une chaise."
Ross s'assit. "Je me demandais ce que vous pensiez à propos de la réunion d'aujourd'hui. D'après moi, ça a été un succès, plus que je ne l'aurais jamais cru possible. Mais il m'a semblé que vous ressentiez les choses différemment."
"Ah oui ?" Ce doit être ce Ferengi qui a déteint sur moi."
"Le Grand Nagus Rom", gloussa Ross. "Déjà trois ans de passé, et je n'arrive toujours pas à y croire. Ceci dit, je ne pense tout de même pas que vous ayez été satisfait des résultats de cette réunion. Qu'est-ce qui vous ennuyait ?"
Warhol soupira. "Je ne pense toujours pas que nous puissions leur faire confiance, Bill. Les Klingons, d'accord. Les Romuliens, peut-être. Mais les Cardassiens ? Le Dominion ?"
"Croyez-moi, je comprends ce que vous ressentez. J'ai envoyé certains des meilleurs officiers que j'ai jamais connus à la mort contre eux. Mais nous devons être honnêtes en regardant cette situation. Nous devons admettre que les Sernaix sont bien plus que ce que Starfleet ne peut en supporter seul. Si l'aide nous vient d'un ennemi, alors il nous faut apprendre à l'accepter."
"Peut-être", répliqua-t-il. "Peut-être pas. L'aide de certains ennemis est encore plus dangereuse que la menace actuelle. Avez-vous pensé aux rapports de Starfleet sur les traités avec les Borgs ?"
"A ce que je sache, il n'y en a eu qu'un."
"Et les Borgs sont revenus dessus à la première opportunité. Grâce à l'inconscience de Janeway, il s'en ait fallu de peu qu'ils n'assimilent son vaisseau, et ils auraient alors été prêts à venir pour nous."
"C'était aussi 'l'inconscience' de Janeway qui nous a préservé de l'Espèce 8472 dans la galaxie", contre-attaqua Ross. "Je dirais que c'était un bon parti."
"A chacun le sien."
Ross se pencha en avant. "Laissez-moi deviner. La section 31 n'est pas très chaude envers une alliance avec le Dominion."
"Je n'en sais rien."
"Oh, arrêtez !" dit Ross, l'air visiblement ennuyé. "Nous savons tous les deux parfaitement que vous travaillez avec eux. Je veux savoir ce qu'ils pensent de cette affaire."
Warhol fronça fortement les sourcils. "Vous savez bien que je ne peux rien vous dire, Bill."
"Alors dites-moi à quel point ils sont impliqués. Travaillent-ils avec l'une des autres puissances ? Ou peut-être contre l'une d'entre elles, disons... les Romuliens ?"
"Cette conversation ne nous mènera nulle part ni l'un ni l'autre. Je suggère que nous arrêtions là." Warhol reprit sa tablette.
Ross l'arracha violemment de ses mains. "Alistair... Nous sommes amis depuis longtemps maintenant. Pensez-vous vraiment que j'aille me retourner contre vous ? J'ai travaillé avec 31 moi-même... Presque tous l'avons déjà fait au moins une fois ou une autre. Cela ne signifie pas que je ferme les yeux sur ce que j'ai fait ou ce que vous faites, mais cela signifie que vous pouvez me faire confiance. Tout ce que je veux, c'est savoir ce qui se passe."
"Je vois où vous voulez en venir", soupira Warhol. "Vous savez qu'il y a des informations qui pourraient vous aider à mieux comprendre cette situation."
Ross hocha la tête. "C'est la seule information que je cherche à savoir." Il déposa son communicateur sur le bureau.
"Très bien." Warhol détacha son propre communicateur et regarda Ross dans les yeux. "La section dirige actuellement une opération d'investigation de grande envergure sur Cardassia Première. Nous avons des raisons de penser que le Légat Gadur est en communication avec le Vorta pour essayer de négocier une nouvelle alliance avec le Dominion."
Ross était stupéfait. "Alors la mission d'Odo auprès des Fondateurs a échoué ?"
"Nous n'en sommes pas encore certains. Il est possible que, après avoir été guéri par lui, les autres shapeshifters l'aient convaincu de leur cause par le Grand Lien au lieu du contraire. Jusqu'à ce que nous en sachions plus, la Section ne veut pas risquer de travailler pour quoi que ce soit avec Gadur."
Warhol remit en place son communicateur. Il l'avait gardé dans la main pendant toute son explication. Ross reprit le sien et le renclencha. "Vous comprenez", dit-il, "que je ne peux laisser ces suspicions influencer mes décisions concernant Cardassia jusqu'à ce qu'elles soient confirmées."
"Si, et quand, elles seront confirmées, je m'assurerai que vous le sachiez."
"Merci." Toujours assez choqué, Ross sortit du bureau.
Seul à nouveau, Warhol fronça les sourcils. Il n'y avait rien de plus difficile que de mentir à un ami, surtout dans la confidence. Mais l'Amiral Ross ne pouvait pas être autorisé à connaître l'agenda réel de la section 31. Le danger qui les concernait tous, et Ross par-dessus tout, serait trop important. Mieux valait qu'il entende un conte fabriqué de toute pièce mais crédible à propos de tricherie cardassienne.
La véritable histoire devait être limitée à ceux qui pourraient l'utiliser pour le bien de la Fédération. C'était la seule et plus grande règle de la section 31... Sa Directive Première, pensa Warhol avec ironie. Du coup, peu de gens travaillaient avec 31. Mais c'était suffisant.
Des gens comme Warhol. Des gens comme Thalia, dont il lisait maintenant la tablette avec intérêt.
 
***
 
Dans le secteur de l'espace que les Klingons appelaient le Re'fruPaQ profond, une bataille glorieuse fait rage !
Paradant dans le secteur en formation armée arrivent neuf vaisseaux Klingons. Neuf puissants défenseurs de l'Empire. Chacun porte en lui une dizaine de guerriers, le sang chaud circulant dans leurs veines, leur coeur brûlant d'impatience d'une victoire glorieuse.
Devant eux, l'ennemi ! Un vaisseau géant empli des sombres et dégoûtantes forces Sernaix. Un ennemi à leur taille.
Vaillamment, le croiseur d'attaque de classe Vor'cha du Général Gagruk mène l'attaque. Il fonce droit sur le monstrueux vaisseau ennemi, ses disrupteurs lançant des rayons rouges. Derrière lui, de chaque côté, arrivent quatre croiseurs de bataille de classe K'tinga. Ils chargent leurs tubes à torpilles pour faire jaillir le sang de l'ennemi à travers tout le secteur. Et derrière eux, quatre nobles oiseaux de proie engagent leur dispositif de camouflage. Ils réapparaîtront pour attaquer lorsque l'ennemi s'y attendra le moins.
Les tirs puissants du vaisseau amiral atteignent leur cible. La cible tremble. Rien ne peut tenir tête à la puissance de l'Empire Klingon !
Maintenant, le vaisseau nodal entre sérieusement dans la bataille. Ses rayons hideux balayent le champ de bataille, tentant de se verrouiller sur un navire Klingon. Mais ils échouent. Les pilotes de l'Empire sont habiles et rapides !
Les rayons rebalayent le champ. Cette fois, un croiseur de combat est touché ! Il ne peut survivre à ces dommages, alors il se précipite pour la gloire de l'Empire pour éperonner le vaisseau ennemi.
Les armes des Klingons surgissent de tous côtés. Enragés par la mort de leurs camarades, les guerriers exigent le sang pour le sang ! Leurs disrupteurs crachent leurs rayons. Leurs torpilles jaillissent vers l'ennemi.
Mais le vaisseau nodal est fort. Pratiquement indemne, il lance ses propres torpilles. Deux croiseurs de combat supplémentaires sont détruits. Le sang d'autres guerriers Klingons crie vengeance !
Les oiseaux de proie réapparaissent et se lancent à coeur perdu contre l'ennemi. Mais le vaisseau Sernaix verrouille sur eux ses rayons tracteurs. Incapables d'échapper aux rayons, les oiseaux de proie sont jetés les uns contre les autres et explosent !
Désormais, les deux navires Klingons restants changent de trajectoire et se dirigent vers une planète dont le champ de gravité perturbe complètement les tirs de l'ennemi. Les rayons du vaisseau nodal manquant tous leurs cibles et les puissants navires Klingons commencent à affaiblir les boucliers avant de leur ennemi. Le vent de la bataille commence à tourner !
Mais voilà que le vaisseau nodal est parvenu à compenser le gradient de gravité. Ses rayons rejaillissent de nouveau et frappent leurs cibles. Les deux gros navires Klingons se mettent à spiraler en chute libre dans l'atmosphère, incapables de redresser le cap. Les Sernaix lancent leurs éclaireurs pour engager la poursuite.
Aujourd'hui est un bon jour pour mourir ! Battez-vous, puissants guerriers ! Pour l'Empire !
 
***
 
"Dix", dit soudain Shari Young.
Tout le monde le regarda. "Dix quoi ?" demanda le Capitaine Grant.
"Dix", répéta-t-elle, avant de se retourner de nouveau face à sa console.
Il y eut un moment de silence. Chakotay regarda Grant, l'air perplexe. Le Capitaine ne put que hausser les épaules.
"Dix", redit Young, cette fois-ci avec plus d'insistance.
D'un seul coup, le visage de Sam Morgan s'éclaira. "Neuf", dit-il triomphalement.
"Bien !" dit Young en lui souriant. Morgan regarda les autres, l'expression suffisante.
Chakotay ne comprenait rien. "Que faites-vous exactement..."
"Huit !" s'exclama Mike Mool depuis la console d'ingénierie. Il semblait plutôt satisfait de lui-même, ce qui était rare, d'après l'expérience de Chakotay.
Young lui jeta un regard de travers à Morgan. "Hum... tu crois ?"
"On peut probablement accepter cela", dit Morgan, laissant paraître sa réflexion intense sur la question.
"Ca va, ça suffit maintenant", dit Grant, bondissant sur ses pieds. "Equipage, que signifie tout cela ?"
"Dix", dit patiemment Young.
"Neuf", enchaîna Morgan.
"Huit", poursuivit Mool.
Grant leur adressa un regard furieux, puis sembla se résigner. "Sept", tenta-t-il.
Les trois Officiers se tournèrent vers lui. "NON !" lancèrent-ils tous d'une seule voix.
Young sourit. "Désolé, chef. Vous avez perdu. Bonne chance pour une prochaine fois."
"Mais... Mais..."
"Asseyez-vous !"
Au grand étonnement du Premier Officier, Grant obéit, reprenant sa place. "Je déteste quand ils font cela", murmura-t-il à Chakotay en se rasseyant.
Du fond de la passerelle, Bruner tenta sa chance. "Onze ?"
Morgan regarda Young. "Je ne sais pas, Shar. Je n'ai pas l'impression qu'il en soit certain."
"Pas certain du tout", acquiesça Young. "Désolé, Barry. Tu as aussi perdu. Et honte à toi d'avoir essayé au hasard."
La mâchoire de Bruner s'affaissa, mais Chakotay sourit. Il avait fini par comprendre ce qui se passait. Il se leva, embrassa du regard toute la passerelle, et annonça fièrement son chiffre. "Huit."
"Excellent !" dit Young. Morgan regarda Chakotay et leva le pouce en signe d'accord.
Grant, par contre, semblait plus perdu que jamais, et Jones pas beaucoup mieux. "Puis-je leur dire ?" demanda le Premier Officier dans l'impulsion.
Young réfléchit. "Je ne sais pas. Ils pourraient encore deviner par eux-mêmes."
"Exact. Nous ne voulons pas les priver de la joie de la découverte, après tout." Chakotay sourit à Grant, qui était sur le point de répondre quand..."
"Arrivée d'un message, chef ! On dirait qu'il y a une bataille contre des Sernaix à cinq secteurs d'ici."
Grant se leva, prêt à l'action. "Qui les combat ?"
"Les Klingons. Le message dit qu'ils avaient neuf vaisseaux au départ et plus que deux désormais, contre un vaisseau nodal de gros calibre"
"On y va. Activez le système de camouflage et préparez-nous pour la vitesse de distorsion maximale. "Alerte rouge !" Le Capitaine s'assit et attendit la seconde nécessaire pour que ses officiers fassent leurs rapports.
"Boucliers prêts à cent pourcents !" déclara Chakotay.
"Systèmes d'armement armés !" dit Bruner.
"Camouflage actif !" clama Morgan.
"Le coeur est prêt... Nous sommes parés à passer en vitesse de distorsion !" finit Mool.
"Quelle direction, Barry ?" demanda Young, entrant déjà les nombres qu'elle connaissait.
L'Officier tactique vérifia la source du message de détresse. "Trois, Deux, Neuf, marque Zéro", répondit-il. "Les Klingons appellent l'endroit le Re'fruPaQ profond."
Young termina de programmer la trajectoire. "Nous sommes prêts, à votre signal, Chef."
Grant n'hésita pas un instant. "Lancez la chasse."
 
***
 
Pendant le court voyage en distorsion, le Capitaine Grant rappela à l'équipage que cela restait une mission d'observation. Ils seraient prêts au combat, juste au cas où, mais n'entreraient pas dans la bataille à moins que leur propre survie ne soit en jeu. Chakotay ne put que secouer la tête face à l'absurdité de cette situation, un geste que Jones nota du coin de l'oeil et s'assura d'ajouter à sa liste mentale.
Enfin, le Logan rentra dans l'espace relativiste Einsteinien, dans le secteur du Re'fruPaQ profond. Suivant les indications du message d'alerte, le navire localisa la planète où l'attaque s'était passée et s'y plaça en orbite standard.
"Senseurs", dit Grant. "Qu'est-ce que nous avons ?"
Jones regarda le résultat de ses balayages et fronça les sourcils. "Aucun vaisseau resté intact, Chef, mais je détecte un grand nombre de débris Klingons. Un certain nombre se trouvent à la surface de la planète."
"Des signes de vie ?"
"Quelques-uns", dit Chakotay. "Très faibles. Je ne peux pas dire d'ici s'ils sont Klingons ou autres."
"Alors il va falloir que nous le déterminions par nous-mêmes", dit Grant. Il se dirigea vers la porte. "Jones, Bruner, vous venez avec..."
"Monsieur", l'appela Chakotay. Le Capitaine s'arrêta. "Nous ne savons pas quelle sera la situation là-bas. Vous ne devriez pas vous exposer à des risques en partant à la tête de l'équipe."
"Je suis au courant des règles, Commandeur..."
"Alors, avec tout votre respect, je pense que vous devriez les suivre. Je peux gérer ce qui se passera en bas, quoi qu'il arrive. Le vaisseau a besoin de vous ici."
Grant regarda longuement Chakotay, l'expression indéchiffrable, puis finalement abandonna. "Très bien. Monsieur Chakotay, choisissez votre équipe et allez enquêter sur le site du crash."
Chakotay était déjà debout. "Monsieur Bruner, Monsieur Morgan, Lieutenant Jones. Nous partons." Les trois officiers lui emboîtèrent immédiatement le pas. Après que les portes de l'ascenseur se soient refermées derrière eux et que les membres restants se soient remis à leur place, il y eut un long silence. Grant remua dans son fauteuil, perdu dans ses pensées. Finalement, il reprit la parole.
"Douze ?"
"Non, Monsieur", dit Young avec une expression de pitié.
 
***
 
Chakotay et son équipe se matérialisèrent dans une zone rocheuse, entourée des débris du massif croiseur d'attaque Klingon. "Classe Vor'Cha", dit Bruner, reconnaissant immédiatement la coque bleu-vert.
"Vous êtes sûr ?" demanda Chakotay. L'Officier hocha la tête. "Ce n'est pas bon signe. Ces vaisseaux sont parmi les plus résistants que les Klingons ont. En avoir perdu un est une catastrophe pour eux."
"Sans mentionner ce que cela nous dit sur les capacités des Sernaix", ajouta Jones.
"Croyez-moi, Lieutenant, je sais tout des capacités des Sernaix. Ceci est l'une des manifestations les moins impressionnantes de leur travail que j'ai eu l'occasion de voir."
Jones était sceptique. "Alors comment le Voyager a-t-il pu survivre seul ?"
"La chance", dit juste Chakotay. Puis il distribua le travail à faire. "Jones, Bruner, concentrez-vous sur la détection de signaux vitaux. Morgan, contrôler les débris à la recherche de traces Sernaix. Je vais enregistrer la scène du crash pour analyse ultérieure. Dirigeons-nous dans cette direction."
L'équipe commença à marcher, chaque officier se concentrant sur son tricordeur. Soudain, Bruner s'exclama. "Commandeur ! Par là !" Il pointa vers la gauche et commença à courir. Les autres se pressèrent pour le rattraper.
Au sommet d'une petite colline naturelle, Bruner s'arrêta et ne put que contempler la scène. En dessous de lui se trouvait un véritable champ de corps Klingons.
"Barry !" Morgan arriva à hauteur de Bruner et découvrit la scène. "Oh mon Dieu. Ces gars ne se sont pas laissé tuer facilement."
Chakotay et Jones arrivèrent, et le Premier Officier réagit promptement devant la situation. "Nous allons examiner ces corps en quête d'informations qui pourraient nous aider. Il est aussi possible que certains soient encore en vie, avec des signes vitaux trop faibles pour que nos instruments ne les aient détectés. Morgan, vous allez chercher après d'éventuels survivants. Bruner, vous et moi allons examiner la cause des blessures mortelles pour déterminer ce qui les a tués. Jones, réglez votre tricordeur sur bande large et enregistrez tout ce que vous pouvez. Allons-y !"
L'équipe d'exploration descendit l'autre versant de la colline. Jones se plaça sur un point au centre et scanna dans toutes les directions. Morgan baladait rapidement son tricordeur au-dessus de chaque Klingon, espérant en vain détecter un quelconque faible signe vital. Chakotay et Bruner atteignirent le premier corps. Le Premier Officier s'agenouilla pour regarder de plus près.
"Hum... Perforations, au centre du torse. J'imagine que les Sernaix, si les attaquants sont bien les Sernaix, ne savent pas où se trouve le coeur des Klingons. Etes-vous d'accord, Lieutenant ?"
Il y eut un silence, puis Bruner dit, "Oui, Monsieur."
Inquiet, Chakotay se releva et observa son équipier. L'homme fixait des yeux le corps, un masque indéchiffrable sur le visage. Sa peau avait pris un teint typiquement verdâtre. Cela rappelait de mauvais souvenirs à Chakotay, du temps où il voyait cette expression sur les visages des nouveaux membres du Maquis, juste après leur première bataille.
"Barry", demanda-t-il d'une voix la plus douce possible, "est-ce que ça va aller ?"
Bruner hocha la tête. "Oui, Monsieur. Ca ira. Cela fait juste longtemps que je ne me suis pas retrouvé sur un champ de bataille, et je n'en ai jamais vu d'aussi sanglant."
"Ca n'est jamais facile, Lieutenant. Il y a des..."
"Aaaaaaaaaa !"
Bruner se retourna d'un coup. "C'était la voix de Marsha !"
"Elle n'est pas... ?" Chakotay regarda autour de lui. Jones était effectivement manquante. Il se mit immédiatement à l'action. "Allons-y ! Morgan, restez ici et gardez la position. Bruner et moi allons voir !" Acquiesçant d'un air sérieux, Morgan se dirigea vers le centre du champ et dégaina son phaseur.
Piquant un sprint, Chakotay et Bruner atteignirent la source du cri en dix secondes. C'était un autre monticule de débris Klingons. En les voyant, Jones sortit de l'autre côté de l'entassement et appela désespérément. "Monsieur ! J'ai relevé des signaux Sernaix, ils..."
La phrase de Marsha Jones s'interrompit brutalement, couvert par un bruit sourd avant qu'elle ne s'écroule, face à terre. Chakotay vit le sang jaillir abondamment de son dos. La blessure ne pouvait être que mortelle. Il se força à déconnecter le corps à ses pieds et l'être humain qu'elle avait été. Cela viendrait plus tard. L'action avait priorité pour le moment.
Le Premier Officier leva la tête et vit, debout à environ vingt mètres de lui, un Sernaix solitaire, sérieusement blessé. La créature tentait d'attraper un autre couteau. "Bon Dieu ! Bruner, prenez garde !"
Les deux Officiers n'eurent que le temps de s'écraser au sol et sentirent le souffle de la seconde lame du Sernaix leur passer au-dessus. Réfléchissant avec rapidité, Chakotay courut se mettre à couvert derrière une épave de cockpit, Bruner le suivant immédiatement derrière. "Chakotay au Logan ! Nous avons besoin d'une téléportation d'urgence !"
Chakotay reconnut la voix de l'Enseigne Russell de l'autre côté. "Monsieur, il y a quelque chose dans les décombres qui dérègle le rayon porteur. Il va nous falloir une minute pour nous verrouiller sur vous..."
Les deux hommes se protégèrent d'une autre attaque du Sernaix, mais la créature ne semblait pas pressée. Elle souffrait visiblement énormément de ses blessures, et son attention était focalisée sur Jones. Se tenant au-dessus de sa proie, le Sernaix la souleva par les cheveux et retira son communicateur.
Bruner fixa le Sernaix, enragé et dérouté. "Qu'est-ce que cette chose va faire de son..."
Le badge commença à rayonner.
"Oh, non", dit Chakotay. "Il l'a identifié à une source d'énergie."
Le rayonnement devint de plus en plus brillant, jusqu'à ce qu'ils doivent se protéger les yeux. Quand ils purent rouvrir les yeux, le badge avait disparu, et le Sernaix se tenait droit, toute trace de ses blessures disparues. Sans effort apparent, il jeta Jones à cinq mètres de lui.
Tandis que le monstre attendait, debout, d'intégrer l'énergie reçue, la voix de Russell revint. "Monsieur, j'ai surmonté les interférences, mais je ne détecte que trois d'entre vous !"
"Préparez-vous à nous téléporter." Le Premier Officier se tourna vers Bruner et murmura. "L'un de nous deux doit aller là-bas pour établir un contact avec Jones, afin de pouvoir la téléporter. Si nous la ramenons à temps à bord du vaisseau, alors il se peut qu'il y ait encore une chance."
Bruner hocha la tête avidement. "Je vais faire distraction. Vous aller chercher Marsha."
"D'accord. Allons..."
"Bâtard !"
Les officiers levèrent la tête et virent Sam Morgan hurler contre le Sernaix. Avec un taux d'adrénaline anormalement élevé, le chef de la sécurité esquiva une lame lancée contre lui et chargea l'extraterrestre, préparant son phaseur. Non ! pensa Chakotay. Il ne savait pas que le Sernaix pouvait se nourrir de l'énergie de leurs armes... Il n'y avait qu'une seule chance de pouvoir sauver la vie de Morgan. "Russell, énergie ! Maintenant !"
Pendant un moment interminable, Morgan s'approcha de plus en plus près du Sernaix. Il n'aperçut pas les quatre lames jusqu'au moment où elles se retrouvèrent prêtes à frapper, dans les mains de l'extraterrestre. Chakotay ne pouvait que regarder la scène, impuissant, tandis que les couteaux se levèrent pour aller à la rencontre de la tête non protégée de Morgan...
...Et simplement passer à travers, la lumière du téléporteur rayonnant autour dans l'air désormais vide.
Chakotay et Bruner se rematérialisèrent, toujours accroupis, sur les plots de téléportation. Morgan, emporté par son inertie, continua droit dans le mur du fond. Le chef de la sécurité heurta le mur avec un coup sourd, se rendant soudain compte que le Sernaix n'était plus là, et réalisant qu'il était de retour à bord du Logan. Il chercha immédiatement après Jones. Ne la trouvant pas, il se retourna et exigea de Russell, "Qu'est-ce qui s'est passé ? Téléportes-la !"
"Je... Je suis désolé, Monsieur. J'ai déjà eu beaucoup de mal à vous avoir tous les trois. Sans communicateur et avec ces interférences, il n'y aucun moyen de..."
Morgan n'écoutait plus. Au lieu de cela, il se retourna vers Chakotay, qui venait juste de se relever, et le projeta contre le mur. "Soyez maudit !" cria-t-il. "Vous savez ce que vous venez de faire ?"
Chakotay ne pouvait répondre. Il n'y avait rien à dire.
Ses yeux remplis de larmes, Morgan tenta à nouveau d'assener un autre coup à Chakotay, mais cette fois avec moins de force, et le Premier Officier le bloqua facilement. Morgan leva son autre poing puis, incapable d'en supporter plus, tomber à genoux et fondit en larmes.
 
***
 
"Marsha Jones", dit-il, "servait sous mes ordres depuis dix ans. C'était l'un des meilleurs officiers que j'ai jamais eu le privilège d'avoir sous mon commandement."
"Je ne peux sans doute pas imaginer ce que vous ressentez", dit Chakotay avec autant de sympathie dont il pouvait faire preuve étant données les circonstances. Il n'avait connu Jones que pendant un temps très court, mais sa mort l'avait pourtant secoué. Personne ne méritait une mort si soudaine et violente. Grant aussi devait être terriblement retourné.
Mais Chakotay n'aimait pourtant pas le sens que cette conversation prenait.
"Vous me dîtes que l'attaque a été trop soudaine pour être évitée", continua le Capitaine. "Etes-vous vraiment certain de ça ?"
"Ca a été trop soudain même pour être prévisible. Monsieur Bruner et moi n'avons absolument rien vu jusqu'à ce qu'elle s'écroule, déjà morte." Est-ce que la lumière dans le bureau n'était pas plus sombre qu'à l'accoutumée ?
"'Déjà morte'. Comment pouvez-vous être sûr de cela ?"
Chakotay respira profondément. "La lame sortait de la région du coeur. Des blessures comme cela sont..."
"Etes-vous Docteur, Monsieur Chakotay ?"
"Non, Monsieur."
"Alors comment pouvez-vous avoir autant d'assurance dans votre diagnostic de terrain ?"
"Il fallait que je prenne une décision rapide. Le reste de l'équipe était en danger."
"Vous avez estimé, alors, que les trois d'entre vous qui restaient n'étaient pas assez nombreux pour battre un seul Sernaix ?"
Maintenant, le Premier Officier commençait à être réellement en colère. "Les Sernaix sont sans doute l'espèce à la force physique la plus impressionnante que j'ai jamais eu l'occasion de rencontrer. Le danger était trop grand."
"Trop grand ? Si grand que ça ait supplanté la chance de sauver la vie de Marsha ?"
C'en était trop. "Permission de parler librement", demanda-t-il. Le Capitaine le regarda furieusement, mais acquiesça. "Monsieur... Il ne s'agit pas ici de faire un procès, et vous le savez parfaitement."
"Vous croyez ?"
"Oui, je le crois. Avec tout votre respect, je pense que vous reporter votre colère à propose de la mort de l'Officier Jones sur moi. Vous avez été Premier Officier, vous avez commandé des équipes d'exploration. Vous savez tout à fait bien que ce genre de décision instantanée est requise d'un chef d'équipe. Vous savez que quelle que soit la bienveillance de ses intentions... Il doit parfois faire des sacrifices."
Le Capitaine Grant resta silencieux pendant de longues minutes. Finalement, il s'assit sur son siège et se tourna de cent quatre-vingt degrés pour faire face à la fenêtre. "Vous pouvez disposer, Commandeur", dit-il.
Ressentant autant de compassion que de frustration, Chakotay se retourna et sortit lentement de la pièce. Quand les portes se furent refermées, Grant baissa la tête et resta à réfléchir ainsi pendant un long moment.
 
***
 
Chakotay faisait les cent pas dans ses quartiers. Le résultat était quelque chose d'étrange, car il n'avait pas l'habitude de faire cela. Il préférait rester aussi calme et concentré que possible, quelle que soit la situation. Mais cette fois, c'était différent. Son habituel contrôle intérieur était inefficace. Le Premier Officier débordait d'énergie due à sa frustration, et ne voyait aucune échappatoire.
Voilà pourquoi il faisait les cent pas.
Il se passait ici plus de choses qu'il n'en était visible, beaucoup plus. Chakotay le sentait en essayant de rassembler les pièces de ce puzzle dans lequel il lui manquait la moitié des pièces. Et pour arranger le tout, ses tempes le lançaient comme s'il recevait des coups réguliers de bâton.
Essayant à nouveau de se calmer, Chakotay s'assit et prit une série de grandes inspirations. C'était une technique connue depuis l'éternité et si efficace que même les Vulcains l'utilisaient. Mais définitivement, après une dizaine de répétitions, le Premier Officier finit par décider qu'il ne réussirait pas à se calmer. L'énergie était toujours en lui.
Concentre-toi. Réfléchis. Remues-toi.
Le Lieutenant Jones était morte. Elle connaissait les risques quand elle avait accepté de porter cet uniforme. Le Capitaine Grant était dévasté. N'importe quel Capitaine le serait. Morgan s'était jeté sur lui. Ca, c'était la colère du moment. Tout semblait avoir une explication satisfaisante. Alors qu'est-ce qui le harcelait à ce point ?
Le Premier Officier se retrouva en train de s'auto-incriminer, mais il savait que ce n'était que la réponse naturelle à la perte d'un Officier. Il repoussa le réflexe de culpabilité du mieux qu'il le put. Il essaya d'arrêter de repasser la scène dans sa tête.
 
Elle criait. Elle avait dû voir le Sernaix et essayé de s'échapper. Nous sommes arrivés pour voir ce qui se passait. Elle s'est mise à courir vers nous... Ses yeux étaient emplis de la même terreur que les Sernaix inspirent chez tout être vivant, la même peur qui était dans les yeux de Catherine quand elle en avait vu un pour la première fois. "Monsieur ! J'ai relevé des signaux Sernaix, ils..."
Attends une seconde.
Pourquoi n'avait-elle pas mentionné les signaux Sernaix avant ? Pourquoi y était-elle allée enquêter toute seule ?
C'était cela. C'était une des pièces manquantes. Quelle que soit la force secrète en action à bord de ce vaisseau, Jones en faisait partie. Et cela signifiait, pratiquement sans aucun doute, que Grant en était aussi. Ils travaillaient peut-être pour les Cardassiens. Ou encore la section 31. Ou bien...
Arrête. Tu t'imagines trop de choses. Un Officier de Starfleet doit faire confiance à son officier de commandement sans se poser de question, à moins que la raison n'en soit évidente. Sans le bénéfice du doute, la chaîne de commandement n'existerait pas. Chakotay se força à se rappeler qu'il n'était pas dans le Maquis ni même sur le Voyager. C'était Starfleet, le vrai. Cela n'apporterait rien de bon de sauter directement aux conclusions.
Mais cela le ramenait exactement à son point de départ.
Chakotay alla se servir un verre. Peut-être un peu de thé, non, mieux. Cela n'allait pas se passer comme cela sur ce vaisseau. Avec un soupir, il commanda un café à la place. Il se surprit à le commander 'noir', même si en fait il le préférait avec un peu de crème.
La boisson se matérialisa et il la rapporta jusqu'à sa couchette. Il la prit et sirota une gorgée... et arrêta son geste à mi-chemin, observant le fond de sa tasse. La surface du liquide était lisse, sans trace, et parfaitement noire. Rien n'y était discernable. C'était comme regarder l'espace intersidéral, un espace sans étoiles, vide au-delà de toute imagination.
Chakotay ouvrit la bouche, sachant pertinemment que personne ne lui répondrait.
"Que ferais-tu dans mon cas ?"
 
***
 
"Nous avons finalement réussi à la remonter", rapporta Barry Bruner à son Capitaine. "Il nous a fallu dix minutes pour parvenir à nous verrouiller sur une forme de vie humaine sans son communicateur, avec toutes ces interférences."
Le Capitaine Grant leva la tête de son ordinateur posé sur son bureau et fixa du regard de Bruner. Ce dernier le regardait lui-même d'un air froid et vide. "Et ?"
"Doc a dit qu'elle avait été tuée instantanément quand la lame l'avait traversée. Même une procédure de survie code blanc n'y aurait rien fait. C'était déjà trop tard."
"Les Sernaix sont de bons tireurs", dit Grant, d'un ton mesuré. "Il faudra s'en souvenir si nous les rencontrons à nouveau."
"Oui, Monsieur. En fait, nous avons également appris quelques autres choses. Nous savons maintenant qu'ils sont capables de récupérer l'énergie des machines avec leurs propres sources d'énergie et qu'ils peuvent l'utiliser pour se soigner. Et nous savons aussi que les débris de leurs vaisseaux sont difficiles à détecter ou même à transporter."
"C'était le genre de choses pour lesquelles cette mission avait été décidée", accorda le Capitaine.
Il y eut un désagréable moment de silence.
"Bien, Monsieur Bruner... A la lumière du décès de Marsha, j'ai réaffecté le Commandeur Chakotay à sa console sur la passerelle. Il a des connaissances scientifiques et fera l'affaire. Nous avons besoin d'un nouvel Officier à la console tactique deux, je vous laisse décider du choix de l'homme le plus qualifié."
"Bien compris, Monsieur." Ce langage était étrangement formel. Le Logan n'avait jamais été habitué à fonctionner de cette manière. Mais il s'agissait de circonstances exceptionnelles.
"Avez-vous quelque chose d'autre à dire ?"
"Juste une chose. Visiblement, nous n'allons plus envoyer personne sur la planète. Mais il n'y a rien qui nous empêche de téléporter à bord ce Sernaix. Mike dit que nous pourrions préparer un champ de confinement dans l'une des baies cargo, en trouvant une fréquence avec laquelle il ne pourrait pas interférer..."
"Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Lieutenant. Le risque est trop grand."
C'est bizarre, pensa Bruner. Le Capitaine semblait tout à fait sincère, mais cela ne lui ressemblait pas de rejeter un plan sur la seule base du risque. Ca n'était vraiment pas son genre, en fait. Enfin, ce n'était pas important.
"Rien d'autre à signaler pour l'instant, Monsieur."
"Très bien. Vous pouvez dis..."
Le communicateur de Grant chuinta. "Message pour vous, Monsieur", annonça Young depuis la passerelle. "C'est le Commandement."
"Passez-le moi", répliqua-t-il. L'écran s'alluma et l'Amiral Warhol apparut. Bruner nota que l'expression de l'Amiral semblait plus amère que d'habitude.
"Carl. J'ai appris ce qui est arrivé à votre officier scientifique... Je suis navré."
"Merci, Monsieur. Mais je suppose que ceci n'est pas un appel de sympathie."
"Non." Warhol attrapa une tablette et la remua devant lui. "Les services secrets de Starfleet ont surveillé les communications de l'ennemi et ont réussi à localiser un bastion Sernaix. Votre mission est d'emmener le Logan là-bas en restant sous camouflage et de procéder aux balayages les plus détaillés possibles que vous pourrez."
"Nous pourrons être prêt dans moins de dix minutes."
"Bien. Je vous envoie les coordonnées immédiatement."
Les chiffres apparurent sur la tablette de Grant. Bruner se pencha dessus pour jeter un coup d'oeil, et se figea. "Ces coordonnées... Leur base se trouve dans le Quadrant Alpha !"
Warhol sourit tristement. "Juste à notre porte, Lieutenant."
 
***
 
L'étoile se trouvait à peu près à huit années-lumière de la Terre, mais n'était pas visible depuis là-bas. Les naines brunes n'émettaient tout simplement pas assez d'énergie pour qu'on les voie à une telle distance. Et donc, bien que ce soit le troisième plus proche corps céleste du célèbre monde natal de la Fédération, il était resté en paix, inconnu, pendant des dizaines de milliers d'années. Aucune planète n'orbitait autour de lui. Aucune comète ne lui tenait compagnie. Il était seul.
Durant l'année 2366, pour la première fois, l'étoile appelée Wolf 359 ne fut plus seule. Un bref sursaut d'énergie était apparu pendant un instant, qui se préparait à nouveau.
Cachée derrière l'étoile et le champ de débris, protégée des senseurs curieux par des radiations électromagnétiques intenses, une sombre forteresse attendait patiemment un appel pour passer à l'action. Il serait bientôt temps de frapper. Bientôt la vengeance. Bientôt.
Et plus que tout autre chose, Wolf 359 se languissait d'être à nouveau seul.
 
***
 
La première chose qu'elle vit quand elle entra dans la pièce sombre fut Mike Mool qui se dirigeait vers la sortie. "Lieutenant", dit-il avec un hochement de tête, passant la porte.
Shari Young sourit. "J'sais pas pour toi", dit-elle, "mais je dirais qu'il t'aimait plus qu'il ne le laissait voir. Il a l'air plutôt secoué, même pour Mike."
Il n'y eut aucune réponse, naturellement. Elle n'en attendait pas. Young était le seul être vivant sur le pont trois, section neuf.
Elle avança lentement jusqu'à un hublot et regarda au-dehors. Les étoiles n'avaient pas changé. Immobiles, silencieuses, éternelles. Il pouvait bien arriver n'importe quoi à l'équipage du Logan, ces étoiles seraient toujours là.
"Tu vois, c'est pourquoi j'avais besoin de te voir ici, Marsh", dit Young. "Si jamais tu m'avais pris sur le fait en train de raconter ça tout haut, tu m'aurais jetée à la figure un poisson, ou n'importe quoi d'autre. Je t'entends déjà me dire, 'Quel cliché. Tu sais parfaitement que les étoiles finiront par mourir, comme tout le reste. Elles durent juste un peu plus longtemps.' J'imagine que nous ne savions pas combien de temps au juste, hein ?"
Elle se retourna. "Désolé. Ca doit te sembler stupide. On pourrait presqu'en rigoler, en fait."
Aucune réponse ne vint de la torpille où le Lieutenant Commandeur Marsha Jones reposait en paix. Young s'avança et posa une main sur le drapeau de la FPU drapé autour de l'engin. "Attends une seconde", ajouta-t-elle, avant de lisser un des plis du drapeau. "Là. Beaucoup mieux, tu ne penses pas ? Personne n'est mieux installé qu'avec une couverture parfaitement arrangée."
Young soupira. " 'Sûr, la prochaine personne qui va se présenter à ma place va refaire exactement le même geste que moi. Et jurer contre celui qui aura chiffonner le drapeau. Personne sur ce vaisseau ne sait vraiment ce qui s'y passe. Mais pourquoi aujourd'hui devrait-il être différent, hein ?" Elle tapota le cercueil affectueusement.
"C'est ton Logan à toi. Les gars n'ont aucune idée de ce qu'ils ont juste sous leur nez. C'est toujours toi et moi qui avons géré les choses... avec le Chef, bien sûr. Le reste d'entre eux ? Pfff. Rien du tout. Ils sont tous tellement occupés à penser à leur boulot et à l'importance de la mission, ils ne profitent pratiquement pas de leur vie. Ce sont vraiment des gars bien, amusants comme tout, mais ils sont un peu comme des enfants. Tu ne peux leur parler que de choses qu'ils comprennent."
Young soupira à nouveau. "Tu vas vraiment me manquer, tu sais ? Tu m'as laissée toute seule sur l'U.S.S. Testostérone, ici. J'assurerai le pilotage, et je continuerai d'être la même Shari que tout le monde connaît. Mais sans toi... Cela ne va juste plus être pareil. Je n'ai plus d'égale désormais."
D'un geste rapide, elle se hissa au-dessus du cercueil. Elle se pencha sur la partie de tête. "Hé, Marsh", dit-elle. "Tu t'souviens quand le Chef nous as tout raconté ? Tu sais, à propos de toute la section 31 ? Dieu, il déteste quand je l'appelle comme ça... Qu'importe, je me suis toujours demandée ce que tu pensais de tout cela. Je veux dire, ce que tu penses réellement. T'as cru ce que le Chef nous avait raconté comme salades à propos de sauver la Fédération d'elle-même ? Sur le fait que des gars comme nous devions franchir quelque peu les limites de temps en temps pour que tout le monde puisse continuer de penser qu'ils étaient les 'gentils' et qu'ils gagnaient tout le temps ?"
"Pour ce qui m'concerne, et bien... Tu me connais. Je ne refuse jamais une invitation. Mais je n'ai toujours pas compris si tu croyais vraiment en ce qu'il disait... ou bien si tu croyais juste en lui. C'était déjà le Capitaine depuis une paire d'années, et on l'aimait bien tous les deux. Je pense qu'il savait ce qu'il faisait quand il a voulu qu'on soit de la confidence, afin qu'il n'ait plus à nous mentir. Je veux dire que peut-être que ceux de la 31 lui avaient dit de trouver une paire d'assistants, ou alors peut-être que c'était juste quelque chose qu'il avait besoin de faire. Pour éviter de nous rendre dingue, tu comprends ?"
"J'ai tendance à penser que c'est là que je me dirige. La cité des dingues. Piégée dans un jardin d'enfants volant avec seulement le Chef pour parler de ce que nous faisons réellement, et tu sais qu'il n'est pas tellement du genre bavard. Et pour le moment, personne n'a l'esprit à blaguer, ils sont tous occupés à s'interroger sur ce nouveau type. Allez, qui se préoccupe de son passé ? Si c'est un gars bien, nous finirons par l'apprécier, et s'il ne l'est pas, il restera à part. Après tout, il est venu s'ajouter à nous, non ? C'est pas comme s'il était à l'origine d'un échange ou quelque chose du genre."
Silence.
 
***
 
"Et bien, nous ne pensions pas que nous y arriverions."
Young redescendit. "Désolé, Marsh. Je me suis un peu égaré, là. Mais hé, la moitié des gens ici sont à poste vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Alors tu m'en voudras pas, ok ? Je n'avais pas l'intention de t'ennuyer. Laisses-moi juste dire que si c'est une sorte d'échange, ça n'a rien de drôle. Un tas de mecs à tatouages ne me ramèneront pas mon amie."
Soupirant encore, elle se dirigea lentement vers la porte. "Ouaip, c'est une histoire de dingue pour moi. Un tas de cacahuètes. Si tu veux savoir, toute cette histoire de section 31 ne me fait plus du tout rire. Peut-être que je vais tout simplement laisser tomber la section. Ou même peut-être la Fédération, on verra bien. Et puis je créerai la Fédération Unie de Shari, ferai porter des pantalons en duranium à tout le monde et marcherai sur leurs têtes toute la journée. Tu m'aideras à faire ça, n'est-ce pas ?"
Young sourit. "A plus tard, Marsh. Je viendrais te voir, un de ces jours. En attendant, envoie-moi une carte postale de temps en temps, ok ? Tiens-moi au courant de ce qui t'arrive. Ce sera plus excitant, où que tu sois. Ne t'inquiètes pas pour nous, hein. Prends-toi juste du bon temps."
Après un dernier regard vers le cercueil, Shari Young se retourna et sortit.
 
***
 
"Nous allons où ?"
"Wolf 359, Commandeur. Vers la base Sernaix que les services secrets ont localisé là-bas. Je ne vois pas ce qu'il y a de difficile à comprendre là-dedans."
"Et qu'en pense Starfleet ?"
"Monsieur Chakotay... Vous me surprenez. Il y a quelques heures, vous me rappeliez la nécessité de prendre des risques. Pourquoi ceci serait-il différent ?"
"Parce que certains risques sont trop grands pour être courus. Mon vaisseau a à peine pu survivre à une confrontation avec un seul vaisseau Sernaix. L'idée d'utiliser un vaisseau moins armé pour enquêter sur une forteresse Sernaix complète... C'est du suicide !"
"L'Amiral Warhol pense différemment, et moi aussi. Votre Voyager avait peut-être une armure futuriste, mais il lui manquait un système de camouflage. Avec cela, nous serons capables d'éviter toute confrontation contre les Sernaix. Je vous rappelle que nous sommes toujours en mission d'observation, et non pas en attaque."
"C'est trop dangereux ! Les Sernaix ont un niveau de technologie que vous ne pouvez même pas imaginer. Comment pouvez-vous être si certain que votre système de camouflage les trompera ?"
"Qu'est-ce qui vous rend si certain que les Sernaix ne ruineraient pas votre plan de destruction de leur armada ?"
"C'était différent. La survie de la Terre était en jeu !"
"Monsieur Chakotay... Wolf 359 est à moins de vingt-quatre heures de voyage en vitesse de distorsion maximale. La base Sernaix était là depuis plusieurs jours avant que nous ne réussissions à la détecter. Je suppose que la survie de la Terre est à nouveau en question."
"La destruction de ce vaisseau n'arrangera en rien le sort de la Terre."
"Mais les données que nous récolterons de nos scans le pourront peut-être. Cette mission est cruciale, Commandeur, et nous avons le seul vaisseau à camouflage à quarante années-lumière à la ronde. Je pense que vous comprenez pourquoi nous avons besoin de faire cela. Et je pense que vous feriez la même chose à ma place."
"Monsieur..."
"Monsieur Chakotay ! J'ai entendu vos inquiétudes et les ai pris en considération. J'ai aussi pris ma décision. Le temps de la discussion est terminé."
"Oui, Monsieur."
"Et j'attends de vous, quelles que soient vos objections, que vous remplissiez votre devoir au mieux de vos aptitudes. Me suis-je bien fait comprendre ?"
"Tout à fait, Monsieur."
"Bien."
"Puis-je disposer, Capitaine ?"
"Non... Pas encore. Commandeur, le reste de cette discussion est non enregistrée, et je veux que vous soyez totalement franc. Vous ne m'aimez guère, n'est-ce pas ?"
"Monsieur, je..."
"Laissez tomber les formalités. Je vous l'ai dit, c'est non enregistré."
"D'accord. Ce n'est pas que je ne vous apprécie pas, en tant que personne. Je dirais que j'ai quelques inquiétudes sur votre façon de commander."
"Ah. Alors je ne suis pas un mauvais gars, juste un mauvais Capitaine."
"Ce n'est pas ce que je..."
"Je blague, Commandeur. Ecoutons plutôt vos inquiétudes."
"Et bien... Vous n'avez pas de poids. Vous semblez décidé à suivre systématiquement les voies que je désapprouve. Vous restez secret sur de nombreux aspects de notre mission. Vous respectez l'opinion de vos autres Officiers, mais pas la mienne."
"Vous êtes nouveau sur ce vaisseau, Chakotay. J'ai servi avec ces 'autres Officiers', comme vous dîtes, depuis aussi longtemps que vous avez servi avec vos amis sur le Voyager. Je leur fais confiance car j'ai appris à le faire, et ils me font confiance pour la même raison. Laissez-moi vous poser une question hypothétique."
"D'accord."
"J'ai travaillé avec votre ancien chef des Opérations, Monsieur Kim, et j'ai trouvé que c'était un Officier solide et sûr. Vous avez dû pouvoir compter sur lui à de nombreuses occasions dans le Quadrant Delta. Maintenant, supposez que Starfleet vous ait affecté pour une raison X ou Y un nouvel Officier des Opérations, appelons-le Daniel, et qu'il ait pris la place de Monsieur Kim dans l'équipage de la passerelle. Auriez-vous immédiatement compté sur Daniel comme vous comptiez sur Harry, ou bien y aurait-il eu une période de... d'ajustement ?"
"Je suppose qu'il y en aurait eu une."
"Je crois que cela aurait été plus que cela. Ce que je viens de décrire pourrait arriver dans n'importe quel vaisseau, mais votre équipage du Voyager était très proche, lié par des années de coexistence forcée. On pourrait sans doute aller jusqu'à dire que vous étiez une famille. Et cette intrusion, cet étranger dans votre nid, jusqu'à quel point auriez-vous été mal à l'aise avec lui ? Au moins au début ?"
"Je pense que je comprends où vous voulez en venir, mais il y a une différence. Nouveau ou pas, je suis votre Premier Officier. C'est mon devoir de vous supporter, et aussi de faire contrepoids au cas où vous auriez besoin de réfléchir une seconde fois à ce que vous faites. Si vous n'écoutez pas ce que j'ai à dire, alors pourquoi suis-je là ?"
"Vous voulez vraiment une réponse à cette question ?"
"Absolument."
"Ce que je suis sur le point de vous raconter ne doit sous aucun prétexte quitter cette pièce. Monsieur Chakotay, ce n'est pas un secret que de dire que l'Amiral Warhol a de profondes objections à la manière dont Catherine Janeway a commandé son vaisseau."
"Oh, je suis au courant de cela. Il s'en ait fallu de très peu qu'il lui coupe sa carrière l'année dernière."
"Autre chose qui n'est pas un secret, c'est l'attirance de ce bon Capitaine envers vous."
"Eh, attendez une..."
"N'interprétez pas ce que je suis en train de vous dire, Commandeur. L'Amiral est un homme bien, lui et moi sommes amis depuis de nombreuses années. Mais il a aussi ses défauts, et l'un d'entre eux est son insistance à s'attirer les problèmes. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles il vous a affecté ici était de prendre une petite revanche contre elle."
"Pourquoi me racontez-vous cela ?"
"Parce que je pense que vous méritez bien de connaître toute la vérité. Et parce que vous avez raison. Je ne vous ai pas traité avec tout le respect que je vous dois. Le fait est que je ne voulais pas plus de vous que vous d'être ici."
"Je n'ai jamais dit que je ne voulais pas être ici."
"C'est écrit sur votre visage, Chakotay. Juste à côté du tatouage. Relaxez-vous ! Nous comprenons tous ce que vous ressentez. On vous a arraché à l'équipage que vous connaissiez depuis si longtemps et jeté dans un autre sans vous donner le temps de vous adapter. Personne n'aurait envie de vivre votre situation."
"Avec tout le respect..."
"Il n'y a pas de respect qui tienne. Ceci restera privé."
"Si vous êtes si compréhensif et sympathique, pourquoi m'avez-vous ignoré au début ?"
"Parce que je ne suis pas non plus parfait. J'ai été trop concentré sur ma propre frustration pour m'apercevoir de la vôtre. J'imagine que c'est également le cas du reste des Officiers Supérieurs. Sincèrement, ce n'est pas que nous ne vous apprécions ou respections pas. C'est juste que vous n'êtes pas..."
"Je ne suis pas l'un des vôtres."
"Pas encore, Commandeur. Vous finirez par rentrer dans le moule. Enfin... Maintenant que nous avons crevé l'abcès, est-ce que nous nous comprenons un peu mieux l'un l'autre ?"
"Je pense que c'est le cas, Capitaine. Je l'espère."
"Très bien. Vous pouvez disposer. Commandeur ?"
"Oui ?"
"Vous rentrerez dans le moule."
"Merci, Monsieur."
 
***
 
A l'extérieur du vaisseau Logan, une lente transformation s'initia. Toutes les lumières extérieures et les émetteurs divers s'éteignirent. Le rayonnement des pseudo nacelles et des batteries de phaseurs s'affaiblit et devint noir. La signature énergétique du navire devint dormante, indétectable.
Puis, à l'avant du navire, l'espace commença à fluctuer. Un observateur regardant ces quelques mètres carrés aurait vu le vaisseau comme à travers l'air ondulé du dessus d'une flamme de bougie. Derrière, les étoiles s'allongèrent d'un bord jusqu'à l'autre, leur lumière réfractée et déplacée par l'effet "fantôme".
Centimètre après centimètre, la transformation gagna toute la coque. Le dôme de la passerelle disparut. L'armure de coque ablative devint d'abord translucide, puis invisible. En moins de quinze secondes, le navire était devenu totalement caché du spectre radiatif classique.
Caché, mais pas parti. Quelques instants plus tard, l'espace s'incurva à nouveau, d'une manière totalement différente. L'effet de distorsion, dont le principe des équations avait été ébauché par Stephen Hawking et qui avait finalement été développé par Zefram Cochrane quatre décennies plus tard, s'étendit dans le subespace sur des parsecs dans toutes les directions La distance entre l'espace profond Re'fruPaQ et Wolf 359 devint des dizaines d'années-lumière plus courte en moins d'une seconde. Toute race primitive, parquée sur sa planète, aurait appelée cela un miracle, la Fédération savait que ce n'était rien d'autre qu'une application de la science. Mais cela n'en restait pas moins terrifiant pour ceux qui ne connaissaient pas le phénomène.
Dans un éclair silencieux et invisible, le Logan était parti. En route vers l'espoir de la Fédération.
Mais quant à savoir si cet espoir pourrait être trouvé là où ils allaient, personne ne pouvait le dire.
 
***
 
"Bonne question", dit le Professeur Miles O'Brien. "Vous avez raison, les nouveaux verrous optroniques ont l'air prometteurs. Je ne serais pas du tout surpris s'ils devenaient l'équipement standard d'ici dix ans. Mais c'est aussi pour l'instant une technologie non fiable, et jusqu'à ce qu'elle ait fait ses preuves, nous devrons nous en tenir aux boulons classiques. Nous ne voulons pas que nos nacelles se détachent à la minute où nous passons en distorsion cinq, n'est-ce pas ?"
La classe rit à cette idée. "Cela répond-il à votre question, Cadet ?" demanda le Professeur avec un sourire.
"J'imagine", répliqua Caleb Fromme. "Cependant, ce n'est peut-être que moi, mais toutes ces opérations de boulonnage semblent plutôt fastidieuses. Je sais que cela signifie aussi une sécurité renforcée, mais ne pourrait-il pas y avoir un peu plus d'automatisation ?"
O'Brien gloussa. "Autrefois, j'avais tendance à penser la même chose, mais attendez juste de gagner en expérience. Quand vous aurez travaillé avec de vrais boulons pendant un certain temps, vous serez capable de sceller une cloison complète en moins d'une minute. C'est vraiment plus simple que cela n'y parait."
"Cela pourrait certainement être plus simple", dit Fromme d'un air plutôt triste. "Quelqu'un devrait les rendre auto-boulonnables, au moins."
"Auto-boulonnables ? Je n'ai jamais entendu parler d'une chose pareille."
"Hum", murmura Fromme au Cadet à côté de lui, son camarade de chambre, Icheb. "Où se trouve le progrès quand on en a besoin ?"
"Dans le Quadrant Delta", répliqua l'ancien Borg.
Fromme le fixa des yeux, figé.
"A la date stellaire 53982.0, le Voyager a rencontré un être qui se disait l'incarnation vivante du progrès. Après un bref conflit, durant lequel l'être accéléra temporairement la technologie du Voyager au niveau du trente neuvième siècle avant d'en renverser les effets, le Capitaine Janeway a réussi à négocier un cessez-le-feu. Jusqu'à preuve du contraire, l'être est toujours là-bas.
Fromme le fixait toujours. Ses pupilles étaient dilatées.
"Je t'ai eu", dit Icheb.
"HA !" L'humain rit bruyamment et tapa sur l'épaule d'Icheb. "Tu as finalement compris comment ça marchait ! Je te le dis, encore quelques semaines et tu seras prêt pour le grand saut." Le Brunali sourit à cette idée.
O'Brien s'éclaircit la voix, feignant l'ennui d'avoir été interrompu. "Et maintenant, messieurs, si vous en avez terminé, nous allons pouvoir..."
La sonnerie retentit.
"Fini pour aujourd'hui. On se voit la semaine prochaine, Cadets. Souvenez-vous, si vous essayez de combiner les études et le suivi des matchs de dom-jot..."
"... Vous finirez par rater les deux", finit la classe à sa place. O'Brien sourit. Il les avait bien éduqués.
Tandis que les étudiants sortaient en file, l'Amiral Warhol se leva de son siège dans le fond de la salle et rejoignit O'Brien sur l'estrade. "Amiral", dit l'irlandais, chaleureusement. Il lui tendit la main, que Warhol serra. "Vous vous êtes décidé à potasser les cours de première année d'ingénierie ?"
L'Amiral sourit. "Les procédures concernant l'équipement de base ne sont pas exactement les cours dont je me souviens le mieux. Mais après l'heure que je viens de passer, je pense que je m'en serais plus rappelé si vous aviez été mon professeur à l'époque."
"Oh, vous me surestimez, Monsieur", dit O'Brien, quelque peu embarrassé. "Je ne fais qu'enseigner aux enfants ce que je sais. Enfin... Pas tout ce que je sais. Un homme se doit de garder un truc ou deux dans sa manche, non ?" Les deux Officiers gloussèrent.
"Maintenant, Monsieur O'Brien..." Warhol se redressa et prit une posture un peu plus sérieuse. "Est-ce que le nom Thomas Gregory vous évoque quelque chose ?"
"Pour sûr. J'ai servi avec lui pendant cinq ans sur le USS Uhura. Bon Dieu, c'était le meilleur ingénieur d'Alpha Centauri que j'ai jamais vu. Il est affecté au Quartier Général de Starfleet, n'est-ce pas ?"
"Oui, c'est l'ingénieur en chef. Enfin, pour encore quelque temps, en tout cas. Monsieur Gregory prend sa retraite à la fin de la semaine."
"Ah oui ? Heureux d'apprendre la nouvelle. Après soixante ans dans la flotte, personne ne le mérite plus que lui."
"Je suis d'accord, mais il nous manquera sûrement au Quartier Général."
"Je vois ce que vous voulez dire. Après que mon assistant se soit lancé dans la politique, ça n'a plus jamais été la même chose. Alors dîtes-moi, qui va remplacer Tom ?"
Warhol regarda Miles avec un large sourire.
"Enfin allez, dites-le m..." O'Brien se figea. "Monsieur... Est-ce que vous êtes sérieux ?"
"Tout le temps, Monsieur O'Brien. J'ai parlé au responsable en charge de la distribution du personnel sur Terre et m'a autorisé à vous promouvoir ingénieur en chef du Quartier Général de Starfleet."
O'Brien étant sans voix, Warhol poursuivit. "Naturellement, le transfert reste absolument volontaire. Ne pensez cependant pas que vous devrez abandonner l'enseignement. Si vous voulez continuer, nous pourrons faire de la place dans votre emploi du temps pour un ou deux cours par semaine, et quelqu'un d'autre pourra s'occuper de la boutique pendant ce temps."
"Est-ce que... Est-ce qu'il y a une promotion de rang en même temps ?"
Warhol eut un sourire de convenance. "Pas dans votre cas. Je sais que vous n'êtes pas le genre de personne qui trouve la notion de haut rang attractive. Vous êtes juste un homme qui aime son travail, et nous respecterons cela... Chef."
O'Brien fut surpris de se sentir aussi bien en entendant à nouveau ce titre. Cela semblait sonner parfaitement bien. Et pourtant... "Monsieur, cette offre est... incroyable, mais j'espère que vous comprendrez que je doive en discuter avec ma femme avant de décider quoi que ce soit. Nous avons deux enfants et un troisième en route. Je ne peux pas me précipiter sur n'importe quoi sans réfléchir à ce qui est le mieux pour eux."
Warhol leva une main. "Aucun problème du tout, Monsieur O'Brien. Prenez le reste de la semaine pour vous décider, si vous en avez besoin. Mais j'espère pouvoir accepter. Tout le monde ne peut pas se vanter de marcher dans les traces de Monsieur Gregory." L'Amiral jeta un oeil sur la montre à son poignet. "Oh, il ne faut pas que je vous retienne. Votre prochain cours commence à dix-sept heures et vous avez besoin de temps pour vous y rendre."
O'Brien regarda l'heure et hocha la tête. "Vous avez raison, je ferais mieux d'y aller. Assisterez-vous également à ce cours-là ?" dit-il pour plaisanter.
"Je suis retenu ici pour affaire, j'en ai bien peur. Le travail d'un Amiral n'est jamais terminé."
"Alors il faudra que je vous recontacte d'ici un jour ou deux. Est-ce que je vous appelle au Quartier Général, ou bien..."
"Ne vous inquiétez pas, Chef. C'est moi qui vous trouverai."
"Très bien, Monsieur." O'Brien serra la main de l'Amiral à nouveau. "Et merci."
"De rien, Chef, rien du tout. Bonne chance avec votre prochaine audience."
O'Brien se dirigea vers la porte. Dès qu'il fut hors d'écoute, l'Amiral Warhol jeta un oeil vers les coins de la salle, trouva le plus sombre, et y fixa son regard. Cela ne serait qu'une question de temps. Il attendait après...
 
***
 
Interlude.
Dans l'espace profond Re'FfruPaQ, trois croiseurs d'attaque de classe Vor'cha sortir de distorsion. Ils n'étaient pas camouflés.
Le Général Rodek s'était fait une obligation impériale de disperser les croiseurs, n'en utilisant jamais plus d'un seul par flotte. Ils étaient peu nombreux et cruciaux. Mais ces trois-là étaient requis pour quelque chose de bien plus important pour l'instant.
Vengeance.
Les croiseurs ne firent aucun effort pour cacher leurs mouvements. Ils allaient rester visibles à tout ennemi présent dans le secteur, mais cela n'avait désormais plus aucune importance. Ils réclamaient vengeance.
Ils réglèrent leurs disrupteurs au niveau maximum autorisé par les sécurités et dépassèrent cette limite de trois crans. Ils armèrent leurs dernières torpilles expérimentales, les réglant au maximum de leur puissance. Ils ouvrirent des écoutilles secrètes, dévoilant des têtes de missile à hexicobalt dévastatrices. Ils réclamaient vengeance.
Sur la passerelle de chaque vaisseau, les mêmes événements se passèrent dans le même ordre. Le Capitaine demanda un balayage de la planète située sous eux. Un Officier rapportait que le site du crash et qu'une forme de vie Sernaix avait été trouvée. L'écran principal montra un champ d'horreur ou des centaines de guerriers Klingons étaient étendus, morts. Simultanément, les Capitaines et les équipages sautèrent sur leurs pieds et rugirent. Leurs voix se gonflèrent en une marée assourdissante. Ils s'assuraient que leur avertissement sera entendu dans le Sto'vo'kor.
Ils réclamaient vengeance. Ils réclamaient vengeance.
Toutes les armes de tous les croiseurs plongèrent à une vitesse folle vers la planète sous eux. Les disrupteurs découpèrent de profonds sillons dans la croûte. Les torpilles vaporisèrent le manteau là où elle tombèrent. Les têtes à hexicobalt plongèrent dans les cratères profonds creusés par les autres armes. Protégés de la chaleur par cinq systèmes de champ de forces indépendants, elles continuèrent leur descente jusqu'à atteindre le coeur externe, où elles détonnèrent simultanément.
Les trois croiseurs eurent juste assez de temps pour passer en vitesse de distorsion avant que la planète n'explose. Ses particules se dispersèrent à travers tout le secteur comme des graines dans le vent. L'espace profond Re'fru'PaQ était changé pour l'éternité.
Les croiseurs rentrèrent vers Qo'noS et les guerriers à bord rirent et chantèrent des chansons de morts et d'honneur dans la bataille.
Cette vengeance était assouvie.
 
Fin de l'interlude.
 
***
 
"En train de vous demander jusqu'à quel point vous pourrez en tirer profit, Al ?"
L'Amiral se retourna vivement. C'était West, bien sûr. Warhol n'avait jamais réussi à le voir arriver.
"J'admets avoir un certain penchant pour les entrées dramatiques et les coins sombres, mais vous me connaissez sûrement assez pour ne pas penser que je suis si prévisible. Je me fais vieux, mon ami, mais pas si vieux que ça."
"Et bien, je suis content de voir que vous n'avez pas perdu de votre talent", dit Warhol, passablement irrité. "Avez-vous effectué cette enquête de fond ?"
"Oui. Vos suspicions ont été plus que confirmées."
Warhol sourit. "Je savais qu'il devait bien avoir eu quelque expérience avec la Section."
"Plus que ça. Il a joué un rôle clé dans l'opération coup de poing où Sloan a été tué et qui a relancé la menace des Shapeshifters."
"Vous êtes sérieux ?"
"Toujours. Cet homme est un ennemi juré de la Section 31."
"Mais pas un ennemi actif. Ce qui est une raison de plus de continuer comme prévu."
Monsieur West secoua la tête. "Quelques fois, je ne vous comprends pas, Al. Il serait vain d'essayer de stopper cette menace. Les ingénieurs ont des accidents de travail tout le temps. Pourquoi s'en faire autant ?"
"Nous n'avons jamais pensé de la même façon sur ce sujet, n'est-ce pas ?" répliqua l'Amiral. "Je vous rappelle que je travaille pour la section 31 uniquement parce que je crois qu'une telle organisation est nécessaire pour le meilleur. Le meilleur inclut de faire tout ce qui est possible pour éviter la perte de vies humaines. De plus, là où vous voyez une menace... Je vois une ressource."
"Oh ?"
"Le Quartier Général a besoin d'un nouvel ingénieur en chef. O'Brien est qualifié, même si ce n'est pas le meilleur choix. Plus que tout autre chose, son curriculum montre un attachement à l'éthique. Je suppose que vous avez noté le blâme qu'il a reçu à la date stellaire 51536 ?"
"Ces actions ont été la raison pour laquelle nous avons arrêté d'envisager de recruter cet homme. Il a agressé un Officier Supérieur pour sauver la vie d'un criminel. C'est ce que pensez d'un 'attachement à l'éthique' ?"
"En fait, oui. O'Brien est guidé par une moralité personnelle. Quand elle entre en conflit avec ses ordres, il laisse tomber les ordres. Les gens ayant cette philosophie ne se laissent pas influencer par les changements de gouvernements ou l'opinion populaire. Ils font la chose juste. Cela n'a-t-il pas toujours été le but de la Section 31 ?"
"Non", dit Monsieur West. "Faire la 'chose juste' est une notion relative. La sécurité de la Fédération n'en est pas une."
"Racontez ce que vous voulez, mais je préfère commander des officiers avec des idées dans son genre."
"Et je préfère commander ceux qui reconnaissent que leurs idées peuvent être erronées. Seule une personne qui connaît ses propres limites peut exécuter un travail qui va au-delà des limites que les autres placent en lui." West sourit. "Nous avons eu cette discussion assez de fois pour savoir que nous ne résoudrons pas notre divergence aujourd'hui."
"Exact. Pour revenir à notre sujet, donc, je vois O'Brien comme un allié potentiel aussi bien que comme un ennemi potentiel. En le transférant au Quartier Général, je me donne l'opportunité d'évaluer les risques et en fin de compte de le sonder. S'il peut être rallié à notre cause, il fera un allié utile. Sinon, je serai en mesure de m'en apercevoir très vite. Je l'ai déjà fait avant avec des officiers qui ont été impliqués dans la Section. C'est ainsi que j'ai recruté Thalia."
"Oui, c'est un atout pour nous, désormais."
Warhol sourit. "Votre ami près de vous, votre ennemi encore plus près... Mais se placer encore plus près de ceux qui peuvent encore devenir l'un et l'autre."
"Citation remarquable."
"Merci. Marsha Jones est morte."
"C'est moins remarquable."
Warhol était perplexe. Il s'était attendu au moins à une petite surprise. "Vous le saviez ?"
"Je dirige le plus important réseau d'espionnage du Quadrant. Je sais ce que vous avez eu au petit-déjeuner tous les jours durant l'été dernier."
"Le vingt-neuf juillet ?"
"Des oeufs Ktariens."
"Comment ?"
"Brouillés."
"Je voulais dire, comment le savez-vous ?"
"C'est classé secret."
L'Amiral hocha la tête. "Changeons de sujet, alors. Je voudrais juste dire à quel point je compatis à cette perte et à quel point je suis furieux que vous en soyez la cause."
"Vraiment ?" dit West, le sourire aux lèvres. "Racontez-moi."
"Elle a été tuée par un Sernaix ! Vous m'aviez assuré qu'il n'y aurait pas eu un seul survivant !"
"Nous avons sous-estimé leurs prouesses physiques. Celui qui a tué l'agent Jones avait survécu au crash de l'éclaireur et aux combats au corps à corps contre un grand nombre de Klingons. Connaissez-vous un seul humanoïde qui serait capable de faire cela ? Personne n'en savait rien. Maintenant, nous le savons."
"Vous ratez le plus important. Jones peut être remplacée. La couverture du Logan ne le peut pas. Désormais, au moins un Sernaix est au courant. Avez-vous la moindre idée de ce que cela signifie pour le plan ?"
West secoua la tête. "Comme toujours, Al, vous vous faites trop de souci. Le témoin est mort depuis", il vérifia sa montre, "neuf minutes, maintenant. Il a peut-être pu être en contact avec le Royaume avant ce que cela n'arrive, nous ne le savons pas. Cependant, même si c'est le cas, tout ce qu'il savait était que des officiers de Starfleet enquêtaient sur le champ de bataille. Il n'y a eu aucune fuite."
"C'est vous qui ne vous en faites pas assez. Peut-être que toutes vos explications sont exactes. Peut-être que la phase trois peut continuer. Mais c'est de loin l'incident qui nous a rapprochés le plus d'une brèche dans notre couverture, et cela n'aurait pas eu lieu si la Section 31 s'était contentée de suivre le plan initial. Vous avez été négligent, c'est tout ce qu'il y a à dire là-dessus."
"Bien. Alors nous pouvons passer à la suite." Exaspéré, West semblait complètement non intéressé par les accusations. La colère de Warhol passa à travers lui comme s'il n'était pas là. Warhol décida qu'il valait aussi bien changer de sujet.
"Le Logan est en ce moment même en route vers la base de Wolf 359", dit Warhol. "Et que les Sernaix soient maudits de l'avoir construit à cet endroit. Ils savent que cela leur donne un avantage psychologique dans toute bataille."
"Ah ?"
Warhol était sans voix. "Qu'est-ce que vous voulez dire, 'ah' ? Vous ne croyez pas que les équipages de Starfleet seront mal à l'aise de se battre tellement près des débris du plus grand massacre de notre histoire moderne ?"
"Pour ma part, je trouve cela motivant. C'est une chance de renverser le cours de l'histoire. D'oublier la victoire des Borgs par la nôtre."
"West... Vous protégez peut-être les intérêts de la Terre, mais parfois, je me demande si vous êtes seulement humain."
Cela le mit en colère. "Humain jusqu'au bout. Si j'étais un extraterrestre, j'aurais pu prendre le pouvoir de la Fédération, il y a très longtemps."
"Dans un sens, c'est ce que vous avez fait", dit Warhol.
Il fallut moins d'une seconde. L'Amiral cligna des yeux, et avant qu'il les ait rouverts, Monsieur West avait agrippé le col de son uniforme et l'avait envoyé cogner le mur. Il fixa des yeux Warhol avec férocité. "Je protège la Fédération. Je crois en la Fédération. La dernière chose que j'aurai jamais l'intention de faire serait de porter atteinte à sa sécurité. La Section 31 n'a rien à voir avec ce genre de pouvoir mesquin. Elle a pour but de protéger les libertés individuelles de chacun des citoyens de la Fédération. Si cela ne peut être obtenu qu'en dépassant certaines limites de la moralité, alors je le ferai. Mais cela ne me rend pas immoral par nature."
"Non", dit Warhol, pas du tout impressionné. "Cela fait de vous un martyr. Vous êtes fier de ce que vous faites parce que cela fait de vous le noble, silencieux héros, sacrifiant sa propre moralité pour les autres. Vous êtes un hypocrite."
West relâcha un peu sa pression sur Warhol... et se mit même à rire pendant quelques secondes. "C'est ce que j'aime en vous, Al", dit-il. "La façon dont vous ne laissez personne vous intimider. La confiance dans votre pouvoir personnel."
Puis, sans avertissement, il saisit Warhol encore plus fort. "Mais ne faites jamais l'erreur de nous prendre pour vos pairs", siffla-t-il. "Vous et moi ne sommes pas égaux. Souvenez-vous de qui donne les ordres dans l'alliance que nous formons."
"Je m'en souviendrai", acquiesça Warhol. Ils savaient tous les deux ce que cela voulait dire.
Monsieur West relâcha l'Amiral et recula jusqu'au centre de la pièce. "Un plaisir, comme toujours", dit-il avant de s'évanouir dans un autre clignement d'oeil. Warhol sortit immédiatement de la pièce.
 
***
 
"Nous entrons dans le secteur central de Wolf 359."
"Alerte rouge. Commandeur Chakotay sur la passerelle", dit Grant, avant de se tourner vers Shari Young. "Souvenez-vous. Ne commencez pas avant que nous soyons complètement sortis de distorsion."
Le pilote sourit. "Je sais, je sais. 'Plus vite que la lumière, on ne vire ni à droite ni à gauche.' C'est la première chose qu'ils vous apprennent à l'Académie."
"J'aurais pu jurer vous avoir pris sur le fait en train de manoeuvrer en distorsion dans le voyage jusqu'à Tau Cygnus."
"Chef ! Comment pouvez-vous m'accuser d'une telle chose ?" L'expression de Young feignait à outrance son innocence.
Grant sourit. "Je voulais juste vérifier. D'accord, mesdames et messieurs. Allons-y !"
 
***
 
Le vide craqua quand la matrice spatio-temporelle se prépara. Un court moment plus tard, le subespace ouvrit son insondable gueule et vomit un énorme bloc irrégulier d'équivalent masse-énergie. La forme redevint instantanément un disque aplati dont la surface était marquée NCC-148607 à certains endroits et U.S.S. Logan à d'autres. La brèche se referma et l'enveloppe de distorsion disparut. La loi de conservation du rapport masse-énergie, violée localement lorsque le vaisseau était entré dans l'espace de distorsion, était désormais satisfaite à nouveau globalement. Tout allait pour le mieux dans l'univers... ou du moins en ce qui concernait sa physique.
Vingt microsecondes après que le Logan soit apparu, son générateur de camouflage établit un périmètre autour du navire. Les déflecteurs de photons et les émetteurs lumineux commencèrent leur travail, utilisant des algorithmes informatiques si complexes qu'ils ne pouvaient être interprétés que par d'autres ordinateurs. Non seulement toute trace visible du vaisseau avait disparu, mais une matrice de tachyons, alimentée par une micro-singularité quantique à la limite du confinement, était capable de maintenir l'effet de camouflage une milliseconde en avant dans le temps. C'était la brillante solution des Romuliens au problème des systèmes de camouflage incapables de fonctionner instantanément après la distorsion. La matrice à tachyons effaçait l'effet avant même la cause qui le créait. Tout allait pour le mieux sur le vaisseau... ou au moins dans son système de camouflage Romulien illégal.
Au bout d'une seconde, tout était fini. Le Logan se trouvait dans l'espace normal, parfaitement caché des yeux curieux.
Et il fonçait à une vitesse qu'Einstein aurait considérée comme impossible, droit vers le plus grand cimetière de l'histoire de la Fédération.
 
***
 
Chakotay atteignit la passerelle et se figea. L'écran montrait les épaves de trente-neuf vaisseaux de Starfleet vers lesquelles ils se dirigeaient à vive allure. "Vous nous avez sortis de distorsion juste derrière le champ de débris ?"
"C'est exact", dit Grant, tournant la tête. Il fit un geste vers la console scientifique. "Si vous voulez bien prendre en charge votre station. Ou vous pouvez changer de place avec Sam, si vous le préférez."
"Pourquoi procédons-nous comme ça ? Il y a des dizaines d'autres endroits où nous aurions pu sortir de distorsion..."
"Mais aucun avec un champ d'épave pour aider à couvrir notre signature de distorsion. Un bon senseur aurait pu détecter cela, système de camouflage ou non."
Chakotay était toujours sous le choc. "Et alors maintenant, il va falloir que nous nous frayions un chemin là-dedans ! Vous ne trouvez pas que c'est un peu un manque de respect ?"
"Peut-être, mais les bénéfices pratiques l'emportent. Et maintenant, s'il n'y a pas d'autres questions, voudriez-vous vous asseoir ?"
Un moment de tension passa entre eux... Et puis Chakotay commença à marcher jusqu'à sa station. Grant se retourna pour regarder l'écran.
Tandis que Chakotay passait devant la station des opérations, Morgan attira son attention quelques secondes. "Monsieur", dit-il à voix basse. "Je veux vous remercier pour ne pas m'avoir... et bien, dénoncé. Vous auriez pu m'envoyer en cellule pour une éternité, après ce que j'ai fait."
Le Premier Officier posa la main sur l'épaule de Morgan. "Sam, étant donné mon passé, comment pourrais-je me justifier de ne pas donner aux autres un peu de mou ? Je suis passé par où vous êtes, je sais comme c'est difficile. Perdre des amis est la pire chose dans une carrière Starfleet." Sans qu'il l'ai voulu, une image de Kes s'imposa dans son esprit.
"Ouais, ouais... Je sais. C'est la première fois pour moi, cependant. Est-ce que ça va mieux ?"
D'autres images mentales s'imposèrent à Chakotay. Hogan, Kaplan, Carey, Dalby, l'Amirale Janeway... "J'aimerais vous répondre que oui, Sam. Mais ça n'est pas le cas."
Avant que Morgan ne puisse répondre, la console du pilote bipa bruyamment. "Champ de débris dans cinq secondes, les gars !" dit Young. "Que tout le monde s'accroche !"
Chakotay se dépêcha de s'asseoir et s'agrippa fortement aux deux côtés de la console scientifique. Du coin de l'oeil, il vit les autres faire de même, sauf Grant, qui n'avait pas de console mais qui s'agrippa aux bras de son fauteuil. Les vaisseaux sur l'écran s'agrandirent...
...Et virèrent à angle droit dans un mouvement à leur retourner l'estomac. Les doigts de Young volèrent sur ses commandes, manoeuvrant le Logan dans une série de zigzags et de renversements qu'aucun bateau de sauvetage en mer du vingtième siècle n'aurait pu suivre. Des soucoupes disloquées filèrent derrière le vaisseau. Certaines passèrent à quelques centimètres de la collision. L'équipage de la passerelle s'accrocha de toutes ses forces, secoué à chaque virage tandis que les compensateurs d'inertie suivaient avec peine.
Finalement, la vue sur l'écran principal se stabilisa. La route du Logan vers Wolf 359 était libre.
"Bien joué", dit le Capitaine Grant, reprenant son souffle. "Est-ce que nous sommes restés en vitesse maximale d'impulsion tout le temps ?"
Young acquiesça. "C'est pour ça que vous m'appréciez autant, Chef."
"Monsieur ?" Barry Bruner pointait du doigt un point noir près de l'étoile dans le coin inférieur gauche. "Voilà notre cible."
"Amenez-nous là-bas, Shari. Et silence complet jusqu'à là-bas."
Chakotay récupéra les coordonnées de la base depuis la console tactique et lança le balayage habituel des senseurs. "Bizarre", dit-il. "Je ne détecte aucune signature énergétique ni signes vitaux. C'est comme si la base était déserte."
"Est-ce normal ?" demanda Grant.
"Je ne pense pas. C'est atypique de la part des Sernaix que d'abandonner leurs équipements."
Le Capitaine se frotta le menton. "Ils doivent dissimuler leurs signes vitaux. Ou alors..."
"...C'est un leurre", finit Chakotay. Ils échangèrent un regard inquiet.
Comme un écho, Bruner cria. "Quelque chose arrive ! Nous avons un canal de courant de glisse quelque part dans les trois mille kilomètres !"
Grant se leva en un éclair. "Qu'est-ce qui arrive ?"
"Un vaisseau Sernaix. Je détecte des données massives..." Il fit une pause. "Non, ça ne peut pas être vrai. Nous n'avons jamais vu un truc pareil."
"Quelle taille, Lieutenant ?"
"Vous vous souvenez de la mission de Rondax ? Cette flotte qu'ils avaient appelée à la rescousse ?"
"Oui, c'était une bonne surprise."
"Exact. Et bien c'est plus gros."
"Les vaisseaux n'étaient pas si gros que ça."
"Pas plus gros que les vaisseaux", dit Bruner d'un air menaçant. "Plus gros que la flotte."
Tous ouvrirent la bouche de surprise en ouvrant de grands yeux, sauf Chakotay. Il ne pouvait pas pour l'instant saisir l'allusion, mais il n'aurait pas longtemps à attendre pour être dans le même état. "Capitaine", dit-il, observant les données sur sa console. "Le canal s'ouvre juste en dessous de nous !"
"En avant toute, vitesse d'impulsion maximale ! Maintenant !" Les doigts de Young étaient déjà en mouvement. Le Logan fit un bond en avant juste à temps...
...Et le navire Sernaix le plus gros jamais aperçu sortit du vortex, toutes armes prêtes à faire feu.
L'équipage regardait fixement, incrédule, le monstre sur l'écran. Grant fut le premier à reprendre ses esprits. "Très bien, tout le monde commence les balayages. Nous avons besoin de toutes les informations que nous pourrons obtenir de cette chose. Barry, donnez-moi ses caractéristiques tactiques. Qu'est-ce qui peut l'endommager ?"
"Rien", dit Bruner après avoir appuyé sur quelques commandes. "C'est protégé par un bouclier d'au moins six épaisseurs de cette matière photonique. Même un autre navire Sernaix ne pourrait en venir à bout."
"Un cuirassé", dit lentement le Premier Officier.
Grant se retourna. "Chakotay ?"
"Quand j'étais dans le Maquis, j'ai capturé un missile géant Cardassien, une fois. Mon ingénieur l'a amélioré avec tous les boucliers et les armes qu'elle avait pu trouver et l'avait réexpédié sans m'en avertir. Nous pensions qu'il avait été détruit, mais le Voyager l'a retrouvé dans le Quadrant Delta. Nous ne pouvions pas l'arrêter. Rien de ce que nous pouvions lui balancer ne lui faisait le moindre dommage. Nous avons presque failli nous autodétruire pour l'empêcher de détruire un monde habité." Chakotay frémit à ce souvenir. "Les Cardassiens, les Borgs, l'Espèce 8472... Ils avaient tous des faiblesses que je pouvais exploiter. Le cuirassé a été le seul véritable ennemi invulnérable que j'ai jamais rencontré. Jusqu'à aujourd'hui."
Quelques instants de silence planèrent. Finalement, Morgan prit la parole. "La bonne nouvelle, c'est qu'il n'a pas l'air de pouvoir nous voir. Leurs balayages sont de même intensité dans toutes les directions et ils n'utilisent pas de balayage de tachyons."
"Bien", dit Grant. "Alors nous pouvons toujours accomplir notre mission. Quand nous aurons terminé ces balayages et les aurons envoyés à Starfleet, peut-être nous demanderont-ils de..."
"Monsieur ?" dit Bruner. "En parlant du loup." Il changea l'image de l'écran pour une vue arrière. Derrière le navire, des centaines de lumières s'allumaient. Un à un, des vaisseaux de Starfleet formant une flotte apparurent. Avec eux, en moins grand nombre, se trouvaient des vaisseaux Klingons, Romuliens, et... des vaisseaux Cardassiens ? Chakotay essaya, mais franchement sans parvenir à se rappeler, si les Cardassiens étaient supposés être leurs alliés ou leurs ennemis, désormais."
"C'est la cavalerie !" dit Morgan avec un sourire.
Grant se retourna. "Et nous sommes juste entre eux et le Cuirassé ! Shari, dégagez-nous de là !"
Le Logan engagea désespérément ses moteurs à pleine puissance tandis qu'un fleuve de tirs amis venait à sa rencontre...
 
***
 
Alistair Warhol était assis à ruminer sur sa réunion avec Monsieur West quand la porte de son bureau sonna. Humm... Dix-huit heures. Il ne se rappelait pas avoir pris de rendez-vous à cette heure. "Entrez", dit-il.
L'agent Johns entra et alla comme à son habitude directement au fait. "Je viens juste de rencontrer à nouveau Sycorax. Elle est frustrée d'avoir perdu des gens face aux Klingons, mais je ne pense pas qu'elle sache que nous sommes impliqués."
"Qu'est-ce qu'elle sait ?"
"Que les forces Klingonnes sont parvenues à abattre deux éclaireurs et ont détruit la planète sur laquelle ils s'étaient écrasés. Elle dit que même les siens ne peuvent survivre à cela."
"Bien. Plus longtemps nous pouvons l'empêcher de comprendre le rôle du Logan, mieux ce sera."
Warhol se leva. "Bon travail, Johns. La chose suivante que j'aimerais que vous fassiez est..."
Sans avertissement, la pièce et Johns disparurent. L'Amiral Warhol se retrouva debout sur ce qui ressemblait à une planète... Une planète de métal ? Il toucha le sol. C'était bien du métal. Mais il y avait aussi des plantes tout autour de lui, certaines d'origine extraterrestre, d'autres terrestres. Inexplicablement, elles étaient enracinées directement dans le sol métallique de la planète, mais sans aucun signe visible de malnutrition ou de mauvais état. Un peu plus loin, des machines s'activaient paisiblement.
Warhol leva la tête. Le ciel avait une couleur verdâtre irréelle. Il n'y avait pas de soleil.
"Bienvenue", dit une voix derrière l'Amiral. Il se retourna et vit un humain à la peau légèrement basanée et aux longs cheveux blancs, debout devant lui. L'humain semblait avoir dans les cinquante ans. Il était vêtu d'un uniforme marron de Starfleet, mais un ancien, en vigueur dans les années soixante du siècle dernier.
"Qui êtes-vous ?" demanda Warhol. "Où m'avez-vous amené ?"
"Je m'appelle Ankin Rotor", répondit l'homme. "Et ceci est mon monde. C'est le monde dont je construis l'existence, petit à petit."
Il me semble bien assez réel pour moi, pensa l'Amiral.
"Il l'était", répondit Rotor. "Et il le sera à nouveau."
"Vous lisez dans mes pensées !" l'accusa Warhol.
"Ces pensées sont miennes. Maintenant, Alistair Warhol, laissez-moi vous expliquer pourquoi je vous ai amené ici. Vous et moi avons un ennemi commun."
"Qui ?"
"L'humain le fixa du regard.
"Catherine Janeway", dit Warhol, sans comprendre comment il le savait.
"Vous le savez car je le sais. Janeway est votre ennemi car vous en avez voulu ainsi. Elle est mon ennemi parce que ce monde ne se formera jamais tant qu'elle sera vivante."
"Elle vous en empêcherait ?"
"Jusqu'à son dernier souffle, comme son équipage. Elle leur a enseigné sa folie aveugle. Ils doivent tous être annihilés."
"Tués ?"
"Annihilés. Vous pourrez vous en charger."
"Pas maintenant, je ne le peux pas", dit Warhol. "Croyez-moi, je mettrai Janeway à la retraire si je le pouvais. Mais pour le moment, elle a trop d'alliés haut placés et je déteste l'admettre, mais elle pourrait bien avoir raison quand elle dit que nous avons d'elle pour vaincre les Sernaix."
"Les Sernaix ne sont d'aucune importance. Nous devons stopper Janeway maintenant, tant que nous le pouvons."
Warhol commença à ressentir un étrange sentiment familier... "Vous n'êtes pas vraiment humain, n'est-ce pas ?"
"Non. Cette forme est celle que j'utilise pour communiquer avec ceux de votre race."
"Très bien. Vous pensez que nous devons stopper Janeway, d'accord. Pourquoi ne vous en occupez-vous pas ?"
"Mes ressources sont grandes mais pas infinies et pour le moment, je suis à court de réserve. C'est pourquoi je vous ai contacté."
Warhol commençait à s'énerver. "Ecoutez, je vous ai donné mes raisons. Et même si je n'en avais pas, vous ne m'avez quasiment rien dit sur vous et ceux que vous représentez."
"Je me représente moi-même, et je suis Ankin Rotor."
"Alors Ankin Rotor pourra se charger de son propre sale boulot."
Warhol fit mine de se retourner... et s'aperçut qu'il ne le pouvait pas. Quelque chose le paralysait. Il essaya de parler, mais n'en fut pas plus capable. Qu'est-ce qui se passe ici ? pensa-t-il, commençant à paniquer.
"J'ai essayé la diplomatie", dit l'humain avec un sourire vicieux. "Vous ne pourrez pas dire que je ne l'ai pas fait."
Une douleur intense se propagea à travers l'Amiral, gagnant chaque partie de son corps. Avec horreur, Warhol réalisa soudain que sa paralysie était totale. Son coeur ne battait plus. Ses poumons ne se remplissaient plus. Son sang ne circulait plus. Alors comment pouvait-il ressentir de la douleur ? Comment pouvait-il penser ? La réponse s'imposa instantanément à lui. Rotor avait épargné son système nerveux et son cerveau. Warhol n'arrivait pas à croire à un tel sadisme. Cela devait être la chose la plus terrible que l'on puisse faire à un humain.
Rotor sourit. "Absolument pas."
Tout autour de Warhol, la planète de métal devint vivante. Des vrilles d'acier émergèrent de tous côtés, leurs arêtes plus effilées qu'aucune lame de rasoir. Les plantes commencèrent également à bouger et à croître. Le métal et la matière vivante poignardèrent les jambes, les bras et la poitrine de Warhol. Un coup de branche fine comme une aiguille lui transperça une tempe et ressortit par l'autre. Une vrille de métal s'enroula autour de son cou et serra jusqu'à ce que sa chair se déchire.
Et il ressentait tout.
"C'est le moins grand de mes pouvoirs", murmura Rotor d'un air conspirateur. "Je pourrais vous en montrer plus, mais vos récepteurs de douleurs n'ont qu'une très faible capacité. Souvenez-vous d'une chose. Je peux vous faire cela quand je le veux, aussi longtemps que je le veux. Eliminez la menace qu'est Catherine Janeway ou je continuerai à le vouloir." Sur ce, la version humaine d'Ankin Rotor s'évanouit.
Warhol aurait voulu crier, mais il ne pouvait bouger un seul muscle tandis que les tentacules le déchiraient. Ils continuèrent de le torturer pendant une bonne quinzaine de minutes avant de tous se réunir en un grand final. Ensemble, ils bondirent dans son abdomen et remontèrent jusqu'à son cou puis dans son crâne, où ils encerclèrent son cerveau avant de..."
"Monsieur ? Monsieur ?"
Warhol était de retour dans son bureau. Il pouvait à nouveau bouger et se força à le faire, en dépit de la douleur qui continuait à le brûler de l'intérieur. "J... Johns... Je..."
Le responsable appuya sur son communicateur. "Johns à l'infirmerie. Nous avons une..."
"Non !" Avec un effort surhumain, Warhol ignora les effets de son tourment mental. "Je vais bien. J'ai juste eu un moment de... fatigue, c'est tout."
Johns sourit pensivement. "Vous vous faites vieux, Amiral."
Warhol s'assit, essayant de se réhabituer au concept de pouvoir respirer à nouveau. "Merci de vos inquiétudes, Johns. Vous pouvez y aller."
"Monsieur, vous n'avez pas dit qu'il y avait quelque chose d'autre ?"
"Ce n'est pas important. Allez-y... Je vous recontacterai plus tard."
"Bien, Monsieur", dit Johns. Il n'était pas du genre à discuter les ordres. Il se retourna et sortit.
Warhol souleva lentement sa main pour appuyer sur son communicateur. "Leucking", dit-il. "Appelez-moi Carl Grant. Immédiatement."
 
***
 
Un rayon de disrupteur romulien passa à quelques millimètres de l'arrière du Logan, mais ne le toucha pas. Le navire avait sauté en vitesse d'impulsion maximale seulement quelques microsecondes auparavant.
"C'était on ne peut plus près", dit Morgan, laissant s'échapper un soupir. "Avec nos boucliers baissés pour le camouflage, un seul coup et on se serait fait complètement enc..."
"Hé !", dit Grant, ennuyé. "Je vous ai déjà dit de ne jamais employer ce genre de langage sur ma passerelle. Young, emmenez-nous à distance de sécurité."
"Parce qu'il y a une ?" demanda-t-elle.
"Soixante-dix mille années-lumière."
Young sourit. "Compris, Monsieur."
Chakotay attendit dix secondes, mais vit que, pour une raison quelconque, Grant ne donnait pas l'ordre de départ. S'était-il bloqué sous la pression ? Quelle qu'en soit la cause, quelqu'un devait donner cet ordre à sa place. "Barry", dit le Premier Officier. "Coupez le camouflage et levez les boucliers. Nous allons viser leurs systèmes d'armem..."
"Annulez ça !" Grant se retourna pour regarder Chakotay. "Y aurait-il encore une part de votre mission que vous n'ayez pas compris ? Elle tient pourtant en une seule phrase. Observez et ne vous mêlez de rien."
Chakotay était sur le point de répliquer quand Bruner reprit la parole. "D'autres vaisseaux Sernaix approchent, Monsieur ! Je détecte neuf canaux de courant de glisse !"
"D'autres cuirassés ?"
"Non, ils sont plus petits, comme ceux que nous avons vus auparavant. Des éclaireurs, pour la plupart." Un autre bip. "Ais-je mentionné que le cuirassé était en train de lancer d'autres éclaireurs ?"
"Combien ?"
"Jusqu'à maintenant ? Deux." (bip.) "Cent." (bip.) "Deux cent deux."
"C'est pas bon. Statut de la flotte, Chakotay ?"
"On dirait qu'on tient le coup jusqu'à maintenant. Seulement trois navires détruits et trois hors de combat. Et nous avons détruit au moins cinq éclaireurs."
Grant leva un sourcil. "Pas mal. Vous croyez que les armes cardassiennes ont plus de succès car elles sont neuves pour les Sernaix ?"
"Elles ne sont pas nouvelles pour les Sernaix", dit Chakotay avec une grimace. "Il y avait deux croiseurs de classe Galor dans la Bulle. Les Sernaix s'en sont occupés en moins d'une minute."
"Rabat-joie."
Chakotay refusa de répondre à cette tentative de camaraderie. "Monsieur, il faut que nous nous mêlions à cette bataille ! Un navire ne fait peut-être pas la différence, mais s'il y a une chance que nous puissions être utiles, nous devons essayer !"
"Commandeur, nos ordres sont extrêmement clairs. Nous avons transmis nos informations sur le cuirassé à Starfleet par réseau subspatial et ils les passeront à la flotte s'ils peuvent trouver la moindre faiblesse. C'est le maximum que nous sommes autorisés à faire en terme d'action."
"Bon Dieu, Capitaine, ces ordres n'ont pas été écrits pour cette situation !"
"Ca ne fait rien. Les ordres sont les ordres."
"Avec tout votre respect, ce n'est pas vrai. Les ordres sont les ordres en fonction du contexte. Si Starfleet savait que nous étions ici, ne pensez-vous pas qu'ils nous demanderaient de tirer ? Des gens sont en train de mourir ici, maintenant !"
"Monsieur Chakotay, le temps passé dans le Quadrant Delta vous a peut-être laissé croire que les règles n'avaient pas d'importance quand vous étiez loin de Starfleet, mais nous n'avons pas ici le temps de..."
"Monsieur !" cria Morgan. "Nous recevons un signal du Commandement. L'Amiral Warhol veut vous parler."
"Maintenant ?" demandèrent le Capitaine et le Premier Officier à l'unisson.
"Je sais, mais c'est une transmission sécurisée de priorité moins un. Urgent, top secret, uniquement pour vos yeux."
"Bon Dieu." Grant se dirigea vers son bureau. "Passez-le-moi. Chakotay, vous avez les commandes."
Il était aux commandes ? MAINTENANT ? Qu'allait-il faire ? Suivre les ordres et regarder les gens mourir, ou bien franchir la ligne et trahir son Capitaine ?"
Tandis que la porte se refermait derrière Grant, Chakotay aurait donné n'importe quoi pour être guidé par les Esprits Célestes...
 
***
 
"Arrêtez", dit Warhol, tandis que le Capitaine Grant pouvait voir la terreur absolue dans ses yeux. Que lui était-il arrivé ?
"Monsieur", dit Grant. "Nous sommes loin de cette partie du plan prévu. Je ne pense pas que nous aurons jamais besoin de l'appliquer. Chakotay est un bon Officier et il a finalement arrêté de penser à moi comme son ennemi. Si je peux gagner sa confiance, je parie que je serai capable de le convaincre de voir les choses à notre façon. J'ai juste besoin d'un peu plus de temps."
"NON !" Grant n'avait jamais vu l'Amiral aussi secoué. "Ca doit s'arrêter maintenant. Je n'ai pas le temps de m'expliquer. L'équipage de Janeway est une menace trop grande, nous ne pouvons pas nous permettre plus longtemps de continuer ces efforts. Débrouillez-vous pour savoir ce que Chakotay sait et éliminez-le."
Grant était effaré. "Alistair... Vous ne m'avez jamais ordonné de tuer quelqu'un auparavant. Vous avez toujours dit qu'une vie humaine était..."
"FAITES-LE !"
Warhol coupa la communication et Grant essaya de reprendre ses esprits. Il devait y avoir un nouveau paramètre en jeu, assez puissant pour décider Warhol à prendre des mesures désespérées.
Mais abattre Chakotay ? Maintenant ? Qu'allait-il faire ? Suivre les ordres et jeter à la poubelle tous les progrès qu'il avait fait avec lui, ou les outrepasser et trahir le Commandement ?
Tandis que la porte s'ouvrait devant lui, Grant aurait donné n'importe quoi pour être guidé, mais le seul Dieu auquel il avait jamais cru était son Devoir. Il n'avait d'autre choix que de faire son devoir pour la Section.
 
***
 
Quelques instants plus tôt, Chakotay avait pris sa décision. Ca avait été l'une des plus difficiles de sa carrière. Mais il avait décidé, et il ne changerait pas d'avis.
"Pilote", dit-il. "Amenez-nous dans..."
"Sortez de ma passerelle !"
Chakotay se retourna et vit Grant sortir de son bureau. "Monsieur ?"
"J'ai entendu votre ordre ! Vous étiez sur le point de nous engager là-dedans."
"Quoi ? Non ! J'étais sur le point de nous amener plus près pour obtenir de plus précis..."
"Des clous. Barry, accompagnez ce bâtard en cellule."
Chakotay n'en croyait pas ses oreilles. "Capitaine, vous n'êtes pas sérieux !"
"Hé !" Les deux hommes se retournèrent, sursautant au son de la voix de Sam Morgan. "Donnez-lui le bénéfice du doute, Chef. Vous n'avez entendu que la moitié de sa phrase. Comment pouvez-vous être sûr de ce qu'il disait ?"
"Je ne peux pas courir ce risque", dit Grant, en colère. "Peut-être qu'il est innocent, mais s'il était bien en train de contredire mes ordres, je ne veux pas prendre le risque de l'avoir ici dans un moment crucial comme celui-ci. Bruner, maintenant !"
"Capitaine", dit Morgan avec encore plus de sérieux. "A moins qu'il soit un criminel reconnu, vous ne pouvez pas le mettre en cellule !"
"Bien. Emmenez-le dans ses quartiers, Barry. Pas la peine de l'enfermer à clé, il sera bien sage. Mais que ce soit clair, Chakotay, vous êtes relevé de vos fonctions. Vous ne reviendrez pas sur cette passerelle jusqu'à ce que je vous en donne l'ordre."
L'Officier tactique dégaina lentement son phaseur. "Monsieur... Je suis désolé. Vous devez venir avec moi."
"Montrez-moi le chemin", dit Chakotay sans détourner la tête de Grant. L'expression du Premier Officier n'était que pur dégoût. Après deux secondes de silence, il se tourna et marcha jusqu'à l'ascenseur. Bruner le suivit.
Grant resta debout un moment devant la station de Chakotay. Puis il revint jusqu'au fauteuil de commandement et s'y assit, deux pensées en tête.
La première était qu'il n'allait probablement pas engager le vaisseau dans cette bataille. Mais il allait avoir besoin d'une raison. La chance lui en fournirait une, ou bien il serait vraiment dans de beaux draps.
La deuxième était que ce n'était que le début de ce qu'il avait à faire.
C'était tellement plus simple de penser à lui comme à un criminel, un Maquisard, quelqu'un qui déshonorait l'uniforme qu'il portait. Mais désormais, il le connaissait. Il avait de sacrées fichues habitudes, mais c'était un homme droit. Et il devait le détruire pour sauver la Fédération.
Que Dieu lui vienne en aide.
 
***
 
Chakotay était rentré lui-même dans ses quartiers, laissant son communicateur et ses insignes de rang à Bruner. S'il devait être un prisonnier, autant en avoir l'air. Après s'être à nouveau excusé, l'Officier tactique était retourné à son poste.
Il ne pouvait plus y avoir de doute désormais. Carl Grant, à la lumière de tous les signes qu'il avait déjà montrés, était un traître. De même probablement que l'Amiral Warhol. Pour une raison quelconque, eux et leurs associés essayaient de prendre le contrôle de la guerre contre les Sernaix, et Dieu seul savait si leurs plans incluaient une victoire de la Fédération.
Il allait devoir s'échapper. Il faudrait qu'il trouve un moyen de s'enfuir du navire pour donner rendez-vous au Voyager. Une fois qu'il aurait des renforts, il pourrait revenir pour déterminer quels étaient les véritables plans de Grant.
Mais pourrait-il y arriver tout seul ?
Bien sûr qu'il le pourrait. Il avait combattu seul auparavant et il pourrait le refaire.
Mais il devait être honnête avec lui-même. Et cela signifiait qu'il devait admettre qu'il n'avait jamais vraiment combattu seul. Chakotay avait toujours été un guide ou un suiveur, mais son fort n'était pas l'individualisme.
Ses collègues du Voyager lui manquaient plus qu'ils ne lui avaient jamais manqué en huit ans. Ses amis. La force et les aptitudes en ingénierie de B'Elanna lui manquaient, l'esprit vif et le génie tactique de Tuvok, la loyauté et l'humour de Paris. L'expertise du Docteur lui manquait, la persévérance d'Harry, la sagesse d'ancien de Neelix. L'efficacité de Seven lui manquait aussi, son incroyable champ de connaissances, son joli sourire... et les efforts qu'il lui avait fallu faire pour qu'elle s'habitue à l'utiliser.
Par dessus tout, le Capitaine Janeway lui manquait. Si elle avait été là, aucune force dans la galaxie n'aurait pu les arrêter. Mais savoir qu'elle était là, quelque part, rendait l'espoir à Chakotay, et cela devrait lui suffire.
Chakotay se leva, empli d'une nouvelle détermination. D'une façon ou d'une autre, il arrêterait Grant. C'est lui qui ferait la différence.
Et c'est à cet instant que le vaisseau fit une embardée et que les sirènes se mirent à hurler. Chakotay réalisa que le Logan était sous un feu. Ses meubles glissèrent autour de lui, la table à café le cogna derrière les jambes et le fit tomber face à terre.
La tasse d'Earl Grey, désormais plus que froide, se renversa de la table dans ses chaussures.
La plante holographique heurta le sol, mettant en route son émetteur. Ses pétales entamèrent leur cycle de changement de couleur à une vitesse folle, sans s'arrêter.
Chakotay se releva et pendant un moment, du coin de l'oeil, aurait pu jurer qu'il apercevait la Lune de la Terre. Ronde, pleine et blanche, des cratères couvrant toute sa surface. Une représentation si belle qu'elle avait inspiré de nombreux poèmes et chansons. Un symbole sacré de son peuple.
Mais elle n'était pas là.
 
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Ecrit par: Zeke
version française: Laurent
Producteurs: SaRa, MaquisKat and Coral
Remerciements aux différents correcteurs: Judy (version originale), Pascal (version française).

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